L’ancienne avocate Farida Chorfi écope de neuf mois de prison ferme et 5.000 euros d’amende. (Photo: Maison moderne / archives)

L’ancienne avocate Farida Chorfi écope de neuf mois de prison ferme et 5.000 euros d’amende. (Photo: Maison moderne / archives)

Condamnée à 30 mois de prison dont 15 avec sursis par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg il y a deux ans, Fara Chorfi a vu sa condamnation allégée par la cour d’appel à une peine de 24 mois d’emprisonnement dont 15 avec sursis. Les explications sont à trouver dans l'arrêt de la cour, disponible ce mercredi.

L’ancienne avocate de 54 ans comparaissait pour deux épisodes au cours desquels elle aurait tenté de s’emparer d’une partie de l’héritage de la vicomtesse Amicie de Spoelberch, héritière de la prestigieuse famille belge détentrice d’une partie des actions du géant brassicole Interbrew. Et ce à la suite de diverses plaintes déposées par la vicomtesse dans le courant de l’année 2006.

Celle qui s’occupait des affaires de la vicomtesse aurait une première fois tenté de dérober 915.000 actions fin 2004, profitant de la vulnérabilité de l’octogénaire qui venait de perdre son époux et était hospitalisée au Kirchberg. Si l’émission des actions en titres papier et leur déplacement dans un coffre sont avérés, le doute subsiste quant à leur trajectoire ensuite. Les fils adoptifs de la vicomtesse (nés Bailo) ont signé un récépissé a posteriori, attestant que leur avocate leur avait rendu la totalité des actions au porteur. Un nouveau témoignage intervenu au cours de l’appel – celui de l’ancienne compagne d’un des fils adoptifs – corrobore d’ailleurs cette version, indiquant que l’ancienne avocate avait remis les titres à la famille.

Une donation suspecte

Selon Fara Chorfi, ces titres lui ont ensuite été offerts en guise de remerciement pour ses bons services, comme l’indique une lettre des frères Bailo à leur mère adoptive. Celle-ci a d’ailleurs effectivement rédigé l’acte de don manuel mais a expliqué aux enquêteurs qu’elle avait été trompée sur son contenu réel.

Dans son jugement, la cour d’appel tient donc pour acquis le fait que Fara Chorfi ait tenté de s’approprier les 915.000 actions qui devaient revenir à la société OldCab Investments cédée aux fils adoptifs de la vicomtesse. L’ancienne avocate avait en premier lieu soutenu qu’il s’agissait non d’un don mais d’un montage structurel visant à créer une fondation. Or, en plus d’un an, elle n’avait entrepris aucune démarche dans ce sens.

Les fils adoptifs sont toutefois revenus sur leurs déclarations puisque, contrairement à ce qu’indique le récépissé, ils ont affirmé aux enquêteurs que Fara Chorfi ne leur aurait rendu que 100.000 actions – les 815.000 restantes semblant avoir disparu dans la nature. Sachant cela, la présence de 40 millions d’euros sur le compte suisse de l’avocate, découverts au hasard du scandale SwissLeaks, paraît là encore suspecte. Mais ce volet n’a pas été exploré jusqu’au bout et se heurte en particulier au secret bancaire suisse.

Un testament manifestement dicté par l'avocate

Faute de pièces suffisantes – il manque notamment les relevés précis des visites des uns et des autres au coffre –, la cour d’appel se range à l’avis du ministère public et ne peut retenir l’infraction de vol ni de faux et d’usage de faux.

Deuxième épisode passé à la loupe par la cour d’appel: le testament olographe du 5 septembre 2005. Un texte que la vicomtesse est censée avoir rédigé seule mais qui semble plutôt avoir été dicté par Fara Chorfi, selon le ministère public, puisqu’il la désigne légataire universelle. Le notaire chez lequel il a été enregistré a toutefois pris la vieille dame à part pour lui expliquer les conséquences d’un tel testament, pour se rendre compte qu’elle ne comptait pas du tout confier la gestion de sa fortune à Fara Chorfi.

La défense de l’ancienne avocate avait présenté une version différente des circonstances de la signature de ce testament, arguant que la vicomtesse souhaitait priver ses fils adoptifs de son héritage et charger son avocate de transférer sa fortune dans une fondation à créer pour financer des œuvres caritatives. Aucune preuve n’a toutefois pu être produite devant la cour, alors que les dépositions concordantes d’Amicie de Spoelberch et du notaire indiquent que la vicomtesse n’avait pas encore prévu de nommer un légataire universel.

Deux années de prison et une amende

Et quand bien même les manœuvres de Fara Chorfi ont échoué, puisque sa désignation comme légataire universelle disparaît du testament authentique rédigé quelques semaines après le premier, la tentative d’escroquerie est constituée d’après la cour d’appel. Celle-ci souligne que, déontologiquement, un avocat ne peut conseiller à son client de le désigner légataire universel. Et n’hésite pas à qualifier de vicieux les agissements de l’ancienne avocate.

Au final, la cour d’appel confirme en partie la condamnation en première instance de l’ancienne avocate. Le doute bénéficiant à l’accusée concernant le vol et le faux des actions Interbrew, la peine prononcée est quelque peu réduite. Fara Chorfi écope donc d’une peine d’emprisonnement de 24 mois assortie d’un sursis de 15 mois. L’amende de 5.000 euros est également confirmée.