«L’année 2024 a été marquée par le succès des grands fonds, qui ont réussi à lever des montants significatifs de capitaux, tandis que la période a été plus compliquée pour les fonds moins établis», a déclaré Karim Boussetta, directeur régional France & Benelux chez Moonfare, lors d’une interview en ligne le 21 février 2025.
Le deal-making a ralenti, une conséquence directe de la hausse des taux d’intérêt amorcée en 2022, passée «de 0% à 4%, puis 5%».
Un macro-environnement qui a rebattu les cartes
D’autre part, Karim Boussetta explique que l’environnement de taux d’intérêt élevés constitue un terrain fertile pour les co-investissements, permettant aux limited partners (LPs) d’investir aux côtés des general partners (GPs) dans une société sans avoir à supporter le fardeau d’une augmentation des coûts de la dette, les co-investisseurs remplaçant les créanciers en apportant des fonds propres.
Bien qu’ils ne représentent qu’une petite partie du marché total du capital-investissement (1,5% selon Karim Boussetta), les fonds secondaires offrent des avantages tels que la génération de liquidités et la possibilité d’acheter des actifs avec une décote. Malgré la hausse des taux d’intérêt et la volatilité macroéconomique, il souligne que certains GP parviennent à lever des capitaux pour des fonds secondaires, comme Lexington X (22,7 milliards de dollars en 2024) et ASF IX d’Ardian (30 milliards de dollars en 2025), ce qui témoigne d’une forte demande du marché pour ce produit.
Un rôle accru dans l'espace d'investissement privé
Karim Boussetta indique que Moonfare entretient des relations avec de nombreux investisseurs privés et a facilité plus de 100 cycles de collecte de fonds. L’entreprise gère actuellement 3,5 milliards d’euros d’actifs, provenant de clients privés et de family offices.
Pour tirer parti de son réseau et de la tendance croissante des investisseurs à quitter le marché public au profit d’actifs privés, Moonfare opère un changement stratégique, passant du statut de plateforme à celui de gestionnaire d’investissement. Dans cette optique, elle lance un fonds secondaire (30 millions d’euros d’actifs sous gestion), suivi d’un fonds de continuation.
Ce repositionnement s’appuie sur son accès privilégié aux transactions, rendu possible grâce à un vaste réseau de general partners (GPs).
Spécificités des fonds
Le fonds secondaire a été conçu comme un fonds permanent, c’est-à-dire une structure semi-liquide avec un seul appel de capital et une période de blocage de 18 mois. Il est dédié à l’investissement dans des actifs secondaires, classés en transactions dirigées soit par des limited partners (LPs), soit par des general partners (GPs).
Karim Boussetta précise que les transactions menées par les GPs concernent souvent des fonds de continuation, qu’ils soient mono ou multi-actifs. Le rendement annuel visé se situe entre 12 et 15%. Il souligne qu’une entreprise avec un fort potentiel d’activité et de performance est généralement un actif qu’un GP ne souhaite pas vendre, ce qui en fait un candidat idéal pour un fonds de continuation à actif unique.
Il explique également que les frais de gestion sont souvent inférieurs à ceux des fonds de private equity classiques afin d’aligner au mieux les intérêts des parties prenantes. Ainsi, le carried interest (intéressement aux performances) n’est parfois cristallisé qu’au moment de la vente de l’actif.
D’un autre côté, les secondaires dirigés par des LPs proviennent généralement d’investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension ou les compagnies d’assurance, qui cherchent à vendre leurs participations dans des fonds. Ces transactions s’effectuent souvent à prix réduit, en raison de contraintes de ratio d’investissement privé.
Le Moonfare Secondary Fund vise une répartition équilibrée (50/50) entre les opérations menées par les LPs et celles dirigées par les GPs. La structure des frais est d’environ 1,5% de frais de gestion et 10% de carried interest.
Lancement d’un fonds de co-investissementEn parallèle du fonds secondaire, Moonfare a lancé un fonds de co-investissement à capital fixe, qui a levé environ 40 millions d’euros en trois mois et ambitionne d’atteindre 80 millions d’euros d’actifs sous gestion.
Ce fonds vise un taux de rendement interne (TRI) d’environ 20% et un ratio de distribution par rapport au capital versé de 2,4x. Moonfare applique une commission de gestion de 1% et un carried interest de 10% au-delà d’un seuil de 8%.
En concurrence avec d'autres GPs sur leur plateforme ?
Moonfare propose également des fonds secondaires émanant d’autres partenaires. Toutefois, l’entreprise ne les considère pas comme des concurrents, car elle a levé des capitaux pour ses propres fonds, qui sont des fonds fermés. «C’est la première fois que nous lançons un fonds evergreen sur notre plateforme», déclare Karim Boussetta.
Investisseurs visés
Actuellement, ces fonds s’adressent principalement au segment patrimonial, ciblant les investisseurs disposant d’un patrimoine supérieur à 500.000 euros et d’une expérience professionnelle.
Par ailleurs, Karim Boussetta estime que les fonds evergreen gagnent du terrain face aux fonds fermés. Les avantages des fonds evergreen, tels que la possibilité d’investir immédiatement et l’accès à des liquidités périodiques, contrastent avec la structure rigide des fonds fermés, qui sont entièrement investis et fonctionnent selon des cycles de vie prédéfinis.
«Il y a toujours eu une prime d’illiquidité pour le capital-investissement. Comme le fonds evergreen détient une position de trésorerie d’environ 5%, il permet de résoudre ce problème.»
Un fonds d’investissement européen à long terme (Eltif) n’est pas une priorité pour Moonfare à ce stade.
Cet article a été rédigé initialement en anglais, traduit et édité pour le site de Paperjam en français.