Marie-Alix Dalle (Photo: DR)

Marie-Alix Dalle (Photo: DR)

Dans le cadre de notre opération «Luxembourg Recovery: 50 idées pour reconstruire», partagez une idée concrète, une expérience ou une mesure à mettre en œuvre pour faciliter le rebond de l’économie luxembourgeoise. Aujourd’hui, Marie-Alix Dalle propose de généraliser l’enseignement des enjeux énergétiques et climatiques.

Le pitch: La situation actuelle est un aperçu de ce que nous réservent les futures crises climatiques. Au vu des enjeux qui nous attendent, former le plus grand nombre aux enjeux énergie/climat et à la transition écologique apparaît comme indispensable, à commencer par nos étudiants de toutes filières.

L’idée: Plusieurs limites planétaires déjà dépassées présagent des crises futures, dont celle que nous vivons actuellement n’est qu’un avant-goût. Crises économiques, sanitaires, écologiques, migratoires, alimentaires… Toutes ont un point commun: leur dépendance à l’énergie, aux ressources planétaires et aux lois de la physique, que nos modèles économiques n’intègrent pas (l’élasticité réelle du PIB par rapport à l’énergie primaire est de ~0.6, contrastant avec la valeur 0.08 des modèles macroéconomiques actuels).

L’énergie se trouve partout, dans chacune de nos actions (santé, déplacement, habit, profession, objet…), et est de plus en plus prégnante avec l’avènement du numérique. Voici quelques ordres de grandeur pour donner une idée de l’urgente nécessité de former la population à ce sujet:

- L’énergie est le moteur de l’économie, le PIB étant étroitement lié à la consommation d’énergie: une hausse de 1% de PIB par an correspond à une augmentation de la consommation mondiale d’énergie de ~1.5PWh par an, nécessitant la construction de la capacité d’une nouvelle centrale nucléaire tous les quatre jours. Actualiser la dépendance à l’énergie de nos modèles économiques peut sembler judicieux.

- Grâce aux machines intégrées dans notre quotidien, nous bénéficions tous d’un équivalent de 200 «esclaves énergétiques» par personne. Si nous devions effectuer avec nos muscles (0.5kWh/j) le travail fourni par un litre de pétrole (10kWh), il nous faudrait travailler pendant 20 jours. Le coût de l’énergie ne reflète pas son utilité.

- 80% de la consommation mondiale d’énergie est basée sur des ressources fossiles, dont la combustion participe au changement climatique, et dont les réserves sont amenées à s’amenuiser prochainement, notamment du fait de la chute du TRE/EROI (pour un baril de pétrole dépensé, nous en récupérions 100 il y a 70 ans, contre 10 aujourd’hui, malgré le progrès technologique). Seulement 20% de l’énergie consommée mondialement l’est sous forme d’électricité, dont 2% proviennent des énergies renouvelables. Cela donne une idée du chemin à parcourir pour remplacer cette énergie d’origine fossile, en termes d’infrastructures et de consommation de ressources (les énergies renouvelables nécessitent 10-15 fois plus de matières premières que les énergies fossiles pour produire la même quantité d’énergie).

- 15% de la consommation mondiale d’énergie sert à faire rouler nos voitures individuelles, 4% à faire voler les avions pour les usages privés (ce dont seulement une petite fraction de l’humanité a accès), 10% servent à chauffer nos maisons, 7% à chauffer l’eau dans nos maisons, 14% à transporter nos aliments et biens de consommation (dont 5% par paquebot), 12% à miner des matières brutes pour construire de nouveaux biens. Nous, citoyens, pouvons influer sur près de 60% de la consommation d’énergie, rien qu’en changeant nos habitudes: en utilisant les transports en commun, mangeant et consommant local, réparant nos biens, chauffant un peu moins nos maisons…

J’espère que ces quelques chiffres vous auront aidés à comprendre l’importance et l’omniprésence de l’énergie à tous les niveaux, et le pouvoir de chacun d’entre nous sur sa consommation au quotidien.

Nos étudiants construiront notre futur. Il devient urgent de leur donner les clés de ces enjeux régis par les lois de la physique, qui interviennent tant sur le plan politique, qu’économique, ainsi que dans toutes les activités humaines (même un professeur utilisant la craie a besoin que ses élèves se déplacent pour assister à son cours!).

L’auteur: Marie-Alix Dalle

Toutes les idées sont bonnes à prendre, nous ne souhaitons restreindre ni votre réflexion ni votre imagination. Si, comme Marie-Alix Dalle, vous souhaitez contribuer à cette initiative, vous pouvez nous envoyer votre idée sous ce format:

- un mot-clé, par exemple: fiscalité;

- un titre explicite, par exemple: baisser la TVA dans la restauration;

- un résumé en 300 signes maximum;

- un développement en 3.000 signes maximum;

- une photo de vous qui permettra d’illustrer l’article sur paperjam.lu.

À l’adresse: .

Sources:

Johan Rockström et al., «A safe operating space for humanity», Nature,‎ 23 septembre 2009 Gaël Giraud, Zeynep Kahraman, How Dependent is Growth from Primary Energy? Output Energy Elasticity in 50 Countries (1970-2011)∗TSP‡ April 10, 2014

V. John R. McNeill : Something New Under the Sun - An Environmental History of the Twentieth-Century World (New York: Norton, 2000). Trad. fr. Du nouveau sous le soleil: Une histoire de l’environnement mondial au XXe siècle (Seyssel: Champ Vallon, 2010)

Nicholas Georgescu-Roegen, «Energy and Economic Myths», Southern Economic Journal, 1975, 41, p. 347-381; trad. fr.: «L’énergie et les mythes économiques», in Georgescu-Roegen, La Décroissance, 1979, p. 37-104; 1995, p. 73-148; 2006, p. 85-166.

Thévard 2012, l’Europe face au pic pétrolier

Quadrennial Technology review, Concepts in Integrated Analysis, September 2015