Magasins multimarques et boutiques monomarques ont leurs avantages et toute leur place dans le paysage dans le microcosme du marché horloger haut de gamme. (Photo: Maison Moderne)

Magasins multimarques et boutiques monomarques ont leurs avantages et toute leur place dans le paysage dans le microcosme du marché horloger haut de gamme. (Photo: Maison Moderne)

Les détaillants multi­marques ont longtemps été le modèle de distri­bution privilégié des manufactures horlogères. Cette position est désormais remise en cause par l’ouverture de magasins mono­marques. Les acteurs locaux passent en revue les deux options.

Le plus des relations interpersonnelles

Jacques Molitor, Directeur de la maison Molitor, a constaté cette évolution vers la distribution monomarque. Ce qui lui a d’ailleurs coûté la distribution d’une de ses marques horlogères. Mais il ne montre pas d’inquiétude par­ticulière face à cette concurrence. «Cette tendance est aussi survenue dans le secteur de l’automobile et on constate aujourd’hui un retour vers le multimarque. Ce retour peut être éventuellement motivé par l’objectif d’apporter à la clientèle un interlocuteur unique pour un choix et une gamme de produits plus larges, ce qui est intéressant sur un marché comme celui du Luxembourg qui est relativement petit, mais qui a le grand avantage, dans le commerce de détail, de pouvoir proposer une relation client personnalisée.» Pour continuer à exister, il mise sur le style d’une mai­son établie de longue date et qui a su développer avec ses clients des liens de confiance. «Beaucoup de clients préfèrent, surtout lorsqu’ils achètent une pièce de valeur, être conseillés et recevoir des propositions alternatives de montres par quelqu’un qu’ils connaissent. C’est quelque chose que l’on ne trouve pas dans les magasins multimarques.»

«Nous sommes le bras prolongé de la marque»

Managing director de Goeres Horlogerie. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Managing director de Goeres Horlogerie. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Robert Goeres gère à Luxembourg les magasins de deux des marques les plus prestigieuses de l’horlogerie suisse: Patek Philippe et Rolex. Le basculement vers le modèle monomarque, il l’a embrassé il y a une décennie maintenant. Et il l’assume. La question du meilleur modèle pour le consommateur? «Elle n’est pas tranchée», répond-il, évoquant les débats qu’il a eus avec ses confrères. Pour lui, ce basculement lui permet de pouvoir répondre aux attentes d’un client exigeant, de lui donner une vision à 360° de la marque. «Aujourd’hui, le client est un client averti, souvent grâce à internet. Il sait ce qu’il veut et a besoin d’avoir un spécialiste en face de lui. Pas pour le faire changer d’avis, mais pour affiner son choix.» La boutique monomarque est également un lieu où doit se refléter la philosophie et les valeurs de la marque, insiste-t-il. C’est pour ces deux raisons que tout le personnel reçoit des formations régulières. Des formations qui ne peuvent humainement pas se multiplier en fonction du nombre de marques en magasin.

«Nous sommes des chasseurs de références»

Benoît Lecigne, Général manager, les Ambassadeurs et Omega. (Photo: les Ambassadeurs)

Benoît Lecigne, Général manager, les Ambassadeurs et Omega. (Photo: les Ambassadeurs)

Benoît Lecigne a une position unique dans le microcosme du marché horloger haut de gamme. Il dirige un magasin multimarque – Les Ambassadeurs – et la boutique monomarque Omega. Les deux types de boutiques ont, pour lui, leurs avantages et toute leur place dans le paysage. Avec Les Ambassadeurs, il propose à sa clientèle des marques qui ont une histoire. Un magasin mono­marque ne peut proposer la même expérience, car il a un environnement plus contrôlé, plus codé. L’avantage réside dans le réassort automatique des mo­dèles. Ce qui est plus dur pour les magasins multimarques? «Ce n’est pas de vendre, c’est d’avoir les produits. Le bon magasin multimarque est celui qui est capable de faire ce travail avec ses fournisseurs.»

«Un appauvrissement du marché» 

Pierre Rossy, Directeur de Schroeder Joailliers 1877. (Photo: Schroeder Joailliers)

Pierre Rossy, Directeur de Schroeder Joailliers 1877. (Photo: Schroeder Joailliers)

L’éclosion des magasins monomarques, Pierre Rossy l’a anticipée. «Il y a 20-25 ans, un grand spécialiste qui conseille les grandes marques mondiales m’avait annoncé que, 25 ans après, les marques auraient d’abord racheté tous leurs sous-traitants, puis éliminé les distributeurs intermédiaires pour, à la fin, vous élimi­ner afin de vendre directement au consommateur final. Nous y sommes.» Comment s’y est-il préparé? En créant sa propre marque de montres il y a une dizaine d’années. Ce qui lui garantit une vraie indépendance. Pierre Rossy voit en tout cas cette évolution vers le concept monomarque comme un appau­vrissement du marché et une perte de choix pour le client.

Cet article a été rédigé pour  paru le 27 avril 2022 avec  

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