À la manière de TisaTech à Londres, Nasir Zubairi et la Lhoft devraient lancer une initiative autour d’une nouvelle méthodologie pour répondre aux besoins de la Place sur le KYC-AML.  (Photo: Eric Devillet/Lhoft)

À la manière de TisaTech à Londres, Nasir Zubairi et la Lhoft devraient lancer une initiative autour d’une nouvelle méthodologie pour répondre aux besoins de la Place sur le KYC-AML.  (Photo: Eric Devillet/Lhoft)

Cinq ans après son arrivée au Luxembourg, à la tête de la Lhoft, Nasir Zubairi va faire entrer ce «fournisseur de solutions pour l’industrie financière luxembourgeoise» dans une nouvelle ère. Au milieu des nombreux projets que déploie la petite équipe, une initiative sur le KYC, un sujet très sensible.

Pas sûr qu’il reste quelqu’un ou une quelconque entité financière établie au Luxembourg qui ne connaisse pas ou la Lhoft. Au milieu de plus d’une heure d’une conversation gargantuesque avec le CEO de la maison luxembourgeoise des technologies financières, dans la substantifique moelle (comme disait Rabelais en 1534 dans «Gargantua»), un sujet ressort, le KYC.

C’est un crève-cœur compte tenu de tout ce que vous faites et de tout ce que vous avez envie de faire, mais je crois savoir que vous allez lancer une initiative sur le KYC, un sujet qui préoccupe de nombreux acteurs de l’industrie financière. Que peut-on en dire aujourd’hui?

Nasir Zubairi. – «L’inefficacité et les coûts du KYC pour l’industrie continuent d’augmenter. Tous les acteurs économiques qui s’établissent au Luxembourg ont besoin d’une banque, par exemple, qui respectent AML, KYC et due dilligence. Ils ont besoin d’avocats, qui respectent AML, KYC, due dilligence. Ils ont besoin d’une fiduciaire qui respecte AML, KYC, due dilligence. Si vous parliez avec des fonds d’investissement, ce serait pareil. Mais il faut aussi de l’efficacité dans le reporting.

C’est une question à une échelle ‘macro-économique’ pour leur donner un avantage compétitif. Il faut trouver une solution mutualisée. Nous allons lancer une initiative pour coordonner et faire en sorte qu’une solution soit construite. Nous serons une sorte de ‘middle-man’ entre l’industrie, capable de comprendre leurs besoins et leurs challenges et opportunités pour les traduire en ‘requirements’. Il existe peut-être déjà des acteurs, mais j’aime le mot ‘solution’.

Nous, nous n’allons forcer personne! Mais si c’est ce que l’industrie veut…
Nasir Zubairi

Nasir ZubairiCEO de la Lhoft

Si vous vendez vraiment une solution et que personne n’achète votre technologie, c’est que vous ne résolvez peut-être pas leurs problèmes… Peut-être qu’ils travaillent sur une partie du processus global, mais un élément clé est qu’ils oublient le lien entre 'liability' et ‘responsability’. Qu’ils essaient de les séparer. Si vous prenez la responsabilité opérationnelle pour le KYC et l’AML, au nom d’une institution, vous devez prendre la responsabilité juridique aussi, sinon ce n’est pas très fair. Imaginez que la banque prenne une amende et vous, vous dites ‘désolé’? Ce n’est pas très fair!

Le fait que les banques et les autres se plaignent encore beaucoup à ce sujet montre qu’il n’y a pas encore de solution parfaite. Un des problèmes que nous voulons résoudre, avec ce plan d’action, et de trouver comment avoir accès au capital pour être sûr que la solution sera développée. Dans le projet KYC connect, il y avait de la documentation anonyme partagée, mais aussi beaucoup de barrières.

Est-ce que l’État devrait, comme il le fait pour la connectivité par exemple, prendre le leadership?

«C’est un peu ce que nous faisons. Nous représentons le pays pour la fintech. Nous avons des parties prenantes à la Fondation qui sont du secteur public et du secteur privé. Nous avons eu des discussions avec toutes les institutions clés et il semble y avoir un accord général pour que la Lhoft joue le rôle central. Nous voulons créer l’équipe projet, mais pas bâtir la solution. Ce n’est pas notre job d’être des développeurs. Nous voulons apporter de la clarté sur ce que sont les problèmes et les challenges. Et de la clarté sur les exigences qu’il faut satisfaire dans le cadre d’une solution.


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Regardez au Royaume-Uni, il y a . Vous réunissez les acteurs pour identifier des problèmes clés. Puis les éléments clés pour y apporter des solutions, qui vous permettent d’aller sur le marché avec un appel à projets, où les fournisseurs de solutions peuvent mieux se positionner et ont la certitude que puisque les exigences viennent d’un groupe d’institutions financières, ils auront de meilleurs débouchés. Vous recevez des offres, en tant qu’institutions financières, vous sélectionnez celles qui répondent parfaitement ou le mieux à vos exigences et vous leur demandez un proof of concept.

Il risque quand même d’y avoir des regtech établies au Luxembourg qui apprécient moyennement cette initiative, non? Avez-vous parlé avec elles?

«Si vous ne représentez pas une solution pour les institutions, c’est que vous ne résolvez pas leurs problèmes. Oui, nous avons eu des discussions. Le projet a une envergure plus générale. Prenons un exemple. C’est un exemple général, une idée, pas ce que nous avons déjà en tête. Nous pourrions créer un appel à projets autour d’une solution de reporting centralisée sur la compliance pour toutes les institutions. Vous avez un hub central qui connecte toutes les institutions à Luxembourg via une API unique qui gère toutes les questions sur les données essentielles, les processus à suivre, etc.

Face à l’appel à projets, aux start-up ou entreprises de dire ensuite: ‘C’est intéressant pour nous comme projet à construire’. Nous, nous n’allons forcer personne! Mais si c’est ce que l’industrie veut…

Nous, notre rôle n’est pas de dire 'achetez ceci ou achetez cela’, mais de faciliter l’émergence de solutions que l’industrie veuille adopter. Si elle veut les adopter, cela devient du business. Nous sommes technologiquement neutres.»