La tournée européenne du nouveau Premier ministre grec Alexis Tsípras n'était qu'une étape vers de nouveaux accords. (Photo: Commission Européenne)

La tournée européenne du nouveau Premier ministre grec Alexis Tsípras n'était qu'une étape vers de nouveaux accords. (Photo: Commission Européenne)

La lecture, tout en nuances, de l’accord du vendredi 20 février 2015 peut être celle-ci: tout le monde a gagné.

La Grèce a gagné puisque le terme «troïka» n’est plus mentionné. On parle désormais des «Institutions» pour caractériser les créanciers officiels de la Grèce. Une autre victoire pour la Grèce réside dans la flexibilité concernant le solde primaire – c’est-à-dire le solde budgétaire à atteindre avant paiement des intérêts sur la dette publique (objectif antérieur à 3% du PIB pour 2015); selon l’accord de vendredi «les Institutions évalueront l’objectif d’excédent primaire de la Grèce en tenant compte des circonstances économiques».

Autre «victoire» pour le gouvernement grec, les réformes ne sont plus imposées par la «troïka», mais proposées par le gouvernement grec lui-même. Ce dernier a ainsi pu fournir aux «Institutions» une liste de réformes de son cru, le 23 février peu avant minuit, avec des mesures concernant notamment la levée de l’impôt (réforme fiscale), la lutte contre la corruption, la modernisation du système de pension, la revue des dépenses publiques, le marché du travail. Ce sont là trois victoires d’étape du gouvernement Tsípras, qui disait vouloir en finir avec la tutelle de la troïka, revoir les objectifs d’excédents primaires, et avoir la «main» sur les réformes à engager.

L’esprit de la troïka demeure

Les autres pays de la zone euro (de même que FMI et la BCE) – créanciers de la Grèce – ont aussi gagné. La Grèce a officiellement demandé une extension du programme d’aide existant, alors que Syriza (alors en campagne) disait vouloir négocier d’emblée un «nouveau plan d’assistance» et «enterrer» le précédent. Ensuite, la flexibilité accordée à la Grèce sur l’excédent primaire ne concernerait «que» l’année 2015; à partir de 2016, la Grèce serait ainsi «tenue de dégager les surplus budgétaires requis pour assurer la soutenabilité de sa dette», comme convenu dans l’accord de novembre 2012 (deuxième plan d’aide à la Grèce).

Par ailleurs, si la troïka n’existe plus dans les textes, son esprit demeure. Les «Institutions» continuent de fait d’avoir un droit de regard sur les réformes grecques. Celles proposées le 23 février ont été en réalité discutées en amont et la Grèce s’est engagée à ne prendre aucune mesure unilatérale susceptible de mettre à mal les objectifs fixés (en termes budgétaires et en matière de réformes). Enfin, «les autorités grecques ont réitéré leur engagement univoque à honorer leurs obligations financières, auprès de tous leurs créditeurs, dans leur totalité et dans le respect du calendrier prévu».

L’accord du 20 février est en conséquence un «bon accord» puisque s’y trouve matière à ravir «politiquement» les différents protagonistes. Par ailleurs, il confirme la volonté de «compromis» des uns et des autres, et éloigne l’idée et la perspective, du moins temporairement, d’un Grexit (sortie de la Grèce de la zone euro).

Vers un nouvel accord

Mais si cet accord – une extension de quatre mois du programme actuel, avec déblocage «fort probable» de fonds (7,2 milliards d’euros) fin avril-début mai – devrait éviter à la Grèce une situation de stress financier à court terme (la BCE devrait rouvrir pleinement son guichet aux banques grecques), il en appelle déjà un prochain (dans quatre mois).

La Grèce devant rembourser plus de 10 milliards d’euros à la BCE et au FMI entre juillet et décembre 2014, puis 5 milliards d’euros en 2016, un troisième plan d’aide (idée d’ailleurs évoquée par le ministre des Finances allemand en 2013) n’est pas à exclure. Ce qui promet des débats vifs, voire houleux.

De même, l’accord de novembre 2012 stipulait que «les États membres de la zone euro envisageront des mesures supplémentaires, si nécessaires, une fois que la Grèce aura dégagé un excédent primaire, afin d’inscrire la dette grecque sur une trajectoire soutenable»; cette clause risque fort d’être rappelée par le gouvernement grec dans les discussions des prochains mois, ce qui ne manquera pas d’irriter et de créer quelques tensions.

Bref, on n’a pas fini d’entendre parler du «cas» grec, d’autant plus que certains parlements nationaux doivent encore ratifier l’extension de quatre mois du programme actuel.

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