Daniela Binda, arrivée en février 2012, participe à l’évolution du métier de DRH. «Le rôle change. Le H de RH commence à prendre toute son importance.» (Photo: Mike Zenari)

Daniela Binda, arrivée en février 2012, participe à l’évolution du métier de DRH. «Le rôle change. Le H de RH commence à prendre toute son importance.» (Photo: Mike Zenari)

Madame Binda, le groupe Post vient de connaître une deuxième réorganisation, comment les activités RH ont-elles été repensées?

«Plusieurs pôles ont été réorganisés. Notre fonctionnement RH repose à présent sur deux piliers: un socle RH décentralisé, sur le terrain, et un pôle plus central. Nous avons aussi mis en place un réseau de HR business partners, une fonction-clé initiée il y a un an et demi. C’est un nouveau rôle qui a trouvé son équilibre aujourd’hui. Il y en a un par branche métier: télécom, services financiers, services postaux, technologie.

Ce sont mes relais dans les différentes entités. Nous pensons déjà à la suite: nous allons notamment nommer, d’ici quelques mois, un business partner plus transversal et qui sera en charge de projets à l’échelle du groupe afin de garantir une meilleure continuité des initiatives. Ce sera un point de contact direct pour nos métiers.

Quelles ont été vos missions initiales quand vous êtes arrivée au sein de Post Luxembourg?

«J’ai été engagée en plein audit RH de la fonction. Une réflexion globale sur la manière de l’améliorer était alors en cours. L’organisation voulait passer d’une administration du personnel à une gestion RH proprement dite, soit deux philosophies très différentes.

Créer un vrai département RH impose notamment une présence beaucoup plus forte sur le terrain et d’autres tâches que la simple gestion des congés ou du salaire. Il fallait faire entrer les RH dans une nouvelle ère. Pour y parvenir, il fallait réinventer l’organigramme et le remplir avec les bonnes personnes aux bons endroits. J’ai commencé par prendre une page blanche et j’ai réfléchi aux fonctions dont j’aurai besoin pour mener à bien ce changement de paradigme. Ces fonctions ont été déclinées en aptitudes dans un deuxième temps. Pour ce faire, j’ai réalisé un mapping de toutes les compétences grâce à une série d’entretiens. Le travail a été énorme, mais très intéressant. Après avoir été défini, cet organigramme a bien sûr ensuite été affiné en continu.

Une fois ces bases posées, quels ont été les autres points à votre agenda?

«Il nous fallait aussi mettre en place une gestion plus active du capital humain, notamment en améliorant la gestion des carrières. En 2013, nous avons ainsi construit un pôle Talent Management, qui centralise tout ce qui a trait au développement: formations, évaluations, descriptions de fonctions… Nous envisageons nos carrières de manière transversale, plutôt qu’uniquement verticale, ce qui demande des possibilités de mobilité accrues en interne et davantage de ponts entre les départements. Une autre mission centrale pour les RH dans les années à venir sera d’aider les ‘techniciens’ à sortir de leur expertise pure et d’améliorer leurs compétences commerciales et managériales. Cet effort nécessitera des formations dédiées, mais aussi, pourquoi pas, du tutorat et de l’apprentissage sur le terrain.

Qui sont les profils qui composent aujourd’hui votre équipe?

«Au total, le pôle RH compte une quarantaine de collaborateurs. L’équipe est très diversifiée. Certains ont travaillé au sein des métiers avant de nous rejoindre. Nous avons un bon mélange entre des diplômés en RH et des talents qui viennent d’autres horizons.

Notre palette de compétences est très riche. Nous en avons besoin pour répondre aux défis qui nous attendent ces 10 prochaines années. Dès mon arrivée, j’ai recruté deux personnes avec un background plus business et qui amènent un regard neuf. Elles m’aident à mettre en place cette nouvelle dynamique, tout comme nos HR BP, qui participent chacun aux réunions métiers. J’insiste beaucoup sur ce point. Ils ont été choisis en interne, ce qui leur permet de bien connaître la particularité de nos métiers et l’historique de la maison.

Comment collaborez-vous avec l’équipe de direction pour achever la modernisation du département?

«Je travaille en partenariat direct avec mon CEO. La direction générale est notre plus grand soutien. Le comité de direction est également convaincu de l’importance de faire évoluer les RH, clés de voûte de la nouvelle stratégie du groupe. Je joue, en quelque sorte, le rôle de HR BP auprès de tous ces acteurs. Si à l’extérieur, notre organisation apparaît souvent comme une grosse machine très ronronnante, il y a pourtant une vraie envie de se transformer diffusée dans tout le management. Réussir à construire la crédibilité du nouveau département est un de mes plus grands challenges. Plus les RH seront consultées en amont des problématiques, plus notre pari sera gagné.

Culturellement, les syndicats ont toujours eu un rôle important. Quels sont vos conseils pour un dialogue social de qualité?

«Favoriser un climat social constructif et institutionnaliser le dialogue social figuraient aussi dans mes missions initiales. Nous avons bouclé il y a peu la première convention collective au sein du groupe. C’est toujours un exercice délicat. Il faut souligner que 40% de nos employés sont des salariés et 60% des fonctionnaires. Ce sont des interlocuteurs avec des problématiques et des besoins différents, il faut en tenir compte. Dans ce contexte, se mettre à la place de l’autre est essentiel pour se comprendre.

Globalement, je dois dire que nous avons la chance que nos partenaires sociaux sont bien conscients de l’importance de se moderniser afin de pouvoir conserver sa masse salariale. Nous ne sommes pas d’accord sur tout et chacun garde son point de vue propre, mais il y a peu d’oppositions frontales. In fine, nous avons tous le même intérêt: faire avancer l’organisation et garantir sa pérennité.

Comment parvenez-vous à instaurer un management à distance avec vos équipes décentralisées?

«On a beau avoir les meilleurs outils de communication, rien ne remplace le contact direct. Je pratique toujours la politique de la porte ouverte et je fais en sorte que mon équipe soit toujours accessible, c’est essentiel. Mes HR BP viennent au minimum une fois par semaine au siège. On se voit également lors de différentes réunions d’équipe. Je mets un point d’honneur à aller fréquemment sur le terrain. Je me rends en moyenne une fois par semaine dans chaque entité, c’est très important.

Je pense qu’on ne peut pas prétendre être RH sans connaître et comprendre l’environnement de ses collaborateurs. Il faut aller à leur rencontre sur place et capter l’atmosphère. J’y consacre beaucoup de temps.

La cohésion sociale n’est jamais parfaite ni acquise une fois pour toutes, c’est un work in progress. Dans ce contexte, le rôle de l’équipe RH est de montrer la direction et de s’assurer que tout le monde suive.

Certains de vos métiers sont très physiques, qu’est-il prévu en termes de prévention et de bien-être au travail?

«Le programme Gesond@Post prévoit toute une palette d’activités liées à la santé: articles dans nos publications internes, propositions de conférences thématiques, campagnes de vaccination, distribution de fruits, éducation à l’alimentation saine, aménagement des postes de travail… Nous offrons également un check-up de santé gratuit à nos collaborateurs de plus de 50 ans.

En 2013, nous avons créé une cellule d’assistance psychosociale située dans un bâtiment différent pour des soucis de confidentialité. L’équipe, composée d’un psychologue du travail et de deux assistantes sociales, est à disposition de tous nos employés. Cette cellule offre un soutien anonyme dans différents domaines, y compris personnels et familiaux, du surendettement à l’accoutumance au sens large. Sa création a permis de prévenir certaines situations de stress et d’éviter plusieurs cas de burn-out.

Nous formons en parallèle nos managers et nos HR BP à détecter les signes avantcoureurs et à développer une écoute. Réfléchir à résoudre un problème ne suffit pas, il faut aussi déterminer comme éviter qu’il ne surgisse. Dans cette optique, en marge de la sensibilisation, nous travaillons aussi beaucoup à l’engagement et à la reconnaissance.

«Maintenir le dialogue social est un effort quotidien»

Depuis 1992, le groupe n’a plus le monopole dans les envois postaux, quel a été l’impact de la nécessaire diversification qui s’en est suivie sur la gestion des RH?

«Dans l’ensemble, les équipes ont bien compris que nous sommes à présent dans une situation de concurrence et que notre avance est fragile. Partout, les numéros deux se rapprochent de nous. Depuis 2005, le groupe a choisi de ne plus embaucher de fonctionnaires, mais uniquement des employés, cela modifie forcément le recrutement et la formation. Notre offre se conçoit en deux niveaux : à la carte et par niveau de métier. Nous l’avons repensée ces 12 derniers mois.

Nous avons actualisé et divisé notre catalogue de cours en deux pôles: technique, rassemblant plutôt des modules obligatoires dispensés par des experts métiers en interne; et un volet plus social/comportemental. Il y a, bien sûr, des croisements entre les deux. Les techniciens suivent, par exemple, de plus en plus de formations en soft skills. Je crois aussi beaucoup à des formations sur mesure. Dans notre métier télécom, la rapidité technologique implique une réactualisation des compétences très fréquente.

La guerre des talents fait rage dans certains métiers, comment réussissez-vous à vendre l’image «Post»?

«Cette concurrence se fait plus ou moins sentir selon la catégorie de métier. Dans le domaine de l’ICT, par exemple, il y a une vraie pénurie dans certains profils, qui ne devrait pas se résoudre avant plusieurs années. Le groupe jouit d’une bonne image sur le marché de l’emploi. Sa stabilité et sa solidité font partie de ses plus grands atouts. Nous montrons que nous ne sommes pas une entreprise poussiéreuse, mais tournée vers l’avenir et qui se veut à l’avant-garde dans certains métiers.

Nous mettons aussi en avant notre grande diversité de fonctions. Nous employons des facteurs, des porteurs de journaux qui travaillent la nuit, comme des docteurs en physique dans notre métier de télécom. C’est une grande richesse. Nous voulons être un employeur qui donne une chance et des opportunités de développement aux personnes sans diplôme. Nous travaillons notamment avec l’Adem en ce sens. Cela fait partie de notre rôle social.

Quels sont les chantiers en vue pour 2015?

«Nous allons continuer à renforcer la proximité avec le terrain, poursuivre la transformation du département et accentuer le développement de nos managers. Ensuite, nous allons renégocier et affiner notre convention collective. La première avait été conclue pour 18 mois afin de tester la formule. La prochaine devrait avoir une durée de vie de trois ans.

Qu’est-ce qui fait, selon vous, la force d’un bon DRH?

«Je pense que chaque DRH construit son rôle. C’est un métier où il faut être humble, il offre parfois peu de reconnaissance. Les RH sont au service des employés et non l’inverse. Un bon DRH doit jongler entre empathie, écoute et fermeté, et combiner des compétences parfois très différentes. Il lui faut accepter d’emblée qu’il ne réussira jamais à contenter tout le monde, cela fait partie du package. À mon sens, avoir une expérience en dehors de la sphère RH est un atout important. Un détour par le business peut par exemple être très riche pour comprendre la diversité des parcours en interne.

Le rôle change. Le H de RH commence à prendre toute son importance.»

Parcours
«J’ai toujours eu un goût prononcé pour l’humain»
Après une maîtrise de traduction anglais/italien réalisée à la Sorbonne, Daniela Binda démarre sa carrière dans le service client.

«J’ai débuté comme commerciale en Italie. Je m’y suis découvert un goût prononcé pour les contacts. C’était une excellente première expérience.» 

Ses débuts dans le monde RH ont lieu quelques années plus tard, de retour au Luxembourg, dans l’industrie lourde, puis la finance. «Depuis toute petite, j’ai toujours eu un goût pour l’humain, les contacts et la communication de proximité. C’est sans doute ce qui m’a menée aux RH, partage-t-elle. J’ai commencé au bas de l’échelle pour gagner progressivement en maturité et endosser différentes responsabilités.»

Daniela Binda rejoint ensuite la consultance, notamment chez Deloitte. «J’ai eu envie de rejoindre le secteur du conseil, un environnement où on peut rapidement faire ses classes et toucher à beaucoup de choses en peu de temps. J’ai pu y bâtir un solide bagage en termes de gestion de capital humain, ainsi qu’une base en soft skills.» S’en suit une fonction de head of HR chez Brown Brothers Harriman et un passage éclair chez Amazon, puis une casquette de DRH chez Ernst & Young. Elle n’y reste que quelques mois, puis rejoint le groupe Post Luxembourg en février 2012. «J’avais déjà eu l’occasion d’y mener une mission lors de mes années Deloitte. Je n’arrivais donc pas complètement en terrain inconnu. J’ai été ravie de découvrir une société qui voulait aller de l’avant, loin de l’image poussiéreuse et vieillissante qu’on peut en avoir.»