Fabien Gaglio, ici de dos avec ses conseils, nie s'être enrichi. Banni par la CSSF comme par la Finma, il s'est reconverti dans le commerce. (Photo : Maison Moderne)

Fabien Gaglio, ici de dos avec ses conseils, nie s'être enrichi. Banni par la CSSF comme par la Finma, il s'est reconverti dans le commerce. (Photo : Maison Moderne)

Le procès de Fabien Gaglio, prévu sur quatre audiences, aura finalement été bouclé en deux demi-journées écourtées devant la 18e chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissement de Luxembourg. Il faut dire que sa coprévenue, Shamim Adam, ancienne employée administrative de H CTG, ne s’est pas présentée, ni quatre des cinq témoins. Son cas sera traité lors d’un procès ultérieur.

La justice luxembourgeoise n’est saisie que d’une petite partie de l’escroquerie reprochée à Fabien Gaglio par Hottinger&Partners. S’il est soupçonné d’avoir détourné près de 7,5 millions d’euros de clients via H CTG, filiale de Hottinger & Partners, une ardoise plus lourde l’attend en Suisse: 82 millions d’euros, soit 100 millions de francs suisses. Lancée début 2013, comme au Luxembourg, la procédure suisse est encore en cours, notamment en raison de l’éloignement de plusieurs victimes des agissements de Fabien Gaglio.

L’ancien banquier, qui reconnaîtra devant la juge d’instruction d’autres détournements de fonds au cours de sa carrière dans un hedge fund à Londres puis NM Rothschild et Hottinger&Partners, est démasqué par son associé à Luxembourg et à Genève, Jean-François de Clermont-Tonnerre, le 3 janvier 2013. Deux semaines plus tard, il se rend de lui-même à la Brigade de répression de la délinquance astucieuse à Paris – «le laps de temps qu’a mis l’administration française à me donner un rendez-vous», précise le prévenu.

Mon client a eu la faiblesse de ne pas être en mesure d’annoncer leurs pertes à ses clients.

Me Fabio Trevisan, avocat de Fabien Gaglio

Fabien Gaglio et Jean-François de Clermont-Tonnerre, membres du conseil d’administration de Hottinger&Partners à Genève, fondent ensemble H CTG au Luxembourg en 2010. «Ils en étaient les chargés de clientèle», relate Me Fabio Trevisan, avocat de Fabien Gaglio. «À un moment, ils ont enregistré des pertes, ce qui peut se comprendre car il s’agissait d’investissements spéculatifs, mais mon client a eu la faiblesse de ne pas être en mesure d’annoncer leurs pertes à ses clients.» Des pertes qu’il va entreprendre de masquer en transférant de l’argent d’autres clients. «Il a mis le doigt dans un engrenage qu’il n’a pas su arrêter», résume Me Trevisan.

Parmi les parties civiles – 13! –, les époux Benedek, un couple de Californiens qui ont réparti leur patrimoine, issu d’innovations technologiques dans le traitement des eaux usées, dans plusieurs sociétés dont Neo Investments Ltd, enregistré aux Îles vierges britanniques, et Distributed Energy Ltd. «Ils ont déposé 26 millions d’euros et il en reste 13 millions, on ne parle pas d’un pot de confiture à Cactus», rappelle Me Laurence Payot, leur défenseur. «Fabien Gaglio s’est comporté comme un gestionnaire épouvantable et menait un train de vie de nabab», ajoute-t-elle, alors que la défense présente un homme qui a fauté pour couvrir ses erreurs et non pour s’enrichir.

C’est pour renflouer le compte des Benedek que Fabien Gaglio a souscrit, en fournissant de faux contrats, un prêt en leur nom ainsi qu’un contrat de facilité de caisse. Ses clients ne pouvaient s’en rendre compte puisque le gestionnaire réceptionnait lui-même leurs relevés bancaires de la Banque de Luxembourg et leur envoyait un récapitulatif de leurs comptes divers concocté par ses salariés sur lesquels, souligne Guy Breistroff, premier substitut du procureur, il disposait d’une «certaine emprise».

Une banque mise en faillite

Mais Fabien Gaglio n’a pas seulement couvert les pertes par des transferts d’argent – dont un faux prêt de 400.000 euros obtenu d’un client à son insu. Pour le premier substitut, «Fabien Gaglio a voulu se rendre propriétaire de sommes» prélevées sur les comptes de ses clients. Il a ainsi détourné 2,6 millions de Neo Investments Ltd vers Sigma, une société constituée en novembre 2010 et amenée à augmenter sa participation dans le capital d’une société d’événementiel française. Étrangement, ce n’est qu’en juillet 2014, soit à sa sortie de détention préventive, que Fabien Gaglio fait signer aux Benedek un contrat régularisant l’investissement à leur nom. «Sinon ils n’en auraient jamais profité», pointe le premier substitut.

Au rang des parties civiles se trouve également Lyford International Bank & Trust, une banque panaméenne créée sur les cendres de Hottinger Bank&Trust, séparée de Hottinger&Cie en 2013. «Les déboires de cette banque ne sont pas liés à mon client», commente la défense en rejetant la demande de dommages de la banque. «La banque Hottinger&Cie a été mise en faillite par la Finma en octobre 2015 pour faire face aux provisions extrêmement importantes» exigées au vu de l’escroquerie commise par Fabien Gaglio, rétorque Me Nicolas Monnot, avocat parisien de la banque. Celle-ci ne demande du reste que des dommages au titre du préjudice moral subi.

Idem pour Jean-François de Clermont-Tonnerre, associé de Fabien Gaglio à Genève comme à Luxembourg, qui a racheté Hottinger&Partners dès l’éclatement public du scandale en mars 2013 pour preuve de sa bonne foi et pour rassurer ses clients. Il réclame 20.000 euros de dommages.

Tout ce qui touche la place financière touche l’ordre public.

Guy Breistroff, premier substitut du procureur

«J’estime que tout ce qui touche la place financière touche l’ordre public», indique le premier substitut au cours de son réquisitoire. «Surtout au vu du montant important des sommes détournées qui avoisinent les 7,5 millions d’euros», et au vu des antécédents du prévenu déjà condamné pour faux en 2000 en France dans une affaire de moindre envergure. «M. Gaglio a collaboré sur de très nombreux points mais il reste cependant des zones d’ombre», poursuit-il, notamment sur ce qu’est devenue sa fortune – sa collection de tableaux. L’arnaque russe avancée par le prévenu ne le convainc pas.

Le premier substitut requiert donc 5 ans d’emprisonnement, ne s’opposant pas à ce qu’un sursis probatoire soit prononcé pour la moitié «avec une obligation d’indemnisation au moins partielle des victimes» - sachant que le prévenu a déjà passé une année en détention préventive. Il demande encore une amende de 200.000 euros.

Début de quarantaine, barbe soignée, Fabien Gaglio répète devant les juges qu’il a «pris ses responsabilités» et qu’il s’est trouvé «pris» dans son propre piège. «J’aurais pu aller plus loin mais je me suis arrêté», plaide-t-il. «Quand on organise quelque chose, on prend la fuite et on va couler des jours heureux quelque part. Ma famille a vécu dans un taudis pendant six mois et mes parents ont dû nous aider.»

Le jugement a été mis en délibéré au 14 juillet.