Myriam Muller ouvre la saison au Grand Théâtre avec sa création «Elena, Nécessité faisant loi». (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Myriam Muller ouvre la saison au Grand Théâtre avec sa création «Elena, Nécessité faisant loi». (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Pour l’ouverture de saison du Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg, c’est la création théâtrale «Elena, Nécessité faisant loi», qui a été choisie. L’occasion de nous entretenir avec la metteuse en scène Myriam Muller.

Pour ouvrir la saison 2023-2024, le Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg a choisi de programmer «Elena, Nécessité faisant loi», une pièce adaptée et mise en scène par Myriam Muller. Cette création raconte l’histoire d’Elena, la seconde femme de Vladimir, un riche retraité, qui a fait sa connaissance dix ans auparavant alors qu’il était hospitalisé et qu’elle était son infirmière. Leur union est basée sur un rapport de servilité et un échange de services. Elena fait office de femme, de bonne, de cuisinière pour Vladimir, qui lui offre de son côté stabilité et une vie sans soucis matériels. Mais quand le fils d’Elena, Frank, se retrouve en difficultés financières, Vladimir ignore ses supplications. Le petit-fils d’Elena, Sacha, en échec scolaire, traîne avec des voyous. Frank incite Elena à demander de l’argent à son riche mari pour inscrire Sacha dans une école privée, mais Vladimir refuse. Elena concocte alors un plan pour trouver malgré tout l’argent.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur l’adaptation de cette histoire qui, initialement, est un film?

Myriam Muller. – «C’est en fait la troisième fois que j’adapte un scénario au théâtre. D’abord avec “Blind date”, puis avec “Breaking the Waves” et maintenant avec “Elena”, dont le scénario original est d’Oleg Neguine et Andreï Zviaguintsev. En tant que metteur en scène, je suis une éponge à ce qui m’entoure, surtout lorsque je suis en période de recherche de sujet. Je peux être attirée par un livre, une pièce de théâtre ou un film. J’avais vu le film “Elena” en 2019 et il m’avait fait une forte impression. Je l’avais gardé dans un coin de ma tête pour plus tard. Entre temps, le sujet de ce film est venu faire écho au film “Jeanne Dielman 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles” de Chantal Ackerman et à d’autres. “Elena” a une trame dramaturgique forte et cette question de l’aliénation de la femme m’a beaucoup interpelée. Cette histoire me permet aussi de poursuivre des thèmes qui me sont chers, comme les questions de genre et de classe sociale, puisque brassent des sujets comme le déterminisme social, les confrontations homme-femme et intergénérationnelles, ainsi des sujets actuels tels que la société individualiste, mue par l’argent et le confort personnel.

À quel point la pièce de théâtre est-elle différente du scénario original?

«D’une manière générale, je ne monte jamais les pièces telles qu’elles ont été écrites. Pour “Songes d’une nuit…” par exemple, je suis passée de 20 personnes à 10, de 6h de représentation à 2h. La part d’adaptation est toujours très forte. “Elena” ne déroge pas à cette règle. Le scénario ne comprend que très peu de mots. J’ai donc dû ajouter du texte, que j’ai écrit moi-même. Cela m’a permis d’introduire des interrogations supplémentaires, en particulier pour l’un des personnages, interrogations qui sont surtout d’ordre anthropologique, mais aussi social. Ce questionnement permet d’aller plus loin dans la réflexion de parallélisme qui peut se faire entre les hommes et le monde animal et végétal.

Vue du plateau, lors des répétitions. (Photo: Bohumil Kostohryz)

Vue du plateau, lors des répétitions. (Photo: Bohumil Kostohryz)

La vidéo a aussi une présence importante dans cette pièce, pouvez-vous nous en dire plus? «J’aime voir les comédiens de très près. Je pense que c’est aussi lié à ces années passées au Centaure (théâtre que Myriam Muller dirige depuis 2014, ndlr), qui est un petit théâtre, et où la proximité avec les comédiens est forte. La vidéo permet cela, même si on est dans une grande salle comme celle du Grand Théâtre. La vidéo est aussi un médium parfaitement adapté à notre époque. Cette approche visuelle est surtout utilisée pour un des personnages, mais c’est aussi un excellent moyen d’étendre les limites de la scène. En vidéo, on peut faire apparaître les coulisses, la cantine du théâtre, ou tout autre décor. Les possibilités deviennent sans fin. Et je m’en sers aussi comme d’une métaphore.

Il est possible d’avoir une lecture multiple des questions qui sont posées dans cette pièce. Cela a-t-il été un enjeu supplémentaire pour vous de ne pas favoriser l’une plus que l’autre?

«Certainement, et ma volonté était de laisser respirer tous les points de vue. Toutefois, je suis bien consciente que chaque spectateur vient au théâtre avec son propre point de vue, son opinion. Mais il m’importait de donner la chance à chaque voix de s’exprimer.

 Alexandre Trocki interprète Vladimir et Nicole Dogué, Elena. boshua

 Alexandre Trocki interprète Vladimir et Nicole Dogué, Elena. boshua

Vous êtes aussi artiste associée cette année aux Théâtres de la Ville de Luxembourg. Quelles sont vos ambitions par rapport à cette invitation?

«Tout d’abord de rendre hommage à la confiance que m’accordent les Théâtres de la Ville de Luxembourg et aux moyens qu’ils me donnent pour travailler. C’est une grande chance. Mais j’essaie d’aller de pièce en pièce tranquillement, sans me mettre trop de pression. C’est aussi pour moi l’occasion de travailler avec des comédiens formidables, qui viennent d’un peu partout. J’ai l’habitude de travailler avec des groupes mélangés, composés à la fois de personnes avec qui je travaille depuis plusieurs années et de nouvelles personnes. Cela permet à chaque fois de renouveler les propositions, d’avoir quelque chose d’inédit, tout en conservant une forme de continuité. C’est la même chose pour les techniciens qui font un travail formidable. Ensemble, nous construisons quelque chose qui va au-delà du moment de la représentation. J’aime retrouver cet esprit de troupe qui m’est si cher quand je ne suis pas metteuse en scène, mais comédienne.»

Jeudi 28 et samedi 30 septembre à 20h

Dimanche 1er octobre à 17h

Mardi 3, mercredi 4, jeudi 5 et vendredi 6 octobre à 20h