«Télétravail», un terme qu’on entend partout depuis sa mise en place accélérée pendant la crise du Covid-19. Certains veulent et renégocier le pour les travailleurs frontaliers. Mais techniquement, qui peut télétravailler?
Un peu plus de 50% des postes seraient «télétravaillables» au Luxembourg, selon une étude du Becker Friedman Institute for Economics. Un taux supérieur à celui d’autres pays européens: il ne se situe qu’entre 35 et 40% pour la France et l’Allemagne, par exemple. Ce qui s’explique par «sa structure industrielle, à dominante tertiaire, avec des travailleurs très qualifiés et son niveau technologique», estime Sarah Mellouet, économiste à la Fondation Idea. Le Becker Friedman Institute met en évidence que le nombre de postes opérables à distance augmente aussi avec le PIB. «Ce taux n’excède pas 5% dans la plupart des pays en développement», confirme Sarah Mellouet.
Pour juger si un métier peut se faire en home office ou non, l’étude prend en compte deux critères: le contexte et l’activité. «Par exemple, si une profession nécessite un travail à l’extérieur quotidien ou que la conduite de véhicules, d’appareils mécanisés ou d’équipements est très importante pour la performance de cette profession, nous déterminons qu’elle ne peut pas être exercée à domicile.»
L’éducation, le management, la finance et l’information peuvent le plus télétravailler
Le Becker Friedman Institute for Economics révèle ainsi qu’aux États-Unis, les services d’éducation (83%), les services professionnels, scientifiques et techniques (80%), le management (79%), la finance et l’assurance (76%), ainsi que l’information (72%), ont les plus forts taux de professions télétravaillables. Au contraire, transports et construction ne peuvent télétravailler qu’à 19%, le commerce de détail à 14%, l’agriculture à 8%, et l’hébergement et les services de restauration, à 4%.
Il n’y a pas de données détaillées aussi précises au Luxembourg. On sait seulement qu’avant la crise, , 13,2% des employés avaient recours au télétravail dans l’industrie, et 19,8% dans les services.
Plus globalement, un rapport du Liser de juillet dernier conclut que les télétravailleurs se divisent en trois groupes. 90% sont des «travailleurs qualifiés» qui «disposent d’une grande autonomie dans leur travail» et «utilisent un nombre élevé de TIC dans le cadre de leur emploi».
Viennent ensuite deux groupes minoritaires. 7% sont des «salariés exerçant des professions non qualifiées, ou en contact avec la clientèle. Les membres de ce groupe disposent d’une autonomie modérée.»
Les 3% restants sont des «salariés exerçant une profession intermédiaire ou d’employé administratif. Les membres de ce groupe travaillent plus souvent que les autres télétravailleurs à temps partiel. Ils ne disposent pas d’autonomie dans le cadre de leur travail, et leur rythme de travail est plus souvent dicté par un système informatique, le travail de leurs collègues et un volume de travail déterminé par la hiérarchie que celui des autres télétravailleurs.»
57% de télétravail au Luxembourg pendant la crise
La crise a bouleversé ces modèles, puisque plus de 55% de la population luxembourgeoise s’est mise au home office pendant la période, selon Eurofound. Là encore, le Luxembourg bat des records et se situe en deuxième position des pays européens, juste derrière la Finlande.
D’après , le secteur ayant le plus télétravaillé à temps complet est l’enseignement, à près de 75%. Viennent ensuite les services administratifs et financiers, les autres services et l’administration publique. En revanche, pour le commerce, l’industrie, l’horeca, la construction, la santé et l’action sociale, le taux n’excède pas les 40%.
Les secteurs qui ont été obligés de se mettre au télétravail vont-ils poursuivre cette pratique? Sarah Mellouet analyse: «Paradoxalement, durant le confinement, les salariés dans la finance ont été parmi les plus nombreux à télétravailler.» Or, selon l’étude du Liser, ils étaient aussi ceux qui avaient le moins souvent l’accord de leur entreprise pour faire du home office. «Ce résultat peut s’expliquer par les règles de sécurité strictes sur les données qui régissent ce secteur.» La crise aura-t-elle levé les barrières pour ces derniers? Sûrement. Mais Sarah Mellouet ne fait, pour le moment, aucune projection sur le télétravail dans l’après-crise.