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Personnage sans doute aussi talentueux que détesté et jalousé par ses confrères, Will Kreutz effectue en quelque sorte un nouveau come back sur la scène de la publicité luxembourgeoise, après avoir été poussé à abandonner, au printemps 2000, Made By Sam, la société qu'il avait créée 20 ans plus tôt.

Après avoir consacré trois années à travailler sur ce nouveau projet qui ambitionne de faire bouger le monde de la publicité au Luxembourg, il a lancé, début septembre, l'agence addedvalue. L'équipe comptera, dans un premier temps, 7 personnes, avec 4 créateurs et 3 commerciaux. L'agence Kreutz & Friends, que Will Kreutz a créé après ses déboires avec MBS - causés par son partenaire Charles Ewert (voir paperJam 12/2002, page 012) - va se dissoudre petit à petit, avant de disparaître d'ici à la fin de l'année.

La nouvelle structure, dotée d'un capital social de 150.000 euros, est détenue à égalité par six actionnaires privés. L'agence, officiellement constituée le 30 juillet dernier, entend jouer la carte de la transparence. Un des objectifs d'addedvalue - l'appellation est censée refléter l'idée directrice de l'agence - est de se focaliser sur la valeur ajoutée. Will Kreutz se base sur une loi française, la loi Sapin, qu'il aimerait voir apparaître dans la législation luxembourgeoise.

Cette loi, qui date de 1993, a tout bonnement interdit la rémunération des agences par les supports. Elle instaure un principe de transparence des prix des espaces publicitaires et stipule que la facture d'achat - mentionnant tout rabais accordé par le vendeur - doit être envoyée à l'annonceur. Par ailleurs, l'achat d'espace par un intermédiaire ne peut se faire qu'à travers un contrat entre l'annonceur et son agence.

C'est cette loi Sapin que addedvalue entend s'imposer. "Le marché ne sera plus comme avant", assure Will Kreutz qui ne cherche rien d'autre qu'à s'adapter aux nouvelles situations. Il dénonce une pratique courante dans le pays et que lui-même a appliqué: au Luxembourg, l'agence de publicité perçoit une commission de 15% que lui verse le média pour le simple fait de lui avoir amené un client.

Changer d'image

Addedvalue ambitionne de se démarquer de ses concurrents en rétrocédant à son client cette commission, ainsi que tous les autres rabais ou avantages obtenus auprès des médias ou des autres sous-traitants (imprimeurs, photographes, illustrateurs, ...). "Le client est constamment au courant des avantages que l'on obtient. Ce sera intéressant de voir comment le marché réagira. Ne payer que la prestation de l'agence: cela va changer la donne", prédit M. Kreutz. L'agence se rémunère, sur base de contrat, selon des modalités et tarifs pré-définis.

"Ceci constitue un réel avantage économique pour le client/annonceur, qui pourra considérer son prestataire davantage comme un partenaire, capable de gérer son budget dans le seul intérêt de l'annonceur. En moyenne, l'économie réalisée ainsi, peut facilement atteindre jusqu'à 25% du budget annuel', estime M. Kreutz.

Il concède que l'avantage accordé au client constitue un manque de revenu qu'il s'agit de combler. Cependant, addedvalue annonce des tarifs qui ne seront pas plus élevés que ceux de la concurrence. En revanche, M. Kreutz constate que "nos confrères pratiquent des prix bradés, qu'ils comptent récupérer sur les fournisseurs et les médias".

"Je salis aussi mon propre nid', se rend-il bien compte, mais il souhaite avant tout "que la profession soit mieux reconnue. Je trouve que notre métier n'est pas respecté à sa juste valeur".

Finalement, par rapport à Kreutz & Friends, qui ne percevait pas non plus de frais d'agence, seul le nom aura changé. Mais Will Kreutz souhaite avant tout que l'on parle d'addedvalue, en mettant de côté son propre personnage. "Le fait d'être une légende vivante me gêne beaucoup. J'ai encore des idées et j'ai envie de les réaliser, quitte à me mettre à dos tous mes confrères car le concept est très novateur et mes concurrents vont avoir du mal à se positionner. Je crois qu'il faut que la démarche des agences change car on a un peu tendance à être considéré comme des charlatans".

Reste à voir si celui qui a reçu une cinquantaine d'awards internationaux remportera ce nouveau challenge en voulant imposer le changement dans une profession d'ordinaire peu habituée aux profondes remises en question...