Breitling Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Breitling Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Fin connaisseur de l’horlogerie haut de gamme, Bernard Hertoghe est aujourd’hui à la direction de la filiale Belux de Breitling. La marque vient d’ailleurs d’ouvrir une boutique à Luxembourg. L’occasion d’une rencontre pour mieux connaître cette marque qui connaît un succès florissant.

Que portez-vous au poignet?

Bernard Hertoghe. – «La Chronomat, une montre lancée en 1984 et dessinée initialement pour les pilotes de l’équipe de voltige de l’armée de l’air italienne. Elle est caractéristique de Breitling, avec un bracelet rouleau et une lunette avec des cavaliers, comme cela se faisait beaucoup dans les années 1980-90.

Le monde de l’aviation, c’est un des traits d’identité de Breitling?

«Oui, mais pas seulement. Dans les années 1930, nous avons effectivement élaboré des instruments de bord. En 1952, nous avons lancé la Navitimer, conçue pour les pilotes d’avion. Breitling a une image fortement liée à l’aviation parce que c’était aussi la passion des deux anciens propriétaires – Ernest Schneider, qui avait racheté la marque dans les années 1970, et son fils Théodore Schneider, qui avait pris sa succession. Ils étaient tous deux pilotes et avaient orienté la communication de la marque dans cette direction.

Mais Breitling a toujours fait d’autres types de montres.

«Effectivement. Par exemple, en 1957 a été lancée la Superocean, une montre étanche à 200m. Quand Georges Kern est arrivé à la direction de Breitling en 2017, il a repositionné la marque autour de trois domaines: l’air, la terre et la mer, en s’appuyant sur le patrimoine de Breitling. Il est allé rechercher un certain nombre de modèles historiques et les a remis au goût du jour. Cela a été le cas pour la Premier des années 1940, la Top Time et la Superocean des années 1960. Aujourd’hui, nous sommes devenus une marque généraliste. Et pas seulement un fabricant de montres pour homme, imposantes, pensées pour les pilotes.

Nous sommes sérieux, mais nous ne nous prenons pas au sérieux.
Bernard Hertoghe

Bernard HertogheCEOBreitling

Les montres Breitling sont «Swiss-made». Mais à l’heure de la mondialisation, qu’est-ce que cela signifie?

«100% de nos mouvements et de nos montres sont faits en Suisse. On a évidemment des bracelets, notamment en cuir, ou des pièces secondaires d’habillage qui nous viennent d’ailleurs. Nous avons une manufacture à La Chaux-de-Fonds où nous fabriquons nos mouvements. Nous vendons par exemple notre mouvement Chronomat Automatic à Tudor et nous lui achetons son mouvement trois aiguilles automatiques, que nous retravaillons chacun à notre manière. Il faut savoir aussi que 100% de nos mouvements sont certifiés COSC, qui est un contrôle de chronométrie. Nous ne sommes pas les seuls à le faire, mais nous sommes les seuls à avoir 100% de nos mouvements certifiés.

Quelle place occupe l’artisanat dans la fabrication des montres Breitling?

«Nous sommes dans un processus semi-industriel, ce qui est lié aussi aux volumes que nous produisons. Nos propres mouvements sont montés à la main, mais nous nous aidons bien entendu de machines. Nous travaillons aussi avec le mouvement 7750 de Valjoux, que nous démontons entièrement, avant de l’adapter à nos besoins et de le remonter. Il y a toujours une appropriation, une adaptation propre à Breitling. Nos bracelets et boîtiers, comme partout dans cette industrie, sont faits par des spécialistes. Dans la volonté de rester indépendants, nous avons développé notre propre mouvement, le B01, et nous sommes aussi en train de développer un mouvement trois aiguilles. Le but à terme est de travailler uniquement avec nos propres mouvements.

La traçabilité est un sujet important aujourd’hui pour beaucoup de clients. Quelle forme prend-elle chez Breitling?

«Cela concerne principalement deux matières: l’or et les diamants. Pour l’or, nous travaillons avec l’association Swiss Better Gold, qui trace notre matière première. Nous ne sommes pas encore 100% ‘Better Gold’, mais tous nos nouveaux produits le sont, et d’ici 2025, nous avons l’ambition de l’être. Pour le diamant, notre positionnement a choqué certains. Je m’explique: nous avons pris la voie du diamant fait en laboratoire. Le processus est le même que le processus naturel, mais il est réalisé de manière accélérée. On a la même pureté et qualité que des vraies pierres, mais comme il est fait en laboratoire, nous savons exactement d’où il provient. Nous avons estimé qu’utiliser ce type de diamants nous convenait, car nous ne sommes pas joaillier, et nos diamants sont décoratifs et souvent de petites pierres.

Comment vous positionnez-vous sur le marché? Quelle est la stratégie de développement commercial de Breitling?

«Nous sommes une marque généraliste, avec un vaste choix de montres – classiques, sportives, pour homme, pour femme – toujours légitimes et s’appuyant sur notre histoire. Nous voulons proposer une montre de luxe inclusive, relax et durable. Les personnes qui entrent dans nos boutiques doivent se sentir à l’aise, accueillies comme à la maison. Nous mettons tout en œuvre pour que les clients, en sortant de nos boutiques, gardent un très bon souvenir de leur visite. Nous sommes sérieux, mais nous ne nous prenons pas au sérieux.

Avant l’ouverture de la boutique Breitling, la marque était présente chez des distributeurs multimarques. Quelles interaction et relation avez-vous avec eux?

«L’objectif de l’ouverture d’une boutique Breitling n’est pas d’aller prendre la part du gâteau des autres, mais d’agrandir le gâteau. Nous travaillons très bien avec la famille Kayser et Lionel Windeshausen, ce sont des amis partenaires. Sur notre réseau de 260 boutiques, 40% sont des boutiques internes, ce qui signifie que la plupart de nos boutiques sont gérées par des partenaires. Au Luxembourg, cela ne s’est pas présenté ainsi. Nous avons lancé une boutique interne, mais nous avons des relations très fortes avec nos partenaires locaux. Et nous travaillons tous avec le même objectif: vendre une montre Breitling et partager les mêmes valeurs.

Vous parliez tout à l’heure de l’importance de l’accueil. Pouvez-vous nous présenter le concept d’aménagement de la nouvelle boutique?

«Le concept développé ici est celui du loft industriel à la new-yorkaise, avec des matières premières nobles et brutes, du bois, des briques, du métal. Nous avons bien évidemment des touches de jaune, couleur de la marque. Pour retrouver cette notion d’inclusivité dont je vous parlais tout à l’heure, nous évitons le sas d’entrée et avons un bar, un canapé, des fauteuils confortables. C’est chaleureux et rétro-moderne. Nous préférons devoir demander à nos clients de partir à l’heure de la fermeture plutôt que de voir des personnes hésiter à entrer à cause d’une atmosphère froide et peu accueillante.

Sur les trois meilleurs points de vente Belux, deux sont luxembourgeois.
Bernard Hertoghe

Bernard HertogheCEOBreitling

Comment se place le Luxembourg à l’échelle européenne au niveau des ventes?

«Vous imaginez bien qu’en termes de volume de vente, le Luxembourg est loin derrière d’autres marchés, mais il est très bien placé pour le nombre de montres par habitant. C’est un marché incroyable. La qualité de nos clients et leur niveau de connaissances sont tout à fait étonnants. Il y a une vraie passion pour les beaux objets, pour la tradition. C’est d’autant plus un bon marché que la TVA y est moindre et que nous attirons aussi une clientèle régionale. Cela en fait une pépite sur la carte européenne. Sur les trois meilleurs points de vente Belux, deux sont luxembourgeois.

Quelle est la part de la vente en ligne sur vos volumes de vente?

«Cela reste très marginal. Mais cela dépend du marché. Les États-Unis et la Grande-Bretagne en sont plus friands. Au niveau Belux, c’est très anecdotique, parce que la proximité des points de vente favorise la vente physique. Internet peut être avantageux si vous pouvez acheter moins cher. Mais pour nos montres, que vous achetiez en ligne ou en boutique, le prix est le même. Donc beaucoup de personnes préfèrent se déplacer dans nos points de vente, découvrir les montres en vrai, profiter du conseil de nos équipes et avoir la possibilité de passer la montre au poignet.

Quel est le profil d’un client Breitling?

«Il faut bien entendu qu’il y ait déjà un certain pouvoir d’achat, mais, grâce à la diversité des produits que nous proposons, notre clientèle commence dans la jeune trentaine et n’a pas de limite. Avec les différents matériaux, la variété des tailles et les gammes de prix, nous pouvons nous adresser à une large clientèle. Cela reste une clientèle quand même plutôt masculine, puisque plus de huit montres sur dix sont vendues à des hommes, mais nous travaillons à toucher une clientèle aussi féminine. C’est certainement sur ce segment que nous avons la plus belle marge de progression à faire. J’ai envie de dire: si quelqu’un entre dans une boutique Breitling et ressort sans montre, c’est qu’il était venu nous demander son chemin.

Si quelqu’un entre dans une boutique Breitling et ressort sans montre, c’est qu’il était venu nous demander son chemin.
Bernard Hertoghe

Bernard HertogheCEOBreitling

Breitling était connue pour ses larges cadrans. Est-ce toujours une spécificité de la marque?

«Oui et non. Nous avons des montres dames qui commencent à 32-36mm et, pour les hommes, qui sont entre 38 et 46mm. Donc il y a encore de grosses montres, mais aussi des montres plus petites, plus classiques, plus fines. Breitling s’est aussi beaucoup ouverte aux marchés asiatiques et pour lesquels la tendance est aux montres plus petites.

Quel est le plus grand défi auquel Breitling doit faire face aujourd’hui?

«Son expansion. Sur la zone Belux, nous avons doublé le chiffre d’affaires en trois ans. Nous avons une machine de guerre incroyable, avec à nos côtés Georges Kern, un des plus grands professionnels de l’industrie horlogère. Nous avons beaucoup de chantiers en cours et grandir peut, à certains moments, présenter certains risques. Mais en termes de produits et de marketing, je suis très impressionné par la justesse de la direction prise. Nous devons actuellement être patients, car il y a un ralentissement économique, mais nous avons une voie royale devant nous.

Breitling vient de racheter une marque très importante dans l’univers horloger: Universal Genève. Pouvez-vous nous en dire quelques mots?

«Le rachat d’Universal Genève est prévu pour 2026. Il y aura une équipe de management indépendante de Breitling. Ce rachat représente une incroyable renaissance, car Universal Genève est une marque avec beaucoup de passion et d’histoire. La reprendre est une grande responsabilité. Mais si Georges Kern a réussi à redonner à Breitling une légitimité de produit face à ce patrimoine de 140 ans, je suis très confiant quant à ce qu’il va pouvoir faire avec Universal Genève. Et nous avons aussi une troisième marque en vue, plus abordable. Mais il est encore trop tôt pour en parler…»

Bio express

Bernard Hertoghe, Belge d’origine, a fait des études de marketing à l’EPHEC à Bruxelles. Après avoir travaillé pour Swatch Group, il devient, entre 1995 et 2014, distributeur officiel d’Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre et Vacheron Constantin sur la zone Belux. En 2003, il devient également distributeur officiel pour Breitling au Belux. Depuis 2021, il est le managing director de la filiale Breitling Belux.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de parue le 23 octobre. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

 

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