Marc Grabowski et Philippe Jouard plaident pour davantage d’investissement de l’Uni dans la sphère financière. (Photo: Christophe Olinger)

Marc Grabowski et Philippe Jouard plaident pour davantage d’investissement de l’Uni dans la sphère financière. (Photo: Christophe Olinger)

Messieurs, quelles impulsions entendez-vous donner aux entités du groupe présentes au Luxembourg?

Marc Grabowski (MG): «Nous venons de valider en conseil d’administration la mise en place d’un nouveau comité exécutif (voir en fin d’entretien, ndlr) que nous voulons en lien direct avec les équipes et les clients, connecté au terrain. Ses membres représentent des fonctions ou des enjeux clés pour nos activités que sont la gestion du risque et la compliance, les ressources humaines, la finance, les opérations, en ce compris l’IT et le juridique. La fonction de secrétaire général du comité exécutif a aussi été créée et attribuée à Sandrine Roux. Elle aura pour mission de coordonner les différentes activités du groupe présentes au Luxembourg. 

L’image de la boîte à outils a souvent été utilisée pour qualifier l’offre de valeur luxembourgeoise en private banking. La reprenez-vous à votre compte?

Philippe Jouard (PJ): «C’est un concept très utile pour qualifier les produits que l’on vend, mais nous préférons parler de haute couture. Ceci correspond mieux aux valeurs et à l’héritage de notre marque, qui nous pousse vers le haut de gamme. Nous sommes plutôt des ensembliers où la qualité, tournée vers une clientèle internationale, fait partie de notre ADN, et nous voulons encore renforcer cet aspect.

Philippe Jouard

Qu'est-ce à dire?

PJ: «L’évolution réglementaire et la concurrence exercent une forme de pression qui est saine, puisqu’elle nous incite à revoir l’organisation du travail. Ce que nous allons faire afin de nous assurer que la qualité de service soit délivrée avec le même niveau, tant en interne qu’en externe.

Comment gérez-vous cette pression réglementaire?

MG: «Outre la pression, nous pouvons parler d’exigences qui ne diminuent pas. Il ne faut pas s’attendre d’ailleurs à une diminution à court ou à moyen terme des exigences réglementaires, raison pour laquelle nous devons nous remettre en question, réévaluer nos process pour aller au-delà des attentes du régulateur afin de poursuivre notre objectif de qualité. 

PJ: «Ce contexte doit être perçu comme un encouragement à l’innovation. Par exemple, Mifid qui impose une transparence vis-à-vis de notre clientèle et nous pousse à améliorer nos produits en nous appuyant sur les compétences présentes dans l’ensemble de notre groupe. Nous préférons donc voir le verre à moitié plein.  

On parle donc d’innovation, mais pas de rupture…

MG: «Nous nous plaçons à un moment de l’histoire de la maison qui dépasse notre rôle. On ne parle donc pas de rupture, mais d’accélération de nos activités, sur base d’un plus haut historique de nos encours avec 54 milliards d’actifs sous gestion. Accélération ne veut donc pas dire redémarrage, mais poursuite du développement commercial, puisque nous sommes en mesure d’offrir nos services et les compétences du hub luxembourgeois à notre clientèle au Luxembourg, mais aussi à nos collègues des entités à l’étranger.

Quel serait le portrait-robot de la clientèle visée?

PJ: «Plus qu’un portrait par région géographique, nous plaçons nos priorités sur un type de clientèle, peu importe la localisation. Le Luxembourg a des atouts qui attirent une clientèle à la recherche de solutions en private banking et en fonds d’investissement. Nous parlons donc des grandes familles ou des entrepreneurs que nous approchons en Europe, mais aussi dans d’autres régions. Nous devons du reste nous adapter à l’évolution des demandes de cette clientèle. Il y a 10 ans, le banquier privé jouait un rôle majeur lorsque des fortunes étaient en transition entre le monde industriel, de l’entreprise et le monde financier en cas de cession. Depuis 10 ans, avec la multiplication de l’information sous différents canaux et l’arrivée d’une nouvelle génération, nous côtoyons des clients qui génèrent plus de liquidité qu’ils veulent réinvestir dans différentes activités, qu’il s’agisse d’immobilier, de private equity, de high-tech… Nous devenons donc un véritable partenaire pour les aider à travers une offre de services sur mesure. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que Edmond de Rothschild a conçu des solutions en private equity qui étaient d’abord destinées à un usage familial avant de les commercialiser à des tiers.

Cette clientèle fortunée perçoit-elle le Luxembourg comme un lieu de résidence?

PJ: «La sécurité et la modernité de la Place sont de véritables atouts pour cette clientèle. Dans ce cas aussi, nous voyons que les choses bougent, en bénéficiant parfois d’effets indirects des réglementations de l’OCDE en matière d’échange d’informations. Celles-ci impliquent une certaine diffusion de l’information dans des pays où la sécurité physique des personnes les plus fortunées n’est pas forcément garantie. Londres ou le Luxembourg pourraient devenir des pôles d’attraction pour celles-ci.

Marc Grabowski 

Une piste pour renforcer l’attractivité de la Place?

MG: «Beaucoup d’initiatives vont dans le bon sens, mais une piste de réflexion qui nous tient à cœur est le rôle que pourrait jouer l’Université dans l’émergence d’une véritable business school qui puisse concurrencer celles présentes en Grande Région, voire à Paris ou à Londres. Il est dommage qu’avec l’expertise disponible sur Place, le pays ne soit pas doté d’un tel centre universitaire de référence. Ceci nous permettrait d’accueillir des étudiants qui deviendraient de potentiels collaborateurs, mais surtout ouvrirait la voie à des travaux de recherche qui pourraient aboutir à des innovations à la faveur du secteur financier.

PJ: «La création d’un MBA en banque ferait d’autant plus de sens que nous prévoyons la nécessité à court terme pour les banquiers privés de disposer de certifications, afin d’être au même niveau que des Places concurrentes comme Londres. Nous sommes donc prêts à prendre part à cette réflexion.

Le buzzword fintech vous parle-t-il?

PJ: «Nous ne disposons pas de fonds fintech, mais nous pouvons y investir pour le compte de tiers. D’un point de vue technologique propre, nous avons adapté le reporting que nous proposons depuis très longtemps à nos clients ou partenaires grâce aux nouveaux outils.

Quelles sont les ambitions de votre banque en termes de promotion?

MG: «Nous étions plutôt discrets ces dernières années, mais nous allons à l’avenir participer – de manière sélective – à des actions de Place. Notre préoccupation doit rester le service à la clientèle, mais nous allons être plus présents sur la Place luxembourgeoise pour partager nos expériences et contribuer à son essor.»

Biographies:

Marc Grabowski a succédé fin août à à Marc Ambroisien au poste de chief executive officer d’Edmond de Rothschild (Europe). Il était précédemment vice-président du comité exécutif et directeur financier de la banque luxembourgeoise. C’est après avoir débuté sa carrière au sein du cabinet d’audit Arthur Andersen en tant qu’auditeur externe qu’il a rejoint le Groupe Edmond de Rothschild en 1997.

Philippe Jouard est aussi été promu fin août, au poste de directeur général adjoint et responsable de la banque privée au sein de Edmond de Rothschild (Europe). Il a rejoint le groupe Edmond de Rothschild le 1er juin 2015 en tant que responsable du private merchant banking à Londres. Philippe Jouard connaît bien le Luxembourg pour avoir été entre 2003 et 2007 membre du comité de direction de la Bil et responsable du métier Banque Privée pour l’ensemble du groupe Dexia. 

Le comité exécutif d’Edmond de Rothschild (Europe) se compose comme suit:

Marc Grabowski, directeur général, président du comité exécutif

Philippe Jouard, directeur général adjoint, vice-président du comité exécutif

En charge de la banque privée (y inclus Portfolio Management, Wealth Solutions) et succursales

Jean-Marc Thomas, directeur Risques et Compliance 

Marc Chalmeigné, directeur Opérations & IT

Sandrine Roux, secrétaire générale

Philippe Postal, directeur juridique

Anne Prévost, directrice des ressources humaines

Yann Curé, directeur financier