Roxane Haas est associée et AML leader chez PwC Luxembourg. (Photo: PricewaterhouseCoopers Société coopérative – Photographer : Blitz Agency)

Roxane Haas est associée et AML leader chez PwC Luxembourg. (Photo: PricewaterhouseCoopers Société coopérative – Photographer : Blitz Agency)

La troisième directive AML avait changé la manière d’appréhender la prévention et la détection du blanchiment des capitaux au sein des entreprises du secteur financier. Seul bémol, sa transposition par les États membres avait donné lieu à des interprétations parfois divergentes. Pour y remédier, et également pour s’aligner sur les recommandations du Gafi (Groupe d’action financière), les législateurs européens ont donc travaillé sur une nouvelle mouture, la directive UE/2015/849.

Votée le 20 mai 2015 par le Parlement européen, la quatrième directive AML renforce l’arsenal réglementaire de l’Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Parviendra-t-elle à faire oublier les défauts de son prédécesseur?

Encore plus de transparence

L’approche par les risques, introduite avec la troisième directive, est renforcée et détaillée afin de pouvoir mieux identifier, comprendre et atténuer les risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Il incombe à chaque professionnel assujetti de prendre des mesures appropriées pour identifier et évaluer les risques auxquels il est exposé. En fonction de la nature et du niveau, plus ou moins élevé, de ces risques, les établissements financiers devront prendre des mesures appropriées, justifiées et documentées.

En vue de renforcer la transparence et d’être mieux équipé pour remonter jusqu’aux criminels, le législateur européen a introduit plusieurs nouveautés dans cette 4e directive. Les États membres devront par exemple mettre en place un registre central des données relatives aux bénéficiaires effectifs et assurer que ces données soient disponibles aux autorités compétentes sans aucune restriction. Ces données devront également être accessibles aux entités assujetties ainsi qu’à toute personne ou organisation pouvant démontrer un intérêt légitime. À la charge des États de trouver un équilibre entre mise à disposition des données et respect des règles relatives à leur protection.

La notion de bénéficiaire effectif est également précisée par la directive: est concernée toute personne physique qui possède ou contrôle directement ou indirectement une entité juridique indépendamment de tout pourcentage de détention ou encore toute personne ayant un pouvoir de décision. Trusts et fiducies sont aussi concernés. Quel sera l’impact sur les entreprises assujetties? Elles seront tenues de détenir des informations sur leurs bénéficiaires effectifs, informations qui alimenteront le registre central qui sera créé dans chaque État membre.

Autre nouveauté de taille, les «infractions fiscales graves» sont désormais spécifiquement visées par la 4e directive AML. Elles seront donc à prendre en compte par les entités concernées dans la redéfinition de leur gouvernance interne.

Vers un renforcement des sanctions

En cas d’infraction, la quatrième directive prévoit un panel de sanctions qui devra être mis en place par les États membres. Ces sanctions, graduées, iront de la déclaration publique mentionnant l’identité de la personne (physique ou morale) et la nature de l’infraction, à des sanctions administratives pécuniaires d’au moins 5 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires annuel total. La sévérité des sanctions renforce le rôle dissuasif de la directive et marque de manière très forte le durcissement de la position du législateur européen.

Les États membres ont maintenant jusqu’à juin 2017 pour transposer le texte en droit national. Les autorités luxembourgeoises, réactives, planchent déjà pour une transposition bien avant la date butoir. Et ce, pour que la place financière garde une longueur d’avance. À bon entendeur…