Avec ses trois marques, la fintech luxembourgeoise MyBucks proposait des produits bancaires et d’assurance dans neuf pays africains et deux pays européens. Une stratégie très chère au regard des clients séduits. (Photo: Shutterstock)

Avec ses trois marques, la fintech luxembourgeoise MyBucks proposait des produits bancaires et d’assurance dans neuf pays africains et deux pays européens. Une stratégie très chère au regard des clients séduits. (Photo: Shutterstock)

Meilleure fintech d’inclusion financière en Europe en 2017 et au Luxembourg en 2018, MyBucks est en faillite depuis Noël dernier. Le dernier CEO de la fintech luxembourgeoise, Tim Nuy, étant parti en juin 2020 sur ce qu’il appelle «une restructuration réussie», il ne reste que le banquier star d’Afrique du sud, George Manyere.

Tim Nuy a-t-il réussi, ou pas? Le 27 juillet 2020, le Néerlandais résidant à Singapour quitte ses fonctions de CEO de MyBucks, la fintech luxembourgeoise, maison mère de GetBucks, GetSure et MyBucks Banking Corporation. Avec le sentiment du devoir accompli, explique-t-il sur son profil Linkedin, dans le style télégraphique des CV du réseau social professionnel.

«Nommé pour diriger une recapitalisation de la dette de la société, ainsi qu’une restructuration complète de la gouvernance. Achèvement réussi d’une restructuration de l’entreprise grâce à un programme de réduction du personnel, la nomination de nouveaux administrateurs au niveau du groupe et des filiales, la réduction des coûts opérationnels et la vente d’activités non essentielles. A conclu une recapitalisation de la dette de 65 millions d’euros permettant à la société de revenir à des fonds propres positifs à partir d’une position de fonds propres négative de plus de 40 millions d’euros lors de sa nomination. Au total, la dette de la société holding a été réduite de 108 millions d’euros à environ 25 millions d’euros sous ma direction (dont environ 13 millions d’euros sont soumis à des accords de paiement restructurés avec succès).»

Les pompiers les plus importants qui ont apporté ces 65 millions d’euros sont, dans l’ordre, la sud-africaine Ecsponent Treasury Services (27,8 millions d’euros), SureChoice Botswana (13,67), Leighlinbridge, en direct des îles Vierges (12), Infinitum depuis Malte (8,2) ou encore TLG Credit Opportunities depuis les îles Caïmans (500.000 euros).

George Manyere seul aux commandes

Qui sont ces généreux donateurs qui ont, en même temps, remis 65 millions d’euros dans l’aventure en laissant la société avec une dette de 25 millions d’euros et en ayant réduit la voilure de ses activités qui ont séduit moins de 400.000 clients sur six pays africains? La première est une filiale à 100% d’Afristrat, un consortium sud-africain dirigé par un banquier africain superstar, George Manyere… mais contraint, par le régulateur financier de Zambie, de quitter MyBucks Zambie, comme son directeur, Barkat Ali, pour avoir accordé un crédit de 10 millions de dollars à une amie contre l’achat différé d’un bien de 5 millions de dollars. Explication qu’il conteste malgré que les médias ont publiés.

Comme Afristrat est aussi propriétaire à 50% de SureChoice Botswana, l’homme détient aujourd’hui à peu près 43% des actions du groupe luxembourgeois, selon un autre document interne, contre 12% pour les investisseurs européens (Infinitum Financial de Gerd Alexander Schütz et Apeiron Investment Group qui appartient au family office de Christian Angermayer). Un document qui passe sous silence le fait que 12,1 millions de dollars ont été apportés par celui que l’Agence anticorruption de Zambie a surnommé «le banquier gangster de Zambie», Rajan Mahtani… lequel se défend, lui aussi, de n’avoir jamais fait quoi que ce soit contre les intérêts du pays.

Depuis janvier, M. Manyere est le seul et dernier administrateur de la fintech superstar de la finance inclusive, placée en faillite la veille de Noël par le tribunal de commerce de Luxembourg pour insolvabilité. Deux des quatre administrateurs qui ont démissionné juste avant, Lutz Seebacher et Frédéric Bidet, se sont déjà relancés dans deux projets africains de finance inclusive:  pour le premier, qui rejoint donc le «nettoyeur» du groupe MyBucks, et Gozem, la super application africaine pour le second.

Au temps des jours heureux, la fintech luxembourgeoise créée en 2015 était devenue la première fintech africaine à être cotée à la Bourse de Francfort, recevait , et se voyait remettre le prix équivalent au Luxembourg des mains de Frank Roessig, de Telindus, pour Haraka, son application de microcrédit à partir d’un smartphone. Dans un mouvement inédit, MyBucks rêvait même d’appliquer les recettes africaines en Europe avec une filiale, au Luxembourg elle aussi, MyBucks Europe, qui regroupait les activités en Espagne et en Pologne. Dans le sud de l’Europe, les activités ont été interrompues et, à l’est, elles ont été revendues à Omnium Holding en juin 2019 pour la modeste somme de 30.000 euros.

MyBucks n’est pas viable

Les comptes de MyBucks, qui les clôture fin juin, n’ont pas été déposés en 2019-2020. Mais est clair sur le fait que, finalement, personne ne va contester la faillite du groupe luxembourgeois: «Une analyse approfondie de la situation financière après la restructuration a permis de constater que les perspectives futures de MyBucks en tant que véhicule d’investissement ne sont pas viables et ne fourniraient aucun résultat réaliste de valeur de retournement pour Afristrat dans le futur. Le Conseil a donc entamé un examen stratégique pour activement poursuivre la meilleure voie pour reconstruire la valeur des deux actifs restants dans MyBucks après le règlement de toutes dettes résiduelles, et de recapitaliser Afristrat afin de reconstruire son pôle services financiers et bancaires. Ce changement stratégique loin de MyBucks a abouti à la signature d’un ‘term sheet’ pour acquérir 100% de MHMK Services Financiers, comme indiqué dans la note sur les événements postérieurs aux états financiers annuels.»

On ignore ce que deviendra , accusés d’avoir falsifié les perspectives du groupe pour obtenir l’investissement de Ecsponent Treasury Services.

Il est toujours plus facile de relire des interviews a posteriori, mais . Elle annonce déjà toutes les difficultés à venir. «Les infrastructures sont si chères à [mettre en place] en Afrique, pour obtenir cette masse critique et cette échelle dont vous avez besoin pour justifier la mise en place d’infrastructures – je pense que cela [rend la situation] très difficile pour les acteurs entrant en Afrique. Je pense donc que les nouveaux titulaires qui s’installent en Afrique ont besoin de beaucoup d’investissements derrière eux», y explique le Sud-Africain, en détaillant pourquoi les licences bancaires nécessaires en Afrique ont besoin d’être cotées quelque part. Et plutôt en Europe continentale qu’à Londres, à cause du Brexit.

M. Manyere, contacté via les adresses e-mail de la start-up, qui a quitté la Lhoft pour un bureau à Spaces au 5, place de la Gare, n’a pas donné suite à nos demandes de précisions. La société reste, en tout cas, la fintech superstar de la finance inclusive qu’elle était pour les promoteurs d’InFiNe, le nouveau réseau de la finance inclusive au Luxembourg, qui avaient préparé leur «mapping» avant Noël.