Pour Nadia Manzari, la Place doit profiter du Mica pour renforcer son avantage concurrentiel. (Photo: Mike Zenari/Archives)

Pour Nadia Manzari, la Place doit profiter du Mica pour renforcer son avantage concurrentiel. (Photo: Mike Zenari/Archives)

Associée chez Schiltz & Schiltz, Nadia Manzari estime que le Luxembourg a été précurseur dans la réglementation des crypto-actifs.

Comment décrivez-vous l’évolution de la digitalisation des services financiers?

– «Tout a commencé avec la directive PSD1 (Payment Services Directive) arrivée en 2007 pour accompagner les débuts du commerce électronique. Au détour de la crise financière de 2008, il a également été démontré que la digitalisation des paiements et les données des clients permettaient de retracer plus facilement les transactions. La PSD2, adoptée en 2015, a, quant à elle, ouvert la porte à l’open banking. Après les paiements, la compliance et la gouvernance ont aussi connu une phase de digitalisation. Maintenant, c’est au tour de l’industrie des fonds. 

Le secteur des paiements a amorcé la digitalisation de la finance. Quelle évolution apporte désormais l’émergence de prestataires de monnaies virtuelles?

«Ce n’est pas si nouveau pour le Luxembourg. Déjà en février 2014, la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier) publiait un communiqué de presse annonçant que les activités opérées par ces acteurs relevaient des services financiers. Indépendamment de l’usage de nouvelles technologies, la CSSF avait alors considéré que ces services étaient naturellement soumis à la réglementation financière. 

Qu’est-ce qui a motivé une prise de position si précoce par la CSSF?

«De premiers acteurs avaient commencé à s’intéresser au Luxembourg. La question n’était alors pas de savoir s’il fallait les accueillir, mais bien s’il fallait les laisser opérer sans licence. En l’absence de licence, cela aurait créé un déséquilibre sur le marché. Il a donc fallu identifier les services offerts par ces plateformes pour ensuite les soumettre de façon adaptée à la réglementation.

Quel poids a été donné aux aspects liés à l’anti-­blanchiment d’argent dans cette démarche de la CSSF?

«Il était hors de question de laisser de tels acteurs opérer sur la Place sans licence, en raison, notamment, du . Ce risque était trop important. Après analyse des modèles d’affaires des professionnels offrant des services liés aux crypto-actifs, la CSSF avait constaté qu’ils s’apparentaient principalement à des services de paiement, soit un secteur déjà réglementé. L’accès aux crypto-actifs pour les consommateurs passe donc par les mêmes exigences de connaissance de la clientèle et de contrôle des transactions que pour les banques.

La posture luxembourgeoise a-t-elle inspiré l’approche adoptée au niveau international?

«L’approche du Luxembourg a été suivie par la Commission européenne et le (Gafi), qui ont soumis les prestataires de monnaies virtuelles à un régime d’anti-blanchiment.

L’Union européenne a abouti à un accord, le 30 juin dernier, sur le règlement Mica (Markets in Crypto-Assets). Qu’apporte-t-il de neuf?

« confirme que, si des crypto-­actifs se qualifient comme des instruments financiers, ils tombent sous la réglementation existante. Par contre, si des crypto-actifs ne peuvent être qualifiés comme tels, ils sont alors soumis au Mica.

Cela veut dire que certains acteurs échappaient encore à toute réglementation? 

«Notamment dans le cadre d’une ICO (initial coin offering), certains acteurs, encore au tout début de leur phase de développement, ne possèdent pas encore de statut légal. Il est donc difficile d’appliquer une réglementation si celle-ci exige, par exemple, d’avoir une personnalité juridique.

Le Mica ne servirait donc qu’à combler un vide juridique?

«Le Mica confirme certaines interprétations et donne une assurance aux professionnels, ainsi qu’aux régulateurs. De la sorte, le règlement réplique les exigences de la réglementation financière en matière d’autorisations, de bonne gouvernance, de supervision et d’anti-blanchiment.

Si le Mica met tous les États membres au même niveau, quels leviers concurrentiels auront encore les Places européennes les unes par rapport aux autres?

«L’avantage concurrentiel sera dans la rapidité à accorder les futures licences.»

Cet article a été rédigé pour  de l’édition  parue le 13 juillet 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

  

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