Le torchon brûle entre l’État et le leader mondial de la sidérurgie.  (Photo: Charles Caratini / archives)

Le torchon brûle entre l’État et le leader mondial de la sidérurgie.  (Photo: Charles Caratini / archives)

La ministre de l’Environnement indique ce jeudi qu’ArcelorMittal a déposé un recours devant le tribunal administratif pour s’opposer à la demande de l’État luxembourgeois. Celui-ci lui enjoignait en juin 2013 de restituer 80.922 quotas d’émission de CO2.

Carole Dieschbourg (Déi Gréng) répondait en effet au député ADR Roy Reding qui avait interrogé la ministre le 15 janvier sur les suites données par le sidérurgiste à ladite demande de restitution alors que la presse rapportait que le groupe avait empoché quelque 800 millions d’euros grâce à la «liquidation» des quotas en excès.

Le gouvernement ne lâche pas le morceau. «Il reste», dit la jeune ministre (36 ans), «convaincu que, suite à la cessation totale de l’activité sur le site de Schifflange en 2011 et sa non-reprise en 2012, et en vertu des dispositions de la loi modifiée du 23 décembre 2004 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, la restitution des quotas d’émission de gaz à effet de serre alloués pour 2012 s’impose».

Continuité CSV-Déi Gréng

Elle confirme ainsi la position de son prédécesseur chrétien social au ministère de tutelle (Développement durable à l’époque), Claude Wiseler. L’intéressé avait en juin 2013 répondu au député vert Camille Gira (dorénavant secrétaire d’État au développement durable).

Pour la période 2008-2012, la Commission européenne a fait le décompte des émissions des entreprises régies par le système d'échange de quotas. «Les émissions réelles d'ArcelorMittal à Schifflange/Rodange en 2012 ne se chiffrent qu'à 151 tonnes de CO2, ce qui s'explique par la diminution de la production du train à fil de Schifflange», soulignait alors le député vert. «Or, ArcelorMittal avait gratuitement reçu de l'État des quotas d'émission à hauteur de 81.073 tonnes de CO2 pour le site en question. Sur le marché international des émissions de gaz à effet de serre, ce surplus représente un gain d'une certaine valeur pour ArcelorMittal!»

La boucle est bouclée. Tout le monde semble d’accord au sein de la classe politique. Ce n’est pas le cas d’ArcelorMittal, qui conteste aujourd’hui. Le sidérurgiste répond ainsi que les droits d’émission octroyés par les États en 2007 pour la période 2008-2012 et non utilisés pour des raisons conjoncturelles, seront d’utilité entre 2013 et 2020, du fait justement d’un manque anticipé de droits d’émission.

Défense d’ArcelorMittal

Le groupe basé au Luxembourg reproche aussi une mauvaise interprétation de la base de données de la Commission européenne précédemment évoquée. Selon ArcelorMittal, le chiffre de 165 millions de tonnes de surplus ne prend pas en compte «nombreux transferts obligatoires de crédits CO2 vers des tierces parties».

ArcelorMittal prodigue enfin un dernier argument: «La société paie déjà le prix fort pour ce surplus. Il est le symptôme de l’impact de la crise financière sur ses opérations européennes. ArcelorMittal a pour vocation de produire de l’acier, pas d’arrêter ses unités de production pour accumuler des droits d’émission de CO2. Était-ce donc du culot, de l’intox ou tout simplement de la bonne foi? Michel Wurth, le membre luxembourgeois de la direction globale du groupe, s’est plaint ce mardi du système de droits d’émissions européens. Le débat est donc loin d’être clos.