La carrière de Nancy Braun reflète son engagement profond à promouvoir la culture comme vecteur de changement social et s’engage à mettre en avant une meilleure cohésion sociale et un développement durable pour les générations futures. (Montage: Maison Moderne)

La carrière de Nancy Braun reflète son engagement profond à promouvoir la culture comme vecteur de changement social et s’engage à mettre en avant une meilleure cohésion sociale et un développement durable pour les générations futures. (Montage: Maison Moderne)

Dans son numéro «Women on board», Paperjam met en lumière plus de 100 profils de femmes prêtes à rejoindre un conseil d’administration. Tout au long du mois de mars, découvrez divers profils de femmes ainsi que leurs points de vue et leurs idées pour un meilleur équilibre des genres dans les instances de décision. 

Directrice adjointe du pavillon luxembourgeois à l’exposition universelle 2025 d’Osaka (Japon), est aussi administratrice de l’ONGD Fnel depuis 2020. Elle est connue pour son rôle influent en tant que directrice d’Esch2022, Capitale européenne de la culture. En 2022, elle était responsable de la mise en œuvre d’un programme diversifié de projets artistiques et sociaux dans le sud du Luxembourg, en mettant l’accent sur la collaboration transfrontalière et l’engagement communautaire. Nancy Braun a occupé divers postes clés dans les secteurs culturel et public. 

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?

Nancy Braun. – «Les défis étaient en fait limités, car j’ai eu la chance de siéger dans des conseils dans lesquels le respect de l’un pour l’autre était coutume. Une citation d’Albert Schweitzer dit: «La communication est l’art de se faire comprendre.» La communication était et reste à mon avis un grand défi!

Il y a eu des moments où, en tant que femme, j’ai eu l’impression de devoir me répéter afin d’être comprise et respectée. Le souci n’était certainement pas lié à un langage incompréhensible ou une présentation peu claire du sujet! En tant qu’homme, je pense qu’un certain nombre de sujets n’auraient jamais porté à discussion, ou la discussion aurait été menée différemment.

Se faire mieux entendre était parfois également lié à parler un peu plus fort, malheureusement! Un comportement assertif peut être perçu positivement chez un homme, mais négativement chez une femme. Donc la communication et le comportement sont tout un art!

 Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou le scepticisme à votre égard?

«Je les ignore, tout simplement! Tout au long de ma carrière professionnelle, j’ai toujours croisé des personnes que j’ai considérées comme des guides. Ces personnes ne m’ont pas seulement donné confiance, mais m’ont clairement montré que l’on ne peut s’affirmer dans ce monde que par le ‘self-empowerment’. C’est le socle sur lequel on peut s’appuyer pour reconnaître sa valeur intrinsèque, ses capacités et son potentiel.

Étant une personne assez rationnelle, afin de contrer le scepticisme et renforcer ma crédibilité, je me suis toujours assurée que mes contributions soient fondées sur des faits, des données concrètes et des résultats mesurables, sans me laisser guider ou distraire par des émotions. Rester fidèle à ses convictions et valeurs, ne pas perdre de vue sur ses objectifs et sa mission, c’est la base!

Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration? 

«Il y a certainement une progression à noter, les statistiques en sont la preuve. Mais malgré une présence croissante des femmes dans le monde professionnel, elles restent sous-représentées aux postes de direction, y compris dans les conseils d’administration. Les obstacles persistent, les mentalités sont en évolution, mais encore lentes à changer.

Pourtant, je reste optimiste, des mesures proactives sont mises en place. Mais les femmes elles-mêmes ont également un rôle à jouer! Les femmes ‘leader’ elles-mêmes devront assumer également la fonction de ‘bon exemple’ pour ainsi inspirer une nouvelle génération à motiver d’autres femmes à prendre des responsabilités.

Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils d’administration? 

«Mon avis par rapport à cette question est quelque peu partagé. Les quotas permettent de briser l’inertie et de surmonter les biais structurels qui empêchent les femmes d’accéder aux conseils. Sans intervention, les progrès peuvent être très lents. Ils ne devraient pas se limiter tout simplement à une augmentation numérique, ils devraient également inciter les entreprises à repenser leurs processus de recrutement. En tout cas, il faudrait absolument éviter que les nominations soient perçues comme des ‘nominations symboliques’, des nominations forcées ou basées sur le genre plutôt que sur les compétences. La crédibilité des femmes nommées seraient mises en question!

Les quotas, bien qu’imparfaits, sont nécessaires pour accélérer la parité. Il devrait s’agir d’un outil temporaire ou transitoire pour briser les barrières structurelles, mais il faut veiller à ce qu’elles ne se fassent pas au détriment de la compétence. En tout cas, il faut espérer qu’à terme, les entreprises auraient adopté des pratiques inclusives de manière naturelle; certainement une question de génération. Françoise Giroud (ministre de la Culture en France, journaliste, écrivaine, ndlr) a dit: «La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.» 

 En tant que femme administratrice, sentez-vous une responsabilité particulière de défendre les questions de parité et d’inclusion?

«D’un côté, je pense qu’il s’agit d’une responsabilité collective, la diversité est une priorité collective et non une question uniquement portée par les femmes ou les minorités sous-représentées. D’un autre côté, la visibilité des femmes dans des rôles décisionnels contribue à normaliser leur présence et à inspirer les générations futures. Donc une responsabilité serait d’être perçue comme un exemple à suivre en ouvrant la voie à d’autres femmes.

Mais encore une fois, il faut être vigilant sur la manière dont on dirige le discours, car il ne faut pas non plus que les femmes soient réduites à leur genre ou être perçues uniquement comme des défenseures de la parité. Être reconnue pour ses compétences globales et sa contribution stratégique, c’est cette notion qu’il faut véhiculer comme femme administratrice.

Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?

«La diversité au sein d’un conseil d’administration enrichit les discussions stratégiques en apportant une variété de perspectives et d’expériences. Les femmes apportent une nouvelle vision des choses et ont certainement une autre culture de débat. La diversité permet en tout cas de multiplier les perspectives et les décisions sont donc mieux réfléchies et équilibrées.

Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?

«Pour promouvoir la parité, il est crucial de mettre en place des processus de recrutement transparents et inclusifs, d’offrir des opportunités de mentorat aux femmes aspirant à des postes de direction et de sensibiliser aux biais inconscients.

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?

«Soyez audacieuses et engagez-vous!Ne sous-estimez jamais vos capacités et qualifications. Il faut croire en ses compétences! Dépendant de son caractère, je juge utile également de rechercher des opportunités de développement professionnel et de s’entourer de mentors et de réseaux de soutien. L’importance de la confiance en soi et de la persévérance vous aideront à vous lancer avec détermination.

Pour finir, avez-vous une anecdote ou un moment marquant dans votre parcours qui illustre la réalité d’être une femme dans ce rôle?

«Première réunion d’un conseil d’administration dans lequel j’ai été nouvellement élue, le mot de bienvenue était: ‘Bass du d’Quotefra?’ Mon retour: ‘Si ce sont les manières à table ici, je pense que je suis assise à la mauvaise table.’ Ce n’est pas moi qui ai changé de table, ce sont les manières à table qui se sont améliorées.

Que conseilleriez-vous concrètement à une jeune femme qui voudrait prendre sa place dans la société? Qu’est-ce que vous lui déconseilleriez?

«J’encourage les jeunes femmes à poursuivre leurs ambitions avec détermination, à développer continuellement leurs compétences et à ne pas se laisser décourager par des obstacles. Je le disais déjà dans une interview, ‘restez fidèles à vous-mêmes, vous pouvez faire la différence avec les talents que vous avez!’. En tout cas, il ne faut pas se conformer aux stéréotypes ou limiter ses aspirations en raison de pressions sociétales.»