Paperjam.lu

 

?uf ou poule? Le débat est ancien' Un autre s'y rajoute: contenu ou accès? La question, déjà abordée dans le numéro précédent de paperJam, est en fait à double tranchant. On a constaté que les bandes passantes disponibles pour les entreprises et les particuliers allaient «exploser» dans les mois à venir. Les pauvres modems analogiques traditionnels vivent leurs derniers instants. À nous les xDSL, PLC et autres fibres optiques. Oui, mais'dans quel but?

Il n'existe (presque) pas de contenus (véritablement) adaptés au Haut-Débit

Qu'est-ce qu'un contenu adapté? La question n'est pas si stupide qu'il semble à première vue. En effet, les connexions à Haut-Débit (HD) ont toutes des caractéristiques propres, notamment dans les vitesses atteintes. Le HD commence à 256 Kbits et termine à 2Mbits? pour le moment. D'ici quelques années, ces vitesses seront très certainement considérées comme lentes ou normales. Le HD peut être «wireless» ou «wired». Il peut être mobile ou fixe. Mais quoi qu'il soit par ailleurs, le point de ralliement de toutes ces technologies est une disponibilité permanente pour l'utilisateur. Au contraire d'une ligne téléphonique traditionnelle ou d'un GSM, les liaisons HD permettront une connectivité permanente. Pour le moment, on active une ligne qui n'est pas ouverte en permanence. Demain, les ordinateurs et téléphones ne se déconnecteront jamais.

Partant de ce principe, les contenus mis en place pour les Hauts-Débits devront tenir compte de ces caractéristiques de disponibilité permanente. 

Le confort d'utilisation

On se trouve aujourd'hui dans une étape intermédiaire. Alors que les technologies HD ne se sont pas encore imposées à grande échelle (ne font qu'apparaître timidement pour être exact), des nouveaux formats font leur entrée. Ils permettent plus d'interactivité, plus de «gaieté et de mouvement» dans la fenêtre du navigateur mais ne sont pas exempts de reproches. Exemple? Flash de Macromedia. Proposer un site en Flash signifie proposer un site graphiquement intéressant, permettant une interactivité poussée, avec une compatibilité «cross-browser». Avoir aujourd'hui une connexion HD permet de profiter de ces sites de manière «optimale» et rapide. Avoir une connexion traditionnelle signifie souvent devoir patienter quelques dizaines de secondes pour que ladite présentation Flash daigne se charger complètement. Avantage au Haut-Débit.

De la même manière, les accès aux pages traditionnelles deviennent quasi-instantanés. Plus d'attente, plus de frustration, d'où ? pour certains ? une augmentation de la «consommation» du réseau.

De nouveaux usages?

Ceci posé, il reste essentiel de penser aux différents usages qui pourront être faits de cette bande passante tant promise.

Personne pour le moment ne peut affirmer savoir quelle sera la «Killer Application» de l'Internet rapide. On ne peut encore que projeter, faire des estimations, se laisser aller à un mélange d'analyse et de marc de café.

? pour les professionnels

Parmi les hypothèses possibles figure celle selon laquelle les chiffres d'affaires générés par le réseau à Haut-Débit se feront dans les mêmes proportions que pour le commerce électronique «actuel». Formulé de manière plus claire, cela signifie qu'il est probable que les contenus et applications B2B prendront l'avantage sur les applications grand public.

Quelles pourraient-elles être? Trois exemples parmi d'autres: gestion de la force commerciale, e-Learning et workplace.

Gestion de la force commerciale. Avec les moyens traditionnels, un commercial doit passer une grande partie de son temps à gérer des activités administratives, connexes à son véritable rôle dans l'entreprise. Générer les bons de commande, mettre à jour ses catalogues'peuvent prendre jusqu'à la moitié du temps de travail. On peut imaginer qu'un commercial équipé de moyens de communication efficaces pourra télécharger les derniers détails et dernières mises à jour de ses produits, passer une commande en sachant dans l'instant si les produits sont à fabriquer / à commander / simplement à livrer. Le résultat? Augmentation de la qualité du service rendu au client, augmentation du temps passé en clientèle. Ces applications auront besoin du HD mobile: téléchargement de grands fichiers pour les dernières présentations produits, rapidité d'échange pour les niveaux de stocks, sécurisation des transferts pour éviter les erreurs. Sans compter que la manière de présenter le produit pourra évoluer également. D'une photo fixe ou pourra passer à une animation complètement interactive.

e-Learning. La formation n'est pas à proprement parler un domaine B2B. Il est par contre probable que c'est sa dimension formation continue qui bénéficiera des premières avancées dans l'utilisation des réseaux à Haut Débit. Pourquoi? Les connaissances issues de la formation initiale ne suffisent plus à toute une vie professionnelle, le «lifelong learning» devient un impératif pour l'individu s'il veut conserver sa place dans l'entreprise, et pour l'entreprise si elle veut conserver sa compétitivité face à ses concurrents. Adopter des solutions de formation sur demande et en ligne peut permettre une diminution des coûts associés (une fois les solutions logicielles adéquates développées). Comment? Entre autre par un effet d'économie d'échelle et d'augmentation de la souplesse. Une formation traditionnelle impose la présence d'un enseignant. Une formation en ligne permettra à cet enseignant numérique de se démultiplier à la demande, avec une seule intervention «réelle» initiale. Augmentation de la souplesse, car une formation en ligne permettra à l'étudiant de choisir ses moments de formation et son rythme, au contraire des formules traditionnelles. L'apport du Haut-Débit est de permettre la création d'interfaces performantes associant vidéo en ligne, conférences virtuelles, projections de présentations, ? en ?temps réel', avec une interactivité développée et sans soucis de volume d'informations à transmettre.

Workplace enfin. Le concept de workplace est la rencontre de la place de marché virtuelle (marketplace) et de l'entreprise virtuelle. De la place de marché on emprunterait l'endroit neutre et sécurisé permettant un échange d'information. De l'entreprise virtuelle, on prendrait l'objectif de réussir à coordonner des activités de personnes et / ou d'organisations à distance, par l'utilisation d'outils adaptés. Ici encore, l'idée n'est pas dépendante des moyens de transmission, mais l'accession à des vitesses de transmission élevées supprime de nombreux obstacles. La question ne devient plus comment faire passer l'information, mais quelle information transmettre, avec quelle interactivité. Deux exemples de workplace potentiels: la mise au point d'un modèle automobile et le montage d'un film. Un workplace dans le secteur automobile pourrait servir à coordonner les activités des différents sous-traitants, des départements d'ingénierie, de design, de marketing? Une représentation en trois dimensions du projet pourrait être manipulée en même temps à des milliers de kilomètres par deux ou trois équipes d'ingénieurs. Dans le secteur audiovisuel, les montages de films, intégration d'effets spéciaux numériques? pourraient également se faire à distance. Dans ces deux cas, la présence de Haut-Débit, sinon de Très Haut-Débit est impérative pour le fonctionnement de l'application.

? pour les individus

Dans notre vie quotidienne également, les applications utilisant le Haut-Débit ne manqueront pas de se développer. Il y a plus d'un an, le groupe Bertelsmann présentait un «Internet that looks like television». Sur le câble de certaines villes allemandes, il était prévu de proposer toute une série de films à la demande, avec possibilité de commander des produits à partir de sa télévision. Le tout se passait avec une interface «télévisuelle», géra-ble via une télécommande, mais avec des technologies Internet rendues invisibles, intégrées dans le décodeur numérique fourni par le câblo-opérateur.

La mobilité et le Haut-Débit feront également sans doute bon ménage. Déroulons un scénario (assez optimiste, mais tout de même). Sortie de bureau un soir de semaine. On reçoit un coup de téléphone d'un(e) ami(e) qui lance une visioconférence de portable à portable. Envie de manger au restaurant? Oui, bien volontiers. Deux boutons enfoncés, trois restaurants correspondants aux goûts culinaires des deux protagonistes sont proposés, le consommateur fait son choix, la table est réservée automatiquement. A la sortie du restaurant, l'envie de prolonger la soirée se fait sentir. Pourquoi pas un cinéma? Trois manipulations, et le programme apparaît. Un «clic» de plus, et les bandes-annonces des deux films entre lesquels on hésite défilent. Le choix est fait et les tickets de cinéma sont réservés eux aussi automatiquement. A l'arrivée à la caisse, le portable et la guérite communiquent, on est accueilli par un «Bonjour Monsieur (Madame) XXX, voici vos billets».

Evidemment, la carte téléphonique faisant office de carte de crédit, plus besoin de s'enquiquiner à payer l'entrée, tout est déjà réglé.

Ce scénario est optimiste, mais loin d'être impossible technologiquement. Les difficultés vont en fait venir de la bonne ou mauvaise volonté des acteurs en présence pour proposer leur contenu en ligne et de la rapidité d'interconnexion de leurs systèmes d'information. Il sera également soumis aux différents modèles économiques qui pourront être mis en places, ainsi que de la propension des consommateurs à demander ces services.

En effet, il n'est pas certain que ce dernier voudra payer son billet de cinéma 50 francs plus cher pour «si peu». Il n'est pas non plus certain que la salle de cinéma voudra abandonner une partie de sa marge à un intermédiaire. Il n'est pas certain qu'un restaurant voudra consacrer des ressources à se référencer dans un moteur de restaurants en détaillant sa carte et ses plats? Il reste d'énormes incertitudes, mais le potentiel pour le Haut-Débit est énorme.  «