Pour faciliter le mouvement de fonds illicites et le blanchiment, certains délinquants ont recours à des «mules», recrutées bien souvent via les médias sociaux. Europol, avec l’appui de banques européennes, lance une nouvelle campagne pour lutter contre ce phénomène qui n’épargne pas le Luxembourg. (Photo: Shutterstock/Montage: Maison Moderne)

Pour faciliter le mouvement de fonds illicites et le blanchiment, certains délinquants ont recours à des «mules», recrutées bien souvent via les médias sociaux. Europol, avec l’appui de banques européennes, lance une nouvelle campagne pour lutter contre ce phénomène qui n’épargne pas le Luxembourg. (Photo: Shutterstock/Montage: Maison Moderne)

Europol vient de lancer la 9e édition de sa campagne European Money Mule Action (EMMA) pour lutter contre les money mules, ces personnes qui reçoivent de l’argent sur leur compte bancaire avant de le transférer à quelqu’un d’autre, en échange d’une commission. Le Luxembourg n’est pas épargné par cette pratique illégale. 

L’histoire commence toujours comme ça, ou presque: une annonce alléchante ressemblant à une offre d’emploi, ou une sollicitation, via les réseaux sociaux, propose d’encaisser sur son compte bancaire une somme d’argent avant de la transférer de nouveau à quelqu’un d’autre, moyennant une commission au passage. Dans certains cas, il s’agit de retirer de l’argent et de l’envoyer via des canaux alternatifs.

Sur le papier, l’offre peut paraître tentante, encore plus lorsque l’on a l’impression de courir un risque relativement faible. Après tout, qu’est-ce que cela coûte de faire transiter une somme d’argent sans en perdre, et même en en gagnant? Ces personnes, souvent jeunes, et pas toujours conscientes du risque qu’elles prennent, sont ce que l’on appelle des «money mules». Et ces dernières années, ces mules qui transportent de l’argent sont de plus en plus nombreuses à prendre part à cette forme de blanchiment illégal.   

Si elle est curieuse, la mule demandera d’où provient l’argent qu’elle accepte de faire transiter. Mais elle ne le saura jamais. Une chose est sûre, disent les autorités, c’est qu’il s’agit d’argent sale souvent généré par des activités criminelles. Presque rassurée, puisqu’elle n’est pas directement impliquée dans les activités criminelles en question, elle ignore généralement le fait que si la petite affaire est démasquée, elle se rendra coupable de complicité en fournissant une aide au blanchiment. «Il n’est généralement pas possible de retrouver l’escroc derrière le muling d’argent, en revanche, il est assez simple de retrouver la mule grâce à son numéro de compte», confirme l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL).

«Je ne savais pas» ne constitue donc pas un motif de défense. «Outre le gel des comptes bancaires et la saisie des fonds, les personnes poursuivies pour blanchiment risquent une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et/ou une amende de 1.250 euros à 1,25 million d’euros, ainsi que la confiscation obligatoire. Pour le cas où les avoirs ne peuvent être retrouvés, la confiscation peut s’appliquer sur d’autres biens appartenant à la personne condamnée à hauteur de la valeur des avoirs ayant transité sur le compte», rappelle la police. 

Depuis juin, 10.579 mules ont pu être identifiées, ainsi que 474 recruteurs à travers le monde, selon les données d’Europol. Au total, 1.013 individus ont été arrêtés pour ce type de faits. Cela représente quelque 10.736 transactions frauduleuses et environ 100 millions d’euros de pertes déclarées et 32 millions d’euros de pertes évitées. 

De quoi justifier cette nouvelle édition – la neuvième – de la campagne European Money Mule Action par Europol. Fondée sur le principe du partage d’informations, cette opération fédère 2.822 banques et institutions financières au niveau européen, dont la Fédération bancaire européenne ou encore l’ABBL ou BGL BNP Paribas pour le Luxembourg. Elles jouent un rôle-clé dans ce dispositif car elles ont le pouvoir de détecter les transactions suspectes et signaler les potentielles mules. 

Coup de filet en novembre

Le pays n’échappe pas à ce phénomène. Le rapport d’activité de la police luxembourgeoise indique qu’en 2022, «la section cybercrime fut confrontée à une campagne d’hameçonnage organisée et ciblée visant les clients de différentes banques luxembourgeoises et les utilisateurs du portail public Guichet.lu. Le recours à des money mules locales est une particularité à souligner dans le cadre de cette affaire.»

Le 27 novembre dernier, dix mules présumées ont été arrêtées pour blanchiment du produit d’activités criminelles résultant de fraudes commises dans le pays, a annoncé la police. La section anti-blanchiment du service de police judiciaire avait mené l’enquête en coopération étroite avec la cellule de renseignement financier.

Pour éviter de tomber dans le piège

Au Luxembourg, ces mules sont recrutées «principalement via Snapchat ou d’autres médias sociaux ainsi que des plateformes de messagerie. Souvent, il s’agit de jeunes personnes ou de personnes dans une situation financière précaire», précise la police. Et parce que les délinquants font toujours preuve de plus d’ingéniosité pour parvenir à leurs fins, ils ont diversifié leurs méthodes et tactiques d’approche pour recruter des mules. Au-delà des médias sociaux, les publicités en ligne, mais aussi les sites de rencontre peuvent également servir d’appât. Parfois même, ils jouent de leurs relations et connaissances pour recruter directement, en physique, ce qui s’avère pour eux plus efficace puisqu’ils gagnent plus facilement la confiance de leur mule. 

Parce que les mules sont parfois piégées, ou acceptent sans conscience des risques encourus, l’ABBL donne quelques conseils et informations à garder en tête, pour ne pas se retrouver mule malgré soi. «Avant de répondre (à une offre), assurez-vous que l’entreprise existe réellement. S’il s’agit d’une entreprise basée au Luxembourg, recherchez son nom au Registre du commerce», avertit l’ABBL avant d’ajouter: «Dans ce type d’arnaque, la personne finira toujours par vous demander vos coordonnées bancaires. Attention à ne jamais les partager», prévient-elle.