Jeffrey Drui, économiste. (Photo: DR)

Jeffrey Drui, économiste. (Photo: DR)

Dans le cadre de notre opération «Luxembourg Recovery: 50 idées pour reconstruire», partagez une idée concrète, une expérience ou une mesure à mettre en œuvre pour faciliter le rebond de l’économie luxembourgeoise. Aujourd’hui, Jeffrey Drui propose de libéraliser le système des transports au bénéfice des consommateurs.

Le pitch: Bien que la digitalisation ait remodelé des pans entiers de l’économie traditionnelle (agences de voyages, industrie musicale, presse, grande distribution et librairies), le Luxembourg ne voit pas à quel titre le transport et le secteur de la livraison ou du transport de marchandises devraient être libéralisés. Autrement dit, au nom de quoi les pouvoirs publics devraient-ils cautionner un monopole privé, notamment celui du lobby des taxis, ou un oligopole comme celui des entreprises de transport. Libéralisons le domaine du transport, au bénéfice des consommateurs, des petits restaurants et de l’image d’un vrai Silicon Luxembourg.

L’idée: La phénoménale accélération du digital n’épargne plus aucun métier. En effet, c’est un défi pour les dirigeants en place, confrontés à un risque croissant de perte de contrôle. Les technologies avancent, les législateurs et les régulateurs ne suivent pas la cadence.

Les plates-formes populaires sous forme d’applications mobiles, opérationnelles de San Francisco à Paris, ne sont pas présentes au Luxembourg en raison des règles strictes sur les taxis et les voitures de location avec chauffeur. Dans le cadre de la réforme des taxis, ces derniers ne peuvent opérer que dans de nouveaux terminaux sous licence avec un nombre limité de licences délivrées. Un autre exemple de l’obscurité de la loi luxembourgeoise sur les taxis: d’après la loi de 2016, le Luxembourg est divisé en six zones. C’est une des principales nouveautés de cette loi qui proposait auparavant 44 zones communales! Les taxis, n’ayant pas le droit d’accueillir des clients à l’extérieur de leur zone, retournent dorénavant vides dans leur zone de départ, sauf si un client fait signe au chauffeur de s’arrêter.

De plus, c’est le ministère des Infrastructures qui distribue un nombre maximal de licences pour chaque zone.

Un nouveau pilier du business des services de«ride-hailing» est d’étoffer leur offre de services aux entreprises et aux particuliers à domicile via une plate-forme de livraison de repas. Avec le confinement, le télétravail a dû susciter encore plus d’appétit.

La question sociale, et donc la raison pour laquelle ces services n’existent pas au Grand-Duché, reste néanmoins pertinente: les entreprises de type «ride-hailing», accélèrent la tendance d’une économie qui pourrait accentuer les inégalités. D’un côté, un nombre restreint de travailleurs qualifiés bénéficiant des protections du salariat. De l’autre, des travailleurs indépendants, les chauffeurs, peu qualifiés, interchangeables, et moins protégés. La venue d’Uber au Grand-Duché semblait antinomique avec les valeurs sociales, mais doit être révisée suite à la crise du Covid-19.

J’ai vécu à San Francisco, où les super-riches de la Silicon Valley vivent juste à côté de ceux qui ne peuvent même pas payer leurs factures en étant chauffeurs de Uber et Lyft. La question sociale restera cruciale pour la libéralisation du domaine du transport et doit être accompagnée d’un nouveau cadre juridique.

Si la crise nous a montré quelque chose, c’est qu’il faut réinventer le lien entre travail et protection sociale pour les indépendants. Le Luxembourg est l’un des derniers pays de l’UE où les gens ne peuvent pas bénéficier de ces services, mais cette révolution digitale ne doit pas être mise en place aux dépens de la protection sociale.

Les indépendants des plates-formes de pair à pair devront cotiser afin de s’autofinancer un régime de protection sociale suffisant, par exemple un alignement des congés parentaux ou encore une allocation chômage pour ces microentrepreneurs. De plus, il devrait y avoir une abolition des zones.

La non-inclusion des entreprises de «ride-hailing» à l’économie luxembourgeoise entraîne un danger plus important: celui du découragement du développement de la «sharing economy», ou économie collaborative, activité humaine de pair à pair.

Comme mentionné auparavant, les applications connectant les chauffeurs et les clients ne cessent d’être innovantes. Ainsi, la commande de nourriture sur une même plate-forme connectant les restaurants, les livreurs et les consommateurs en est la preuve. De même, le transport de marchandises, la location de vélo ou de trottinette, la livraison par drone en font aussi partie.

Enfin, la population locale ne doit pas se prosterner chaque fois qu’un nouveau trend international est en train de se développer, mais le Luxembourg ferait mieux de s’ouvrir aux nouveaux arrivants, de montrer son attitude «business-friendly» ainsi que de faire bénéficier les consommateurs de ces services.

L’auteur: Jeffrey Drui, économiste

Toutes les idées sont bonnes à prendre, nous ne souhaitons restreindre ni votre réflexion ni votre imagination. Si, comme Jeffrey Drui, vous souhaitez contribuer à cette initiative, vous pouvez nous envoyer votre idée sous ce format:

- un mot-clé, par exemple: fiscalité;

- un titre explicite, par exemple: baisser la TVA dans la restauration;

- un résumé en 300 signes maximum;

- un développement en 3.000 signes maximum;

- une photo de vous qui permettra d’illustrer l’article sur paperjam.lu.

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