Le fisc belge continue de voir des sièges vides là où il y a des salariés frontaliers au Luxembourg.  (Photo: Sven Becker)

Le fisc belge continue de voir des sièges vides là où il y a des salariés frontaliers au Luxembourg.  (Photo: Sven Becker)

L’Administration générale de la fiscalité, dépendant du ministère belge des Finances, avait entrepris, en 2014, une «action de contrôle» portant «sur des contribuables ayant déclaré une rémunération de salarié d’origine étrangère et qui en demandaient l’exonération». Pour des activités exercées en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Grand-Duché. Cette opération, baptisée «Foreign Salary», a beaucoup fait parler d’elle (et l’effet n’est pas complètement dissipé) au Luxembourg, dont de nombreux frontaliers belges ont été «harcelés» selon les termes repris en son temps par Xavier Bettel lui-même.

Nombreux? 2.584 dossiers «made in Luxembourg» ont été examinés. Les chiffres émanent du ministère des Finances belge, et ont été cités en réponse à la question orale posée en commission par le député libéral du Luxembourg belge Benoît Piedboeuf.

31.156 euros de moyenne

Il faut observer que 70% des dossiers examinés (1.817) ont été clôturés sans suite «au vu des éléments fournis par le contribuable en réponse à la demande de renseignements». Rappelons que les salariés avaient été contrôlés et priés de justifier leur présence réelle au Luxembourg, la «charge de la preuve» leur incombant selon les us et coutumes du fisc.

Il restait 767 dossiers. Qui ont été épluchés. Et qui ont plumé plus d’un contribuable. Le montant total des «suppléments de base imposable» s’élève, très précisément, à 23.897.027,30 euros, toujours selon le ministère. Sur ces quasi 24 millions, 7,5 millions d’euros ont été «récupérés» sans accord. La procédure prévoit soit un recouvrement d’office, soit une transaction (un accord négocié entre le contribuable redressé et le fisc). En tout cas, ces paquets de salaires à taxer, récupérés par le Royaume, représentent en moyenne 31.156 euros par citoyen belge réimposé.

24 jours et rien de plus

L’histoire ne dit pas (encore) ce qu’il advient de la part fiscale du Luxembourg. Le salarié belge au Luxembourg a, comme les autres, subi un prélèvement à la source sur son salaire brut. Il a peut-être repayé ensuite des impôts au Grand-Duché. Mais, «repiquée» par le fisc du Royaume, la part qu’il repaie en Belgique relève de facto du trop-perçu par le Luxembourg, puisqu’il ne peut y avoir de double imposition… Des cas commencent à remonter et les questions à se poser, dans des officines juridiques notamment. Le cas de la transaction devrait particulièrement s'avérer problématique...

Par ailleurs, on notera que, comme au Luxembourg après la signature en mars dernier d’un avenant à l’accord bilatéral belgo-luxembourgeois, la Belgique a précisé quelques questions pratiques.

Dans une circulaire diffusée via la base de données fiscales et juridiques Fisconetplus, l’administration fiscale belge souligne par exemple que les «jours de congé ne sont pas pris en compte» pour apprécier si le seuil des 24 jours prestés en Belgique est, ou non, atteint. La missive souligne que l’accord est «dérogatoire et, donc, d’application stricte». Cela veut dire que «si la limite des 24 jours est dépassée d’un jour, les 25 jours passés en dehors du Luxembourg deviennent imposables en Belgique».

Présence physique obligatoire

Les plus affûtés s’émeuvent déjà du fait que la circulaire ne précise pas à partir de combien d’heures une prestation en Belgique est considérée comme un jour entier.

Le document stipule en revanche que les résidents belges peuvent recourir au télétravail, «au même titre que leurs collègues résidant au Luxembourg». Enfin presque… Car le texte poursuit: «Il va de soi que ces journées d’activité en dehors du territoire luxembourgeois participent au décompte des 24 jours.»

Quant aux documents à fournir pour certifier de sa présence, le ministre belge rappelle qu’il a composé avec son homologue Pierre Gramegna un vade-mecum en matière de preuves. Celui-ci, diffusé d’emblée au Luxembourg, va aussi l’être auprès de l’administration fiscale belge. Cela étant, on sait que, depuis l’accord censé mettre fin aux «harcèlements», de nouveaux salariés luxembourgeois du Royaume ont encore connu les affres du contrôle et le refus de preuves de bonne foi.