Pour répondre aux nouveaux modèles de travail, Michel-Édouard Ruben propose une «allocation de référence unique». (Photo: Licence C.C.)

Pour répondre aux nouveaux modèles de travail, Michel-Édouard Ruben propose une «allocation de référence unique». (Photo: Licence C.C.)

L’étude de Jeremy Rifkin sur la troisième révolution industrielle a été «une occasion manquée» de profiter du savoir-faire de l’économiste américain là où il aurait été vraiment important. Ainsi commence le «document de travail» de Michel-Édouard Ruben, intitulé «Fin du travail (?), robotariat (?), ubérisation (?), et (possible) modèle social du futur!»

Selon l’économiste de la Fondation Idea qui publie ce travail, la troisième révolution industrielle n’est pas un phénomène nouveau et le Luxembourg y est déjà engagé depuis plusieurs années. Par contre, l’organisation future du travail et du modèle social est loin d’être définie. Et c’est sur cette question qu’il aurait fallu interroger M. Rifkin, estime-t-il.

La recherche économique n’a pas d’avis définitif sur les effets de l’automatisation.

Michel-Édouard Ruben, économiste à la Fondation Idea

Car si la fin du salariat constitue un «point de focal» ou une «croyance très répandue» dans un contexte de robotisation accrue ou de l’émergence de l’économie partagée, elle ne se base que sur des projections discutables, selon lui. «La recherche économique n’a en réalité pas d’avis définitif et dit également que l’automatisation va davantage replacer/transformer les emplois que les remplacer», argumente-t-il.

D’ailleurs, l’emploi industriel a mieux résisté depuis les années 2000 dans des pays fortement robotisés comme l’Allemagne ou le Japon, que dans des pays qui le sont moins, comme en France ou en Italie. «Le passé récent du Luxembourg invite à croire qu’il y aura probablement encore des emplois en grande quantité à pourvoir dans le pays dans le futur», ajoute Michel-Édouard Ruben.

La «fausse bonne idée» de Bill Gates

Il appuie sa théorie en donnant l’exemple du plateau de Kirchberg qui a connu, en l’espace de trente ans, une métamorphose radicale, passant d’une zone très rurale à celle d’une économie en constante évolution et orientée vers les services. «Il y aura encore de nouveaux emplois dans le futur, mais on ne les connait pas encore», estime M. Ruben.

Dans ce contexte, la taxation des robots soutenue récemment par le fondateur de Microsoft, Bill Gates, est une «fausse bonne idée» pour l'économiste. «Il ne s'agit rien d'autre que de taxer les investissements et cela rime pour moi avec une volonté de ralentir le progrès», explique-t-il à Paperjam.lu.

Une allocation de référence unique

Pourtant les modes de travail vont évoluer et il va falloir accompgner ces changements pour continuer à être compétitif. «Les États, encore souverains, peuvent faire émerger des organisations qui favorisent des combinaisons des nouvelles technologies et du travail», est d'avis M. Ruben.

Et de rappeler que la 3e révolution industrielle lance d’abord un triple défi aux pouvoirs publics: garantir la mise à jour des compétences de la population active, «féminiser» davantage certains cursus qui mènent à des professions prioritaires comme la construction écologique, les TIC ou l’ingénierie et valoriser l’apprentissage auprès des étudiants.

À cela s’ajoute la nécessaire mise à jour du modèle de protection sociale. Plutôt que le revenu universel, Michel-Édouard Ruben pencherait plutôt pour une allocation unique. «Je crois encore dans le salariat et je trouve que la proposition de Mady Delvaux-Stehres est quasiment injuste puisqu'elle ne prend pas en compte les besoin réels des individus», dit-il.

Si mes points de vue sont pertinents, ils le seront aussi dans un scénario moins catastrophe.

Michel-Édouard Ruben, économiste à la Fondation Idea

En se basant sur les hypothèses que les nouvelles technologies remplacent effectivement des masses de travailleurs et que le salariat est évincé au profit de nouvelles formes d’emploi, dites ubérisées, Michel-Édouard Ruben propose donc une réforme radicale de la protection sociale, à savoir la création d’une «allocation de référence unique» (ARU), «plafonnée, conditionnée au patrimoine et fiscalisée, qui permettrait de mettre fin aux doublons, à la multiplication des guichets et à certains effets d’aubaine».

«Il s’agit là d’économie-fiction, mais si mes points de vue sont pertinents dans ces conditions, alors ils le seront certainement aussi dans le cas d’un scénario moins catastrophe», explique-t-il en guise de conclusion.