Alain Jacob, directeur général, Lamesch. (Photo: David Laurent/Wide)

Alain Jacob, directeur général, Lamesch. (Photo: David Laurent/Wide)

Monsieur Jacob, le grand public connaît le nom Lamesch mais n’a pas forcément une idée précise des activités de l’entreprise que vous dirigez. Pourriez-vous nous en dire plus?

«La société Lamesch est effectivement une entreprise connue, au moins de nom. Cela vient probablement de nos camions rouges que l’on voit circuler à travers le pays. Nous sommes cependant plus qu’une simple entreprise de collecte de déchets ménagers. C’était certes notre activité à la création de la structure, en 1962, mais depuis nous avons beaucoup évolué. Nos activités se sont diversifiées: à la collecte, se sont ajoutés la location de containers et de sanitaires, des activités de tri, de valorisation et de traitement des déchets, ainsi que du nettoyage industriel.

A quels types de déchets vous intéressez-vous?

«Tous les types. Nous pouvons également prendre en charge les déchets spéciaux et infectieux, issus majoritairement du monde hospitalier. De la même manière, nous sommes capables de valoriser les appareils électriques et électroniques. Nous avons notamment dans ce domaine un partenariat avec Ecotrel.

Les entreprises et les industriels font également partie de nos clients. En étant présents dès le début de la réflexion sur la gestion des flux de déchets, nous aidons nos clients à être plus efficaces sur le tri. Dans le cadre de chantiers, nous encourageons le tri à la source, en mettant à disposition un centre de tri sur place avec du personnel en charge d’orienter correctement les déchets.

Comme vous le constatez, nos activités nous placent d’elles-mêmes au cœur des problématiques environnementales et ce, depuis plusieurs années. Dès les années 80, nous nous sommes lancés dans le tri du verre. Le papier et le carton ont également été intégrés à cette époque. Puis dans les années 90, nous avons ouvert notre hall de démantèlement et de tri des appareils électriques et électroniques. Aujourd’hui, nos clients et le grand public sont davantage sensibilisés au tri. A nous de les conseiller pour continuer à s’améliorer et de trouver des débouchés pour assurer la valorisation matière ou énergétique des déchets.

L’année dernière, nous avons ouvert une implantation dans le nord du pays afin de nous rapprocher des clients de ce secteur et de limiter les trajets de nos camions. Enfin, je soulignerai l’aspect technique de notre métier qu’on ne soupçonne pas forcément. Le traitement des déchets spéciaux nécessite des compétences pointues. C’est pourquoi nous comptons également des ingénieurs chimistes parmi nos collaborateurs.

Comment se caractérise le marché luxembourgeois en matière de concurrence?

«La concurrence existe au Luxembourg, comme partout et heureusement. Pour nous différencier, nous nous appuyons sur l’étendue de notre offre de services. La plupart des autres entreprises du secteur sont actives sur une activité ou un produit en particulier. La diversité de nos solutions nous oblige à être compétents partout, ce qui n’est pas aisé, car les filières de traitement et de valorisation sont toutes différentes les unes des autres.

Ainsi, nous misons sur notre longue expérience, et nous privilégions les relations à long terme afin d’établir de vrais partenariats avec nos clients. C’est en alliant la connaissance de leurs besoins et de notre savoir-faire que nous réussissons à nous positionner de manière efficace.
Faire partie du groupe Sita/Suez Environnement nous permet également de bénéficier des retours d’expérience des différentes filiales. La taille du Luxembourg ne permet pas d’accueillir suffisamment d’installations de recyclage pour tous les déchets, ce qui nous amène à procéder à des exportations. Nous choisissons toujours la solution la plus pertinente et les implantations locales restent notre choix privilégié.
Prenons l’exemple des panneaux solaires, pour lesquels il faut trouver des débouchés. Construire une installation au Grand-Duché n’est pas toujours possible. La masse critique n’est pas atteinte. Néanmoins, j’ai quelquefois le sentiment que certaines personnes veulent aller chercher à l’étranger ce qui est déjà disponible au Grand-Duché.

La petite taille du Luxembourg ne constitue-t-elle pas parfois aussi un avantage?

«Dans le groupe, nous sommes la seule entreprise avec un tel nombre d’activités regroupé sur un seul site. Vu sa taille, le Luxembourg peut en effet devenir un véritable laboratoire pour les autres sociétés: elles feront plus tard ce que nous faisons aujourd’hui, mais à une autre échelle. Certaines installations sont ainsi construites sur base de l’exemple luxembourgeois.

Il est difficile pour nous d’être le leader du marché. Il fallait montrer et ouvrir la voie dans les années 80 et 90. Les challengers ont une position plus simple, qui est celle de se positionner par rapport au leader… Mais nous sommes fiers de l’être et nous comptons bien le rester.

Comment évolue le métier?

«Notre métier évolue en fonction de l’arrivée de nouvelles matières à traiter. Cela a été le cas avec les ordinateurs et les télévisions à tube cathodique. Aujourd’hui, nous portons notamment nos efforts sur les déchets organiques qui sont encore bien trop jetés avec les déchets ménagers.

A Mondercange, nous gérons et exploitons un site de compostage et de bio-méthanisation où nous réinjectons le gaz produit par la fermentation des déchets dans le réseau du pays.

Autre évolution: la qualité du tri et donc du recyclage. La prise de conscience écologique de ces dernières années et les avancées technologiques ont permis d’améliorer les taux de recyclage. Dans notre métier, deux choses sont à prendre en compte: le prix de la collecte et du traitement, mais aussi le prix de la matière première, une fois triée et devenue valorisable. Il nous faut donc à la fois raisonner sur le coût – combien pour traiter mes déchets? – et sur la valeur, positive ou négative, du produit généré une fois le tri effectué.

Aujourd’hui, l’effet de ciseaux entre la valeur négative et la valeur positive devient plus favorable. Néanmoins, il restera toujours des déchets non-valorisables appelés déchets ultimes. Ces derniers sont éliminés par incinération ou dans des décharges.

Enfin, notre contexte économique évolue sous l’effet de la législation. Elle nous permet d’avancer en définissant des normes et des lignes de conduite à suivre. Le Luxembourg est bien souvent à la pointe en matière de législation environnementale.

Va-t-il y avoir des ‘ruptures technologiques’?

«Notre métier a déjà beaucoup évolué, avec des solutions de tri assisté par des technologies comme les infrarouges. Une autre caractéristique de notre secteur est que tous nos projets se font sur des termes très longs. Il nous faut plusieurs années pour qu’un projet se mette en place.
Nous sommes, par exemple, en train de construire un parking pour notre personnel et allons y intégrer un bassin de rétention afin de réutiliser les eaux de pluie pour nos camions de pompage-nettoyage. Il y a 5 ans, lorsque le besoin a commencé à se faire sentir, nous n’y pensions pas.

Une part de notre métier revient à trouver constamment des filières de débouchés pour les matières que nous traitons. Dernièrement, nous avons mis en place une nouvelle filière de valorisation énergétique des restes de tri, le ‘fluff’. Ce mélange de résidus non recyclables issus du tri sert de combustible alternatif dans les industries et les cimenteries locales.

A quoi devez-vous faire attention en tant que directeur général?

«La gestion des ressources humaines et la formation sont deux éléments importants. Nous avons de la chance, car notre personnel est relativement stable: le turnover est faible et nos collaborateurs connaissent leur métier. On peut trouver quelques fois que les conditions de travail sont difficiles… mais très sincèrement, je pense qu’elles ne sont pas pires que dans d’autres secteurs. Dans les années 80, notre métier pouvait souffrir d’une image péjorative. Mais aujourd’hui, les choses ont fortement évolué. Nos collaborateurs sont fiers de travailler dans le recyclage.

Quel est, alors, le rôle d’un directeur général?

«Bonne question. C’est le leader de l’entreprise. Il donne les grandes directions à suivre et participe à la motivation de ses équipes. Il doit savoir prendre les bonnes décisions aux bons moments et coordonner les différentes initiatives. Ce qui m’aide, c’est qu’en plus d’être à ce poste depuis 2002, je connais l’entreprise depuis 1986 et j’ai travaillé dans différentes implantations à l’étranger. De plus, je suis entouré de collaborateurs compétents, qui connaissent parfaitement la société et leur métier.»

 

Parcours - Développement interne

Agé de 51 ans, Alain Jacob est un scientifique de formation. Diplômé de l’Institut des Arts et Métiers Pierrard, il a postulé - et été recruté - chez Lamesch à l’issue de son service militaire. «J’ai donc rejoint une agence de dix personnes, qui au bout de cinq ans est devenue une agence de 40 personnes. A partir des années 90, j’ai travaillé pour d’autres sociétés du groupe à l’étranger, puis je suis revenu au Luxembourg, en tant que directeur général, à l’occasion du rachat par Sita/Suez Environnement.»
Un rachat qui n’a pas créé, comme cela pouvait être craint, de remous dans les équipes ni de changement dans la vie quotidienne de la société. Le management est resté le même. «Bien entendu, au début on se pose des questions sur son avenir, mais la volonté de garder la spécificité de l’entreprise était là dès le début. Par exemple, on a gardé le nom Lamesch, ce qui est plutôt rare dans le groupe. Nos valeurs également ont été conservées… En termes de ressources humaines, il n’y a pas eu de départ, au contraire l’équipe s’est étoffée. En fait, la plupart des gens n’ont pas remarqué que les propriétaires de l’entreprise avaient changé. Et il n’y a pas de raison que cela évolue… Le groupe et l’entreprise sont toujours dans le même état d’esprit.»