Ces dernières années, la pression réglementaire n’a cessé de croître pour les acteurs du secteur financier. Afin de pouvoir répondre à un ensemble de nouvelles exigences, les banques, sociétés de gestion et prestataires de services financiers ont considérablement dû renforcer leurs équipes «compliance». Celles-ci doivent notamment collecter une multitude de données et réaliser de nombreuses vérifications, notamment pour s’assurer de la légitimité de leurs clients ou encore des structures dans lesquelles investir. «Le défi réglementaire est un enjeu clé pour l’ensemble des acteurs de la finance au Luxembourg. La pression réglementaire augmente en permanence, avec des exigences renforcées en matière d’AML/KYC ou encore autour de l’ESG», explique Hind El Gaidi, présidente de l’initiative Catapult: Future Foundation, par ailleurs à la tête du bureau luxembourgeois du gestionnaire d’actifs ICG.
Un enjeu de compétitivité
Ces exigences pèsent sur l’efficacité opérationnelle des acteurs du marché ainsi que sur leurs marges. «Chacun d’entre eux doit en effet s’assurer d’être en ligne avec les attentes des régulateurs locaux ou internationaux. Or, la mise en œuvre des mesures destinées à garantir la conformité implique de mobiliser des ressources toujours plus importantes et soulève des questions de rentabilité. Et plus les produits proposés seront complexes, plus les coûts liés à la réglementation seront importants», commente Hind El Gaidi. «Au-delà émane la question de l’attractivité des produits d’investissement luxembourgeois. Plus largement encore, les exigences réglementaires pèsent sur la compétitivité des produits financiers européens dans le monde.»
Soutenir des approches mutualisées
Pour le Luxembourg, deuxième centre de fonds d’investissement le plus important au monde, trouver des solutions pour mieux répondre aux enjeux réglementaires est devenu un sujet crucial. Il en va de l’attractivité de la place financière. «En partant du constat que ces réglementations s’appliquent souvent de la même manière à l’ensemble des acteurs d’une même chaîne de valeur, l’idée est de pouvoir mutualiser certaines démarches», poursuit la présidente de Catapult: Future Foundation.
Par exemple, un gestionnaire d’actifs va devoir collecter et maintenir à jour un ensemble de données liées à ses clients et aux structures avec lesquelles il travaille. Son dépositaire ou son agent de transfert va lui aussi devoir obtenir un ensemble d’informations similaires. Tous vont devoir régulièrement en rendre compte aux autorités de surveillance. Le modèle actuel atteint ses limites. «Alors que la réglementation croît, il devient de plus en plus difficile de recruter du personnel pour effectuer ces missions de collecte d’information et de vérification. Les équipes de compliance, en outre, passent encore beaucoup de temps sur le pur traitement de données», commente Hind el Gaidi.
Accéder aux données depuis une plateforme unique
«Une des solutions envisagées est de permettre à chacun d’accéder plus facilement aux données au départ d’une seule source, d’une plateforme commune. Cela peut paraître trivial, mais cela doit contribuer à faciliter considérablement la gestion de la conformité», poursuit la présidente.
Une telle plateforme permettrait de décloisonner la gestion de l’information, en la confiant à un acteur central. Une information collectée et vérifiée une première fois pourra alors être plus facilement partagée avec d’autres acteurs. «On peut de cette manière éviter de tous devoir mener les mêmes opérations, dans le but de réduire les coûts et gagner en compétitivité», assure Hind El Gaidi.
Une plateforme à créer et enrichir
L’initiative Catapult: Future Foundation s’est donné pour objectif de faciliter la mise en place de cette plateforme. D’ici la fin du mois novembre, elle lancera un appel à candidatures afin d’identifier des acteurs à même de la développer et de proposer une solution qui facilite l’on-boading des investisseurs institutionnels et les opérations de due diligence pour l’ensemble du secteur financier.
«C’est une première étape. L’idée est de progressivement enrichir cette plateforme avec d’autres fonctionnalités, qui répondent à d’autres enjeux de la place financière», poursuit Hind El Gaidi. «Cependant, la mise en œuvre de cette solution implique de résoudre de nombreuses questions, qu’elles soient techniques, de sécurité, de gouvernance ou encore liées au modèle économique. Il est essentiel de pouvoir garantir la robustesse d’une telle plateforme. Dans un premier temps, il s’agit d’identifier les acteurs, de les rassembler, afin d’envisager concrètement comment avancer et mettre en place un proof of concept.»
Diversifier la boîte à outils luxembourgeoise
Cette plateforme doit en effet pouvoir répondre aux besoins de l’ensemble des acteurs de l’écosystème financier, en commençant par les gestionnaires d’actifs. Elle devrait contribuer à renforcer l’attractivité de la place luxembourgeoise. «Le Luxembourg est apprécié des acteurs de la finance pour sa boîte à outils diversifiée. La volonté est de l’enrichir, en ajoutant une composante technologique au panel de solutions légales que propose le Grand-Duché», explique Hind El Gaidi. De cette manière, Luxembourg pourrait efficacement répondre aux enjeux de conformité et continuer à aller de l’avant en renforçant son attractivité.