C’est l’histoire vraie de Gypsy Rose Lee, célèbre artiste américaine de burlesque connue pour ses strip-teases. Ses mémoires ont été adaptées en une comédie musicale en 1959 par Jule Styne, Stephen Sondheim et Arthur Laurents. Très grand succès populaire outre-Atlantique, «Gypsy» est désormais en tournée en Europe dans une production mise en scène par le metteur en scène de théâtre et d’opéra Laurent Pelly. Le rôle de la mère, Rose, est interprété par la bien connue soprano Natalie Dessay. Après un grand succès à l’Opéra de Nancy et à la Philharmonie de Paris, cette «fable musicale» est présentée au Grand Théâtre de Luxembourg. À cette occasion, Natalie Dessay a répondu à nos questions.
Comment le rôle de Madame Rose est-il arrivé jusqu’à vous?
Natalie Dessay. – «Grâce à Laurent Pelly, le metteur en scène. Nous nous connaissons depuis longtemps et avons déjà réalisé plusieurs productions ensemble, que ce soit pour le théâtre ou l’opéra. Il est, comme moi, fan de comédie musicale et m’a proposé ce rôle extraordinaire de Rose.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce rôle?
N. D. – «Absolument tout! Tout d’abord, c’est un personnage qui a vraiment existé, ce qui est assez rare. Et c’est un personnage ‘bigger than life’, comme on dit. Elle est à la fois monstrueuse et extraordinaire, dévorée d’ambition pour ses filles, vivant à travers elles ses propres frustrations. La pièce se déroule dans le contexte de la Grande Dépression américaine, la famille de Rose est très modeste, pauvre même. Elle décide d’élever seule ses enfants et d’en faire des stars pour subvenir aux besoins de la famille. Est-ce une attitude excessive? On peut se poser la question, mais elle cherche surtout à donner un meilleur avenir à ses enfants, quitte à les forcer à suivre ce chemin qu’elle estime bon pour elles.
Est-ce un rôle dans lequel vous vous êtes reconnue?
N. D. – «Pas vraiment. Je suis certes maman, mais je n’ai jamais forcé mes enfants à suivre une carrière que je leur aurais imposée. Quoi qu’ils aient choisi, je les ai soutenus et encouragés à aller le plus loin possible dans leur domaine respectif. Il y a juste une chose que j’ai imposée: d’aller à l’école et l’apprentissage de la musique.
Quels ont été les défis que vous avez dû relever pour interpréter ce rôle?
N. D. – «Le travail de la voix, bien entendu. On ne chante pas dans une comédie musicale avec une voix classique. Ici, je dois chanter avec une voix de poitrine, portée haut. J’ai donc dû réapprendre toute la technique. Cela fait maintenant presque quatre ans que j’apprends ces techniques. C’est beaucoup de travail, c’est un tout nouveau métier pour moi.
Est-ce facile de s’autoriser à faire de la comédie musicale après avoir fait la grande carrière de soprano qui est la vôtre?
N. D. – «S’autoriser oui, car le regard des autres ne m’a jamais importé. Mais encore faut-il travailler suffisamment pour y arriver. Cela m’a pris du temps pour parvenir à un bon résultat. Mais je pense qu’au fond de moi, j’ai toujours voulu faire cela. Et je peux enfin jouer des personnages de mon âge. En tant que soprano, les rôles que je pouvais interpréter étaient soit des rôles de jeune première ou des rôles de soubrette. À 60 ans, cela n’est plus crédible… Ici, c’est un rôle d’interprétation. Je peux chanter, mais aussi parler et même avoir quelques moments chorégraphiés. Le jeu d’acteur est plus important et je prends beaucoup de plaisir à le faire. Quand j’ai commencé ma carrière, la comédie musicale était quasiment inexistante en France. Je pense que si je débutais aujourd’hui, c’est vers ce registre que je me serais naturellement tournée.
Vous jouez aux côtés de votre fille, Neïma Naouri, qui interprète le rôle d’une des deux filles de Madame Rose. Comment vivez-vous cette expérience?
N. D. – «Ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble, et je suis très admirative de la voix exceptionnelle de Neïma. C’est un très grand plaisir de faire de la scène avec elle.
Et elle, comment le vit-elle?
N. D. – «Je pense que ça l’amuse, surtout quand elle me voit galérer! Nous partageons beaucoup de choses. Cette expérience tisse un lien supplémentaire, même si nous n’en avions pas vraiment besoin, car nous sommes naturellement très proches.
Gypsy est très populaire aux États-Unis, mais beaucoup moins en Europe. Que diriez-vous à nos lecteurs pour leur donner envie de découvrir ce spectacle?
N. D. – «Soyez curieux! Pour préparer ce rôle, j’ai lu les mémoires de Rose Lee. C’est vraiment un personnage incroyable, à la fois drôle et pittoresque. Elle raconte une Amérique qu’on ne connaît pas bien et a une telle soif de vie, malgré la dureté et le poids de sa vie. Et puis, la mise en scène est formidable. Nous avons la chance d’avoir un orchestre symphonique sur scène, pas seulement deux ou trois musiciens. Et la musique de Jule Styne est absolument fabuleuse. C’est vraiment une comédie musicale à découvrir!»
au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg.