Sven Giegold met en cause l’obstruction que le gouvernement luxembourgeois fait en refusant de rendre accessibles des documents de nature à faire avancer les travaux de la commission taxe au Parlement européen, instituée après les révélations des LuxLeaks. (Photo: Licence CC / Wikipédia)

Sven Giegold met en cause l’obstruction que le gouvernement luxembourgeois fait en refusant de rendre accessibles des documents de nature à faire avancer les travaux de la commission taxe au Parlement européen, instituée après les révélations des LuxLeaks. (Photo: Licence CC / Wikipédia)

«Alles schwartz im Luxemburg» s’est plaint ce lundi l’eurodéputé écologiste allemand Sven Giegold lors d’une conférence de presse en solo où il a mis en cause l’obstruction que le gouvernement luxembourgeois fait en refusant de rendre accessibles des documents de nature à faire avancer les travaux de la commission taxe au Parlement européen, instituée après les révélations des LuxLeaks.

«Le Luxembourg fait obstruction à différents niveaux», a-t-il expliqué en pointant les contradictions du discours politique du ministre des Finances Pierre Gramegna sur la nouvelle ère de transparence de la place financière et son refus de communiquer des documents qui permettraient aux députés européens de se faire une image plus complète de la position luxembourgeoise dans le traitement fiscal accordé aux entreprises. «Le 18 mai dernier lorsque la commission taxe s’est rendue au Luxembourg, monsieur Gramegna a assuré que le Luxembourg n’avait rien à cacher, malheureusement, je constate que ce n’est pas le cas», a déclaré l’eurodéputé.    

Le Luxembourg n’est pas le seul pays dans son viseur. Sven Giegold a prévu de suivre une démarche identique aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, deux grands centres financiers qui se refusent à rendre accessibles aux parlementaires des documents du groupe de travail sur le code de bonne conduite les concernant. Le code de bonne conduite a été instauré en 1997 (sous présidence luxembourgeoise) et ses travaux ont démarré en 1998. Les États membres y ont pris des postures pour défendre leurs niches fiscales ou renoncer à certaines (pour le Luxembourg, ce furent les holdings de la loi de 1929, par exemple).

Obstruction en 7 actes

Une obstruction en «7 actes» selon l'eurodéputé, qui balaie plutôt large le spectre de l’absence de coopération du Grand-Duché avec le Parlement européen dans ce dossier et son sens du respect des institutions européennes à géométrie variable.  

Il s’agit principalement des réponses jugées peu sérieuses que les autorités ont fournies aux membres de la commission taxe, suite à une première demande remontant au 23 avril dernier. Il faut dire que les députés réclamaient presque l’impossible: un aperçu (avec noms des sociétés et dates) de tous les rulings qui avaient été émis depuis 1991 par l’Administration des contributions directes, la liste des échanges de rulings sur une base spontanée avec les autres États membres comme le veut une directive de 1977 et la copie du rapport Krecké complet. Si le mystère a pu être levé il y a quelques semaines sur le rapport de l’ancien député LSAP puis ministre du gouvernement Juncker, le gouvernement n’a rien lâché sur la production des décisions anticipées, en se retranchant derrière le secret fiscal.  

Lors de son audition le 22 septembre dernier devant la commission spéciale taxe, Pierre Gramegna avait essentiellement couvert les sujets de fiscalité européenne, sans prendre le temps d’explorer les sujets luxembourgeois. Comme Paperjam l’avait indiqué, le ministre des Finances s’était fait rattraper par la suite via une série de questions écrites des députés frustrés de ne pas avoir obtenu de réponses satisfaisantes. Parmi les compléments d’information qui lui étaient réclamés figurait le dossier de la firme US de grande distribution «Walmart», connue pour ses pratiques pas vraiment socialement responsables. Walmart, ce serait 22 structures au Luxembourg dont cinq constituées encore cette année, alors qu’il n’y a pas de magasin à cette enseigne dans le pays, avait fait remarquer une députée des Verts à Pierre Gramegna. Lequel avait rétorqué que les critères appliqués par les autorités luxembourgeoises pour tester la substance économique de sociétés pour en faire des contribuables au Luxembourg étaient conformes aux standards définis par l’OCDE. 

La réponse n’a pas satisfait Sven Giegold qui souhaite se faire communiquer le «vade-mecum» de l’ACD pour appliquer ses critères de substance économique. Le ministre des Finances se serait engagé en mai dernier à le rendre public, mais s’est ravisé depuis lors, jugeant que cette pièce rentrait dans le champ du secret fiscal.

Le Luxembourg est par ailleurs, avec 12 autres partenaires européens, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, le mauvais élève de la classe en refusant l’accès aux membres de la commission taxe des documents de travail du code de bonne conduite. «Un tiers des informations ont été rayées», a déploré le député vert qui s’attend à plus de transparence de la part d’un État membre qui préside actuellement l’UE.