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Alain Gresse (Photo: David Laurent/Wide) 

Directeur informatique, Alter Domus

Monsieur Gresse, comment s’est construite l’informatique d’Alter Domus?

«A sa création en 2001, Alter Domus avait comme activité la domiciliation de sociétés. Au fil des années, nous avons travaillé à l’élargissement de nos prestations en ajoutant l’administration de fonds alternatifs et le reporting financier pour les fonds. L’élargissement a été géographique, également, puisqu’en plus du Luxembourg, nous sommes installés à New York, Chypre, Jersey, aux Pays-Bas, à Hong Kong, en Hongrie et à Guernesey.Le défi pour le département informatique a été de passer d’une structure ‘mono-produit et mono-pays’ à une structuration ‘multi-produits et multi-pays’. Nous avons commencé à l’aborder dès 2004 en définissant trois piliers informatiques à cons­truire: consolider l’infrastructure technique, améliorer l’organisation et aligner l’informatique sur les besoins réels de l’entreprise.

Quelle a été la chronologie de ces changements?

«Nous avons très rapidement travaillé à utiliser les technologies comme des moyens pour différencier notre offre. Par exemple, nous avons mis en place la Gestion Electronique de Documents dès 2003. Nous sommes aujourd’hui totalement paperless, en interne comme vers le client. Toutes les versions papier sont archivées et conservées, y inclus dans nos communications avec nos clients. Ils ont un accès Extranet par lequel ils peuvent retrouver tous les documents dont ils ont besoin.

Revenons au premier pilier: la consolidation de votre infrastructure. Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire?

«Cela veut dire, par exemple, virtualiser les serveurs informatiques, avec des outils comme VMWare, ce qui permet de diminuer les coûts de maintenance et d’améliorer la disponibilité des applications. Nous avons également centralisé le stockage des données, dans un Storage Area Network (SAN). Entre cette centralisation et la virtualisation, nous avons par exemple réussi à multiplier par deux la performance et la disponibilité de nos serveurs mail. Ensuite, la centralisation des données nous a permis de mettre en place une sauvegarde automatique de tous nos systèmes, automatisée et en temps réel, et d’avoir pu ainsi construire un centre de résilience, le tout dans le contexte d’un plan de continuité de nos activités.

Continuons. Qu’entendez-vous par ‘améliorer l’organisation’?

«Il fallait en fait sortir l’informatique de son isolement et nous faire communiquer avec le reste de l’entreprise. Nous avons rapidement créé un IT Steering Committee, qui regroupe certains membres du comité de direction et des directeurs des sociétés du groupe. Ce comité apporte l’expression des besoins métier, on y partage ses besoins, ses souhaits, et l’on communique entre responsables, pour enfin prendre des décisions sur les projets à lancer ou à privilégier.Nous avons également un Program Management Office (PMO). Il s’agit, pour les projets informatiques, de l’interface entre le service informatique, les autres services et sociétés du groupe, et les clients externes, lorsque nous travaillons pour eux. Il est également en charge de la gestion du changement.

Et pour le dernier pilier? L’alignement de l’informatique sur la stratégie informatique?

«Cet alignement se fait en grande partie grâce au PMO. On y a défini plusieurs programmes. Il y a d’abord ce qui relève de notre client efficiency. Il s’agit de soutenir notre offre de services aux clients, en donnant les meilleurs outils à nos équipes. Autrement dit, il faut aider nos collaborateurs à être efficients dans leur travail au quotidien, pour pouvoir ‘mieux’ rendre service au client.Deuxième programme: tout ce qui relève de la diminution des coûts et de l’augmentation de la productivité. Il s’agit notamment de travailler à automatiser tout ce qui peut l’être, et limiter les interventions humaines à ce qui nécessite véritablement de ‘l’intelligence’. On travaille à améliorer les processus, les outils, à optimiser notre fonctionnement interne.Enfin, le troisième programme est un effort pour améliorer la communication et la collaboration entre nos collaborateurs et avec nos clients. Il s’agit de la mise en place d’un véritable Intranet, de développer des solutions pour les terminaux mobiles, de favoriser l’innovation par l’échange…

La mise en place d’un PMO a dû être une espèce de révolution interne…

 «Elle a en tous les cas permis au service informatique de, comment dire… ‘sortir de notre cave’! Nous ne sommes plus aujourd’hui un service qui se contente de développer de la technologie et de ne rien faire d’autre. Nous sommes entrés dans une démarche de développement global de l’entreprise, en apportant notre brique à l’effort collectif. A chaque demande de développement, chaque idée, chaque projet, nous passons, au sein du PMO, par une étape de construction d’un business case. Nous essayons de rapidement évaluer les coûts et les bénéfices, les risques, et le lien avec la stratégie de l’entreprise. Autrement dit, nous essayons de choisir des projets qui n’ont pas qu’un intérêt de court terme, ou qu’un intérêt pour l’ego d’une des parties prenantes. Nous favorisons les idées qui s’inscrivent dans un des trois programmes… Cela nous aide à structurer notre approche sur les moyen et long termes.

De quelle manière le PMO gère-t-il un projet?

«Il y a plusieurs phases et de nombreux intervenants. En premier lieu, comme déjà abordé, il y a la construction d’un business case. On y décide si oui ou non l’on va lancer le projet. Ensuite, on approfondit la définition du projet: on définit mieux les projets, on construit une première version de la solution, que l’on teste, avant de l’implémenter pour de bon. Chaque projet a un gestionnaire que l’on fait venir de la partie demandeuse. Le PMO l’accompagne pour la partie ‘technique’ de la gestion de projet, nous l’aidons à structurer sa démarche. Il fait la liaison fonctionnelle entre les différents acteurs du projet.

Quel est le processus de développement informatique de vos projets?

 «Nous avons structuré le service informatique en trois équipes… Tout d’abord une équipe de développement à proprement parler. Ensuite, nous avons une équipe de transition vers la production qui, au fur et à mesure du projet, prend plus de poids dans la gestion et dans l’effort réalisé. Nous avons ensuite une équipe ‘opérations et infrastructure’, qui gère le quotidien de l’informatique… Cette dernière n’intervient que très peu dans les projets, mais c’est elle qui, comme j’aime à le dire, permet de ‘garder l’église au milieu du village’. Chaque équipe a son responsable, et nous nous rencontrons tous une fois par semaine pour vérifier que tout fonctionne, que tout tient la route.

Pourquoi donner tellement d’importance à la communication, alors que vous devriez plus parler d’informatique?

 «Pendant longtemps, les projets étaient guidés par la technologie. Le problème, c’était le manque de cohésion entre différents projets, ou leur pérennité. Combien de projets ont-ils été réalisés pour ne pas être véritablement utilisés? Et là je ne parle pas que pour Alter Domus… Nous avons développé notre suivi de projet et d’accompagnement du changement pour améliorer la qualité du développement – pour qu’il corresponde mieux aux besoins des utilisateurs – et pour que les utilisateurs s’approprient ce qu’on leur apporte. Si une solution n’est pas utilisée, c’est de l’argent perdu, elle ne sert à rien.

Qu’appelez-vous la gestion du changement?

«Gérer le changement, c’est faire le maximum pour que les utilisateurs adoptent ce que l’on développe pour eux. Cela passe notamment par un très fort sponsorship de la direction de l’entreprise. Ensuite, nous accompagnons par de la formation et de la communication, pour obtenir un consensus. Ce qui se passe habituellement, c’est qu’au moment de la mise en production, nous avons un ‘pic d’adoption’. Après quelque temps, il y a de la désaffection, les premières désillusions, les premiers reproches. C’est alors qu’il faut continuer la gestion du changement, en assurant la durabilité de la solution. Cela passe par le sponsor, qui doit rester en soutien, et par la mise en place, dès le début du projet, d’équipes de ‘champions’ pour chaque nouvelle application. Ce sont des utilisateurs que l’on va écouter au début du projet pour bien comprendre les besoins. Ensuite, au fur et à mesure du développement, nous leur faisons tester et valider ce qui a été fait. Enfin, nous les formons à être formateurs. Au sein des équipes, ils seront des ‘super utilisateurs’ de référence pour les autres, et pourront les aider. Enfin, ce sont des sources de nouvelles idées pour le ‘projet d’après’… Ils pourront capter les nouvelles idées et nous les faire remonter et être une sorte de ‘pôle de compétence’, capable de rayonner sur les autres utilisateurs.J’insiste beaucoup sur la gestion du changement, car j’estime qu’elle représente 80% de la réussite d’un projet.

Comment choisissez-vous les technologies que vous utilisez?

 «Même si nous ne sommes pas du monde bancaire, mais du monde financier, nous avons également des besoins en confidentialité, sécurité, et pérennité des technologies choisies. Le premier impératif, c’est d’être capable de gérer les projets avec nos ressources. C’est pourquoi nous privilégions un canal technologique, celui que je qualifie de ‘monde Microsoft’. Pour privilégier la pérennité, nous avons opté pour une structuration en SOA. Et être capable de rester ouvert à terme à différentes solutions.»