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Ce manager a réussi à faire de la BGL la première banque de la place. Et, par tous ses autres mandats, il a marqué et marque encore durablement le paysage socioéconomique.

Alain Georges est aujourd'hui un homme bien moins sous les feux de l'actualité économique. Il cultive cette discrétion au point de s"étonner d'avoir été repris dans notre Top 100 des hommes qui ont forgé le visage économique du Luxembourg. Pourtant, toute sa carrière témoigne à souhait de sa contribution à l'essor économique du pays.

Né le 23 juin 1938, il a décroché un diplôme de droit, complété plus tard par des séjours prolongés à la prestigieuse Harvard Business School. Après une carrière d'avocat, de 1962 à 1966, il entre à la Banque Générale du Luxembourg où il intègre en 1979 le comité de direction pour devenir, en 1987, administrateur délégué et président du comité de direction. Cette fonction est cumulée à d'autres mandats, dont celui de membre du conseil d'administration de l'Arbed, président du conseil d'administration du Centre de recherche public Gabriel Lippmann, membre du conseil d'administration de Luxair et président de ce conseil. Depuis 2000, il est président du conseil d'administration de Luxexpo (Société des Foires internationales de Luxembourg) et président du conseil d'administration de BIP Investment Partners. Il est aussi membre du conseil d'administration de Cargolux. S"ajoutent d'autres mandats d'affaires, mais aussi ceux qui témoignent d'un réel engagement dans la société comme la présidence des Scouts de la FNEL, la participation au conseil d'administration du Musée d'Art moderne (Mudam). Ou encore la création, en 1989, de la Fondation Alphonse Weicker, patronnée par la BGL, pour des projets apportant une valeur ajoutée à la société luxembourgeoise.

De réels mauvais souvenirs, dans cette carrière, Alain Georges assure ne pas en avoir. "J"ai énormément appris dans tout. Je ne regrette rien. Quitter la BGL - depuis devenue Fortis - n'a pas été facile. Mais n'était-il pas temps, à 62 ans? Car c"était un job épuisant".

Du big bang à l'euro

C"est de la BGL que l'homme conserve aussi ses meilleurs souvenirs professionnels. "J"ai eu la chance de conduire cette banque du "big bang" de 1987 à l'euro, en 2000, dans un développement remarquable, pour la voir devenir la première au Luxembourg. C"était une période passionnante durant laquelle l'environnement réglementaire, monétaire et technologique a connu des changements sismiques. Tout cela m'a mené vers des projets sociaux, technologiques, culturels et architecturaux qui m'ont marqué". Alain Georges révèle aussi sa satisfaction d'avoir réussi à rassembler à la BGL une équipe de dirigeants de grand talent, toujours présente et aussi efficace au sein de Fortis.

On relèvera encore - parmi bien d'autres - le fait qu'Alain Georges est l'un de ces hommes qui ont montré leur vision d'avenir en étant parmi les fondateurs de BIP Investment Partners, en 2000. "Nous avons voulu encourager l'esprit d'entreprise, au Luxembourg et dans la Grande Région. Ceci en devenant le partenaire des entreprises luxembourgeoises et régionales pour fortifier leur actionnariat et favoriser leur expansion. BIP, dont les actions sont cotées en Bourse de Luxembourg, gère aujourd'hui un portefeuille de participations, centré sur Luxembourg, évalué à quelque 500 millions d'euros".

Quant à l'avenir, si Alain Georges a une appréhension, elle concerne l'État. "L'organisation de l'État et le management de ses fonctions datent du XIXe siècle et sont tout à fait désuets. Certes, d'autres États sont chargés du même legs historique. Cependant, notre situation est aggravée par le fait que notre État, en dehors de ses fonctions souveraines de régulateur et de contrôleur, intervient dans la gestion de nombreuses entreprises importantes. Ces entreprises sont obligées aujourd'hui de se placer dans un environnement ouvert et concurrentiel. Mais la présence de l'État dans les entreprises risque d'affaiblir leurs capacités d'adaptation et leur créativité. Ayant vécu dans un cocon protecteur, elles peuvent se révéler culturellement incapables de réaliser le saut mental qualitatif nécessaire à leur conversion aux règles de marché. Historiquement, cette situation est due à la faiblesse endémique du capitalisme institutionnel privé dans notre pays, rendant la présence de l'État indispensable. C"est pour créer un partenaire privé pour les entreprises que nous avons fondé BIP Investment Partners, leur offrant des capitaux à long terme pour leurs projets. L'Université du Luxembourg doit, dans ce contexte, jouer un rôle essentiel dans la création de savoir et dans le changement des mentalités. Mais son rôle se joue sur le long terme. Il n'y a pas de remède miracle.Heureusement, la place financière nous porte encore. Et elle se porte très bien'.