La coverstory de l'édition d'octobre de Paperjam1, «Dirty work in progress», passe en revue 20 mois de cohabitation politique. (Illustration: Maison Moderne Studio)

La coverstory de l'édition d'octobre de Paperjam1, «Dirty work in progress», passe en revue 20 mois de cohabitation politique. (Illustration: Maison Moderne Studio)

Référendum
Une vie après l’échec
Le raz-de-marée des «non» a souligné l’erreur du gouvernement et son inexpérience politique, l’état de préparation du pays aux réformes aussi.

«J’aurais vraiment aimé que le résultat du référendum eût été l’inverse.» Xavier Bettel, interrogé par Paperjam, ne cache pas son désarroi devant le raz-de-marée du «non» qui a sanctionné les trois questions posées aux électeurs le 7 juin dernier, en particulier celle concernant l’élargissement du droit de vote aux résidents non luxembourgeois (sous certaines conditions). «Je ne regrette pas d’avoir organisé ce référendum», tempère le Premier ministre, qui avait promis cette consultation populaire et, plus largement, un «renforcement de la démocratie».

L’ampleur du résultat a bien évidemment surpris tout le monde dans la coalition. «Nous n’avons pas suffisamment senti le pouls de la population», concède Eugène Berger, chef de la fraction DP. «Je pense que faute de tradition, faute d’expérience, faute de temps peut-être, nous n’avons pas eu une campagne optimale et assez diversifiée sur les différents sujets, plaide pour sa part Françoise Folmer, présidente de Déi Gréng. Cet ‘échec’ ne doit en aucun cas nous faire reculer, bien au contraire.»

Le grand flou qui a précédé le scrutin – même le vice-Premier ministre Étienne Schneider s’était publiquement mélangé les crayons sur les conditions d’accès au droit de vote en jeu – n’a évidemment en rien aidé le gouvernement. Le résultat, cinglant, apparaît néanmoins autant comme une sanction politique «globale» qu’un refus d’ouverture de la part de la population.

«Le référendum, les questions posées, la façon de l’aborder, la campagne menée par la majorité gouvernementale, ont été plus qu’une simple erreur politique. Au contraire, je considère que c’était une grave faute politique», tranche Claude Wiseler, chef de file des députés CSV, qui fustige le gouvernement d’avoir joué avec la cohésion sociale du pays.

Depuis, la vie a repris, mais il y a une nouvelle prudence face aux réformes de fond.

Enterrée sans doute pour un bon moment, cette question de l’élargissement par le droit de vote du champ démocratique dans un pays où la moitié de la population résidente n’est pas luxembourgeoise, trouvera peut-être une honorable porte de sortie par une réforme de la législation sur la nationalité. «Nous devons faciliter l’accès à la nationalité luxembourgeoise, sans pour autant la brader», prévient-on du côté du LSAP.

Économie
Force tranquille
Le super-ministère d’Étienne Schneider suit les traces mais n’a pas encore dépoussiéré la multiplicité des acteurs.

Le LSAP a cet avantage de ne pas être nouveau dans les affaires gouvernementales. Ses figures de proue, comme Jean Asselborn aux Affaires étrangères ou Nicolas Schmit à l’Emploi, prolongent l’action entreprise sous le(s) précédent(s) gouvernement(s), en essayant de garder le cap d’une politique de gauche, jusqu’ici jamais mise à l’épreuve d’un partenaire libéral.

Étienne Schneider – adoubé sous le précédent gouvernement en tant que ministre mais au fait depuis longtemps des arcanes économico-politiques en tant que collaborateur très proche de son prédécesseur Jeannot Krecké – est un vice-Premier ministre qui, outre un ministère de l’Économie élargi (aux Classes moyennes, au Tourisme), s’est chargé des moins médiatiques (mais pas moins exposés au niveau des résistances internes à vaincre) volets de l’armée et de la police.

Le «super-ministère» de l’Économie, en partie délégué à la secrétaire d’État Francine Closener, en est encore à déblayer le terrain de sa multiplicité d’acteurs, parfois encombrants ou tenaces. L’idée de fusion des chambres (de commerce et des métiers) ou celle de réduire le nombre d’intervenants dans les fédérations ou dans les organes de promotion du pays n’arrive pas à se frayer un chemin. Grâce à une collaboration renforcée, notamment avec les Finances et leurs ambassadeurs, la visibilité de l’économie luxembourgeoise à l’extérieur s’est encore améliorée. À défaut d’annonces tonitruantes (outre les Tweets que le ministre dégaine volontiers), le succès des secteurs porteurs «made in Luxembourg», surtout dans les (bio)technologies, les start-up innovantes ou les applications financières (les désormais incontournables «fintech»), est international.

Avec aussi un accent appuyé sur les centres de décision et de gestion globale (plus seulement les sièges sociaux vides) des multinationales, dans des secteurs divers, l’image de la machine à PIB n’est plus seulement celle d’un pseudo-paradis pour l’ingénierie fiscale, mais d’une place internationale capable d’attirer les activités diversifiées et (toujours) en quête de talents. La force motrice, tranquillement, continue à faire tourner d’autres industries.

Logement
Coup de balai
La politique du logement est le maillon faible des gouvernements et l’arrivée de la coalition DP, LSAP et Déi Gréng n’a pas débouché sur les réalisations espérées. Il faut dire que le terrain était miné, et la mission, dont personne ne semblait vouloir, quasi impossible…

Les choses avaient mal commencé pour Maggy Nagel. Manifestement, ce mandat du Logement ne semble pas une de ses priorités. Elle passe pratiquement tout son temps au ministère de la Culture et envisage même, pour faire taire les rumeurs qui disent qu’elle consacre à peine une demi-journée de sa semaine au Kirchberg, siège du ministère du Logement, de regrouper les services boulevard Roosevelt dans une annexe des Terres Rouges, abritant la Culture. Elle devra y renoncer face à la grogne des fonctionnaires.

Pour l’épauler dans sa tâche de ministre du Logement, il fut décidé d’assigner à Mme Nagel un vieux routard des arcanes du pouvoir, Paul Schmit. Mais ce dernier décline l’offre en mars... Plus tard, c’est une délégation de signature au déjà secrétaire d’État Marc Hansen qui va lui donner, selon la façon de voir, un soutien ou un chaperon.

Le clash avec le président du comité directeur du Fonds du logement, Daniel Miltgen, met en lumière le système d’autogestion par un haut fonctionnaire (CSV) se pensant intouchable. Et déclenche une cabale politique. La ministre se cabre, furieuse que certaines informations fuitent au sujet de la fermeture du robinet des crédits par la banque ING. Et cet épisode s’ajoute aux malversations de l’ancien comptable du FDL qui surfacturait ses heures supplémentaires.

Au-delà de la guerre des chefs, qui a paralysé l’action du Fonds du logement, il faut s’interroger sur les capacités des pouvoirs publics à rendre le logement plus accessible et enrayer la tendance à l’expatriation des familles aux revenus modestes.

«Même si nous sommes parfaitement conscients que de par sa nature, le problème du logement ne pourra être résolu à brève échéance, nous devrons continuer à déployer tous nos efforts dans ce domaine, martèle Alex Bodry (LSAP), pas tendre avec le partenaire. À cet égard, le retrait du plan sectoriel logement fut certes un échec. Nous devons continuer à réformer les promoteurs publics et augmenter leur productivité pour agir sur l’offre de logements à prix abordable. Nous devons également réformer le dispositif des aides à la pierre. Une première mesure très concrète a pu être mise en œuvre, à savoir l’introduction de la subvention de loyer. Cette mesure aidera de façon ciblée les ménages à faible revenu à payer leur loyer et constitue une extension importante de notre État social.»

Certes, des moyens supplémentaires ont été injectés via la Société nationale des habitations à bon marché, autre outil aux mains des autorités pour mettre du logement à coût raisonnable sur le marché. Mais ces 250 logements prévus par an ne devraient pas être en mesure d’inverser la courbe des prix…

On peut encore ajouter que le Journal officiel a publié le 2 septembre dernier la fameuse «loi sur les logements vides». Elle devrait être d’application au 1er novembre. Ce texte met aussi l’accent sur le volontarisme communal en matière de logement, puisqu’il ouvre la porte au recensement des immeubles vides alors qu’ils pourraient être affectés à l’habitat. Les communes pourront aussi «taxer» ou distribuer des amendes (jusqu’à 250 euros par logement) aux propriétaires laissant s’installer le vide.

Budget et planification
L’avenir du paquet
Pour présenter le budget 2016, il faudra faire le point sur l’état d’avancement du Zukunfstpak.

Qu’est-il advenu du Zukunfstpak, le paquet d’avenir, en 258 points, voulu et présenté par le gouvernement pour définir à la fois les lignes budgétaires et les orientations politiques? Il est vraisemblable que le point sera fait, face aux députés, lors de la présentation du projet de budget pour 2016, en octobre.

D’ici là, s’il ne semble pas exister de document de synthèse pour suivre cette «feuille de route» pas à pas, on trouve des éléments, dans des réponses ministérielles à des questions parlementaires ou dans le suivi du programme de stabilité voulu par les instances européennes, pour 2015-2019. Car ce paquet d’avenir fait partie intégrante de la stratégie budgétaire pluriannuelle élaborée par le gouvernement. «Cette stratégie est effectivement implémentée depuis le 1er janvier 2015», rappelait le ministre des Finances, Pierre Gramegna, en mai dernier, en faisant un point parlementaire sur l’état d’avancement des travaux.

Au 31 décembre 2014, près de 90 mesures du paquet d’avenir ont une base légale, soit au travers du budget (30), du Zukunftspak (20) ou de règlements grand-ducaux (10), soit par voie de mesures internes aux ministères (30). «Il est prématuré d’évaluer l’économie effectivement réalisée, commentait le grand argentier du pays. Cet exercice incombe à chaque département ministériel dans le cadre des préparatifs du budget de l’année prochaine.» On s’en rapproche donc à grands pas…

Dans le calendrier, près de 130 mesures devaient être mises en œuvre courant de l’année 2015. «La trajectoire des finances publiques présentée dans l’actualisation du programme de stabilité du Grand-Duché de Luxembourg pour la période 2015-2019 est ainsi construite à partir d’une hypothèse d’une mise en œuvre complète, selon le calendrier prévu et avec les impacts budgétaires estimés, du paquet d’avenir.»

Selon le ministère des Finances, la nécessité de mesures de compensation éventuelles est en cours d’analyse dans le cadre des travaux de préparation des budgets 2016 à 2019. Et si des compensations devaient survenir pour respecter les engagements budgétaires au niveau national ou communautaire, ces mesures seraient présentées notamment lors du dépôt des projets de loi budgétaires à la Chambre. C’est donc, là aussi, un chantier en cours.

Finances publiques
Tendance favorable

  • Sur les 10 dernières années, l’évolution de la dette était spectaculaire. Le gouvernement s’est donc fixé un objectif : arrêter cette tendance au cours de cette période de législation.
  • Désormais, le ratio dette/PIB restera stable (autour de 24%). À politique inchangée, le taux aurait en effet été de 25% en 2015 et 26,6% (soit 16,7 milliards d’euros) en 2018.
  • Selon les chiffres mis à jour pour le programme de stabilité et de croissance (2015-2019), la dette publique brute atteindra 11,718 milliards en 2015, 12,334 milliards en 2016, 12,891 milliards en 2017.
  • L’État, depuis l’entrée en fonction du gouvernement, n’a émis aucun nouvel emprunt (excepté le sukuk à 200.000 euros, qui relève plus de la promotion de la Place que d’un besoin de financement).
  • Selon les projections retenues par les études de la Commission européenne, le Luxembourg compterait 600.000 habitants en 2020 et, à un rythme soutenu de croissance, atteindrait le million d’habitants en 2040.

Place financière
Les grands travaux de Gramegna
Sorte de «joker», nouveau venu dans le paysage politique, le ministre des Finances s’est attaqué à de gros chantiers, dont l’échange d’informations et la nécessaire transparence.

Lorsqu’il est arrivé au gouvernement, Pierre Gramegna a dû «réparer les dégâts causés par ses prédécesseurs». En disant ça, il visait Luc Frieden et son staff au ministère des Finances, qui avaient une réputation d’inflexibilité sur le secret bancaire, jusqu’au lâchage assez inattendu du printemps 2013. Pierre Gramegna, très discret mais très exposé, fait figure de marathonien du gouvernement et, dans les ateliers de la rue de la Congrégation, les fonctionnaires n’ont pas chômé.

Le ministre s’est d’abord focalisé sur la question de la conformité du Luxembourg aux normes de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales, après que le Forum mondial sur la transparence – émanation de l’OCDE – eut placé le Luxembourg le 23 novembre 2013 (une semaine avant qu’il prenne ses fonctions) sur la «liste grise» des juridictions non conformes aux standards. Il aura fallu, au pas de charge, corriger les défaillances de la législation financière, sous peine de voir le pays perdre la confiance de grandes organisations financières comme la BEI ou la BERD.

En mai 2014, les députés donnaient leur feu vert à l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale; en juillet, la législation sur les actions au porteur était réformée et, en novembre, l’échange de renseignements fiscaux sur demande était renforcé.

Le ministre des Finances joue aussi la carte de la transparence face à ses partenaires européens et internationaux. Il annonce le 29 octobre 2014 à Berlin que le pays sera l’un des 51 à passer à l’échange automatique selon les nouvelles normes de l’OCDE. Du coup, plus rien ne s’oppose à ce que l’UE passe à l’échange automatique d’informations en matière fiscale à partir du 1er janvier 2017, sur les revenus de 2016.

Pierre Gramegna, qui a fait passer la pilule Fatca sans encombre en juillet à la Chambre des députés, autorisant ainsi l’administration fiscale à communiquer toutes les informations sur les détenteurs américains de comptes en banque au Grand-Duché, dépose début août un projet de loi sur le Fatca européen, qui est le pendant du texte américain. Le ministre n’est pas pour autant au bout de ses peines.

Car il s’agit, dans le même temps, de renforcer les moyens des régulateurs: une nouvelle gouvernance et plus d’indépendance pour la CSSF ; des assises financières renforcées pour la BCL (il lui faut 800 millions d’euros)… Mais avec quel argent? Dans le même temps, le ministère tente de consolider la place financière et de la diversifier, notamment en s’ouvrant des marchés en Chine. Le gouvernement a aussi donné son feu vert à l’engagement de près de 70 millions d’euros pour participer au capital de la banque asiatique de développement.

Vu du CSV
De la vision au concept
Le parti chrétien apprend l’opposition. Son analyse est évidemment critique, déplorant notamment un manque de vision et de tièdes réformes.

Cela faisait 34 ans que le parti chrétien-social n’avait pas été refoulé dans l’opposition. Entre 1979 et 2013, le parti a toujours dirigé le pays, porté par trois Premiers ministres emblématiques: Pierre Werner, Jacques Santer et Jean-Claude Juncker.

Il aurait pu en être de même encore au lendemain des élections anticipées d’octobre 2013, mais deux sièges au Parlement ont permis un profond bouleversement du paysage politique au bénéfice d’un attelage tricolore inédit. Une coalition qui, aux yeux de Marc Spautz, président du CSV, souffre d’un manque de vision globale pour l’avenir du Luxembourg. «Le résultat de ce manque de vision est une politique inconstante de pilotage à l’aveugle», indique-t-il à Paperjam. Et de citer l’exemple du blocage de la réforme de l’enseignement en raison de la confrontation entre le ministre (Claude Meisch) et les enseignants ou encore la situation au ministère du Logement «où personne ne sait qui est aux commandes».

Cette «absence de vision» est, pour Claude Wiseler, président de la fraction CSV, «le plus grand échec du gouvernement», faute de réel «concept commun pouvant servir de politique globale et cohérente entre les trois partis de la majorité».

L’un de ces socles communs concerne la modernisation et la réforme de la société, ce qui explique pourquoi, selon M. Spautz, «le gouvernement a surtout réalisé des projets de politique sociétale, comme la législation sur le mariage ou encore celle sur l’interruption volontaire de grossesse». M. Wiseler met un bémol, rappelant que l’introduction du mariage homosexuel était déjà déposée par l’ancien gouvernement.

L’ex-ministre du Développement durable et des Infrastructures accorde par ailleurs volontiers un satisfecit à son successeur – François Bausch – même s’il estime que la politique en matière de transports se base principalement sur «la mise en place du concept de mobilité durable développé par le précédent gouvernement». De même, il attribue un bon point à Pierre Gramegna, considérant que «les suites de l’affaire LuxLeaks ont été, après des débuts chaotiques, correctement maîtrisées et les réformes nécessaires mises en place ou préparées».

Le constat est beaucoup moins flatteur pour bon nombre d’autres éléments. Outre «la grave faute politique» du référendum, le CSV fustige «l’échec retentissant» (dixit Wiseler) de la politique familiale, l’absence d’idées en matière d’intégration, «qui est pourtant d’une importance primordiale pour notre avenir commun» (dixit Spautz) ou encore les suites du Zukunftspak. «Si mon parti soutient les finalités d’un rééquilibrage budgétaire, explique M. Wiseler, on s’aperçoit aujourd’hui qu’un grand nombre des mesures annoncées ne sont toujours pas réalisées, ont été profondément modifiées voire tout simplement abandonnées.»

Du coup, les priorités pour la rentrée ne manquent pas aux yeux du parti chrétien-social: réformes du congé parental, de la formation professionnelle, de l’enseignement secondaire, de la loi sur la nationalité… liste non exhaustive à laquelle s’ajoutent, évidemment, les travaux préparatoires de la réforme fiscale censée entrer en vigueur en 2017. Quant au budget 2016 qui se profile, Claude Wiseler espère qu’il contiendra «une évaluation véridique des mesures d’épargne qui seront, respectivement ne seront pas réalisées» et tiendra compte «de toutes les promesses que le gouvernement a faites au cours des derniers mois». Et de conclure: «Le gouvernement n’a pas de temps à perdre s’il souhaite relever les défis qui, aujourd’hui, sont ceux du Luxembourg.»

Famille, éducation, intégration
Le temps des réformes
Le gouvernement a voulu une politique globale, qui place l’enfant au centre des efforts, pour préparer l’avenir.

Claude Meisch était attendu au tournant des responsabilités. L’ex-jeune premier de Differdange s’est chargé les épaules avec un super-ministère, lui aussi, voué à l’Éducation nationale, l’Enfance et la Jeunesse. Par la force des choses et en vertu des sujets transversaux plaidant pour la collaboration entre ministères – ce qui n’était pas vraiment le cas sous l’ère précédente –, il a dû avancer main dans la main avec le ministère de la Famille, piloté par Corinne Cahen. Et des dossiers chauds, comme celui du chèque-service accueil, bougent dans une logique intéressante: si, avant même l’entrée à l’école, les inégalités de développement des enfants selon le milieu social sont déjà très prononcées, le gouvernement a voulu, au nom de l’égalité des chances (ce qui implique aussi le ministère de Lydia Mutsch) et de l’intégration (domaine très exposé en vertu de l’actualité, confié à Corinne Cahen), une politique globale, qui place l’enfant au centre des efforts pour préparer le futur. 



Au-delà des discours, Claude Meisch a déminé le terrain des bourses d’études – héritage de deux ministres CSV, ayant conduit à jeter des milliers d’élèves dans les rues au début du mandat actuel – et s’est attaqué en parallèle au monolithe puissant de l’enseignement, ou plutôt des enseignants. Une affaire, pas gagnée d’avance, à suivre!

La transhumance de l’Université sur Belval s’achève, mais il reste à compléter le puzzle des institutions de recherche et à régler les questions de contrat des chercheurs.

En parallèle, Corinne Cahen a bien avancé les pions de la réforme du congé parental et des allocations. Elle s’est aussi positionnée – et avec elle le pays leader et pôle attractif – dans la nébuleuse de la Grande Région.

To do list
Travail en cours

  • La hausse de la TVA de 3% a relativement bien passé la rampe, malgré l’évidente répercussion sur les prix réels et le pouvoir d’achat.
  • L’épineuse question du financement des cultes a été réglée par le gouvernement, donnant plus d’égalité aux cultes reconnus mais conservant un lien conventionnel avec eux. La séparation Église/État n’est pas tout à fait consommée.
  • Les infrastructures et les transports poursuivent leur amélioration à marche forcée. Et à investissements constants. Le train (aussi privilégié pour la logistique), le tram, l’électromobilité avancent à pas verts.
  • Tant que le pays n’aura pas réglé (ou assumé) la question du poids de la fonction publique, le rapport de forces avec le politique et avec le reste du pays (notamment le tissu économique) sera tendu. Sur ce plan, le gouvernement actuel n’a pas encore trouvé les bons leviers.

Rendez-vous dans trois ans
Post-scriptum

Octobre 2018. Cela reste, à l’heure actuelle, l’échéance électorale.

Rapidement soumis à un premier test – les élections européennes ne leur ont guère été favorables –, les trois partis de l’exécutif ont pu très vite mesurer combien l’exercice du pouvoir est un chemin pavé de bonnes intentions, mais truffé de surfaces glissantes.

Les chantiers de l’équipe Bettel-Schneider-Bausch avaient de quoi rebuter: si l’on voulait moderniser le pays et sa société, si l’on devait maintenir les modèles économiques tout en les assainissant – plus ou moins contraints à une transparence et à une gouvernance nouvelles –, il fallait en mettre un coup, de la cave au grenier.

Sur un bail de cinq ans, moins de deux ans se sont écoulés. Trop tôt pour un vrai bilan. Mais pas pour un tour de table gouvernementale, afin de mesurer l’état d’avancement des travaux.

Les débuts d’un nouveau gouvernement, surtout quand celui-ci est à ce point inédit – dans sa forme (coalition triangulaire) et dans sa composition (mettant au placard le parti traditionnellement le plus fort) –, ne sont jamais faciles. L’inexpérience politique de certains, l’inexpérience gouvernementale de la plupart – à l’exception des socialistes qui faisaient partie de l’équipe, voire des équipes précédentes – ont laissé passer quelques couacs. De l’exploitation rocambolesque de la voiture de Francine Closener à la communication ambiguë sur l’indexation prochaine, en passant par le flou sur le dossier du Future Fund ou les frasques et déclarations culturelles de Maggy Nagel, l’opposition – elle aussi en phase d’apprentissage sur des bancs inédits – a pu se délecter de quelques épisodes. À l’inverse, le nettoyage des placards laissés parfois encombrés par le CSV a pu, aussi, se montrer drastique.

Il n’empêche, alors que le budget 2016 approche à grands pas, le «paquet d’avenir» a déjà livré une série de mesures et de pistes, sur les 258 points détaillés. Surtout, la tendance des finances publiques, très inquiétante jusque 2013, a pris une tout autre courbe. Et l’image du Luxembourg a vraiment progressé à l’international.

Il y aura encore, sans doute, des changements dans le casting gouvernemental. Mais globalement, le travail d’équipe ne fonctionne pas mal. Il faudra probablement renforcer le rôle des fractions parlementaires – plutôt faible en ce qui concerne le DP, peu visible en dehors des cadors pour le LSAP, important mais aux moyens limités pour les Verts. Il faudra accentuer les démarches proactives et prendre ses responsabilités pour accomplir les missions définies dans le programme commun.

Avant d’aller espérer cueillir les fruits du buffet, dans trois ans, il faudra encore s’activer en cuisine et ne pas se contenter de repasser les plats. «Es geht um die Wurst», dit-on, avec truculence, en allemand, pour décrire l’approche de l’objectif, quand on entrevoit la fin du tunnel. Trois ans, c’est encore long, par rapport aux 20 mois passés. Même si rien ne dit que la ligne sera droite, il reste du temps pour accomplir le boulot, sans se laisser effrayer par l’ampleur de la tâche. Être efficace n’est pas toujours populaire. Mais c’est la mission et elle s’accomplit peu à peu. Rendez-vous pour l’état des lieux dans trois ans.