Issue de l’Université de Genève, MPC Therapeutics est sans doute la société de biotechnologie la plus luxembourgeoise de Suisse. Sa spécialité: les mitochondries, ces petites structures que l’on trouve dans presque toutes les cellules vivantes et qui transforment les nutriments de notre alimentation en ATP, une molécule qui sert de vecteur d’énergie. Bien qu’indispensables au bon fonctionnement des cellules, les mitochondries restent des cibles thérapeutiques largement inexploitées.
Fondée en 2020 par Raphaël Martinou, sur la base de découvertes pionnières de son père, le professeur Jean-Claude Martinou, aujourd'hui directeur scientifique de la société, MPC Therapeutics a su transformer une avancée scientifique majeure en une aventure entrepreneuriale. En 2012, Jean-Claude Martinou a identifié la structure moléculaire du transporteur mitochondrial du pyruvate (MPC), ouvrant la voie à des recherches prometteuses. Le MPC agit comme un «portier» qui régule l’entrée du pyruvate, une molécule dérivée du glucose, dans la mitochondrie, où il est converti en ATP. Cette découverte a ouvert des perspectives inédites dans le traitement de certains cancers, de troubles métaboliques et de maladies neurodégénératives. MPC Therapeutics ambitionne de développer des thérapies innovantes pour répondre à des besoins médicaux critiques.
Raphaël Martinou, diplômé de l’Imperial College de Londres et de Sciences Po Paris, a commencé sa carrière dans l’industrie, notamment chez Air Liquide, où il s’est consacré à la recherche et à l’innovation pendant près de dix ans. Il a notamment contribué à la recherche sur l’hydrogène comme vecteur énergétique et à la conception d’un dispositif médical innovant pour les hôpitaux.
La majorité des actions de MPC Therapeutics sont détenues par des résidents luxembourgeois.
«Le projet de start-up a vu le jour en 2020 lorsque j’ai saisi l’opportunité de m’installer au Luxembourg suite à la mutation de ma femme. Nous y résidons désormais avec nos enfants. Aujourd’hui, la majorité des actions de MPC Therapeutics sont détenues par des résidents luxembourgeois», précise-t-il.
Depuis sa création, MPC Therapeutics a su faire face au défi du financement. «Lever des fonds suffisants pour soutenir la recherche et l’innovation de rupture a été un défi majeur. Nous sommes aussi la première entreprise suisse à être incubée chez Johnson&Johnson», indique Raphaël Martinou.
Trois grands domaines de recherche
Grâce à des business angels, MPC Therapeutics a développé et breveté de petites molécules chimiques capables d’inhiber le MPC. Pour l’heure, elle concentre ainsi sa recherche sur trois domaines clés: l’immunothérapie, la fibrose et les maladies neurodégénératives. En immunothérapie, elle a découvert que sa molécule permet de rajeunir certains types de cellules immunitaires, optimisant ainsi les traitements CAR T contre certains cancers, comme les lymphomes et les leucémies. Les thérapies CAR T consistent à modifier génétiquement des lymphocytes T pour qu’ils reconnaissent et attaquent spécifiquement les cellules cancéreuses. Chez la souris, les CAR T traitées avec cette molécule ont montré un taux de guérison de 100% dans un modèle de leucémie, contre 40% pour les thérapies actuelles. «C’est spectaculaire et porteur d’espoir!», s’exclame le co-fondateur de la start-up.
Le deuxième domaine de recherche concerne la fibrose, une affection grave qui provoque une modification de certains tissus pouvant entraver le bon fonctionnement des organes comme le foie, le rein ou les poumons. «Chez la souris, nos molécules ont réduit significativement l’inflammation et la fibrose, suggérant un potentiel thérapeutique pour traiter des maladies fibrosantes», explique Raphaël Martinou, enthousiaste face aux perspectives de cette recherche.
Enfin, le troisième domaine clé de recherche se focalise sur les maladies neurodégénératives, comme Alzheimer. «En collaboration avec le laboratoire du Prof. Marlen Knobloch, à Lausanne, nous avons montré que nos molécules stimulent la production de nouveaux neurones chez les souris. Cela ouvre des perspectives intéressantes pour le traitement des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer. Ces résultats, publiés récemment, ont déjà suscité l’intérêt de grandes entreprises pharmaceutiques», ajoute-t-il.
Partenariat avec le Lih et levée de fonds à venir
«Aujourd’hui, notre vision est de positionner MPC Therapeutics comme la première entreprise mondiale spécialisée dans les thérapies ciblant le MPC. «Nous nous appuyons sur notre expertise approfondie de la biologie de la mitochondrie pour développer des thérapies transformatrices qui répondent à des besoins médicaux critiques. Notre objectif ultime est d'améliorer la qualité de vie des patients», explique Raphaël Martinou.
Au Luxembourg, les travaux du professeur Dirk Brenner du Luxembourg Institute of Health sont étroitement liés aux recherches de MPC Therapeutics. L’immunologiste travaille à relier les principes moléculaires métaboliques à la régulation des maladies inflammatoires et du cancer.
Un contrat de collaboration a ainsi été mis en place cet été et MPC Therapeutics mettra à disposition du professeur Brenner sa molécule propriétaire inhibant le MPC. Son équipe pourra ainsi étudier le potentiel de cette molécule sur la progression d’autres maladies comme la sclérose en plaques. Il est également prévu de tester la molécule dans d’autres contextes de maladie, comme pour les infections (virales ou bactériennes) ou le mélanome.
Dans l’écosystème biotech au Luxembourg, il manque la présence d’investisseurs institutionnels en sciences de la vie et des grandes entreprises pharmaceutiques qui attirent des talents spécialisés.
Une collaboration qui pourrait conditionner le devenir de la start-up… «Si les premiers résultats, attendus pour 2025, s’avèrent concluants, MPC Therapeutics pourrait développer une filiale luxembourgeoise pour poursuivre ses recherches cliniques», prévoit Raphaël Martinou.
À court terme, la start-up prévoit de générer ses premiers revenus en 2025, grâce à la commercialisation de sa molécule via des licences dans le cadre des thérapies CAR T contre le cancer. Parallèlement, l’entreprise envisage d’entrer en phase d’essais cliniques pour tester l’efficacité de ses composés sur les patients, tout en préparant une nouvelle levée de fonds pour maintenir son avance technologique face à la concurrence internationale.
Elle envisage aussi de lever de nouveaux fonds prochainement pour lui permettre de «maintenir l’avance technologique face à la concurrence américaine et chinoise. Nous allons ouvrir notre capital à des business angels qui souhaitent contribuer à notre aventure, notamment au Luxembourg», annonce Raphaël Martinou.
Il porte un regard positif sur l’écosystème luxembourgeois: «Le secteur biotech au Luxembourg est encore en phase de développement, il progresse rapidement mais il manque encore d’investisseurs institutionnels et des grandes entreprises pharmaceutiques, des éléments essentiels pour attirer des talents et développer l’innovation.»