Le secteur de la banque privée est encore «extrêmement éclaté», pointe Stéphane Herrmann. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le secteur de la banque privée est encore «extrêmement éclaté», pointe Stéphane Herrmann. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Stéphane Herrmann est le nouveau CEO de Lombard Odier (Europe) depuis le 1er janvier. Il revient sur l’évolution de la banque privée, entre les attentes des «nouvelles richesses» et l’impératif de soutenabilité.

Comment voyez-vous évoluer le métier de banque privée?

 —«Si l’on regarde au niveau des acteurs, il y a d’un côté les grandes banques qui considèrent la gestion de fortune comme activité annexe. Ce sont souvent des banques de détail qui ont une certaine clientèle fortunée pour laquelle elles ont développé une offre. De l’autre côté, vous avez des banques plus ‘traditionnelles’ – une catégorie dans laquelle s’inscrit Lombard Odier – ou des acteurs comme les family offices, dont le cœur de métier est la gestion de fortune et la banque privée. Le secteur est polarisé entre ces deux extrêmes.

On parle beaucoup de consolidation bancaire en Europe. Est-ce inévitable pour la banque privée?

«On est encore un secteur extrêmement éclaté. Les 10 premiers acteurs ont une part de marché limitée, très loin des concentrations que l’on connaît dans d’autres secteurs économiques.

Qu’est-ce qui freine cette évolution?

«C’est la capacité de rendre deux cultures compatibles. Notre métier est basé sur les relations de confiance avec nos clients. Des opportunités, il y en a. Mais ce que l’on regarde, c’est la compatibilité avec notre modèle. L’un des éléments très forts d’attractivité d’une banque privée est sa marque, et ce qu’elle représente. Généra­lement, diluer ça avec des apports externes peut être un peu compliqué.

Qu’attendent aujourd’hui les clients de leur banquier privé?

«Ils viennent pour être accompagnés dans la gestion de leur fortune. Ils ne sont pas là pour faire des coups en bourse, mais recherchent des conseils et des services par rapport à des questionnements patrimoniaux ou à des problèmes de structuration familiale. Nous les accompagnons à long terme dans la gestion de fortune multigénérationnelle de leur patrimoine.

Avez-vous constaté une évolution de ces attentes?

«Oui. Et cette évolution est liée aux changements sociétaux. Des changements qui sont de véritables lames de fond: allongement de la durée de la vie, quête de sens, soutenabilité, création de fortunes à différents moments de la vie… Des changements qui font que l’univers du banquier privé se complexifie. Le schéma historique de l’entrepreneur de 55 ans qui a vendu son entreprise et qui veut transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants n’est plus le schéma central.

En quoi cela modifie-t-il votre approche?

«Par exemple, on voit de plus en plus de gens qui font fortune très tôt, très jeunes, et dont les attentes sont très différentes. Ces ‘nouvelles richesses’ auxquelles nous sommes confrontés ont d’autres besoins que des fortunes ‘bien établies’, ou qui se sont construites sur le long terme et qui cherchent à être accompagnées dans la transmission de leur patrimoine. Elles cherchent des banquiers qui leur ressemblent, des gens de leur génération, qui parlent leur langage et qui ont les mêmes centres d’intérêt. Ce qui constitue aussi un défi en termes de recrutement.

Vous parlez de soutenabilité. La demande de placements ESG est-elle une tendance à laquelle vous devez de plus en plus faire face?

«La dynamique de la soutenabilité est très impor­tante. Nous sommes positionnés sur ce sujet depuis des années. Tout ce qui concerne la soutenabilité et le développement durable est à la base une con­viction des associés. Cela se ressent dans notre manière d’investir. Nous sommes convaincus que le modèle économique traditionnel comme on le voit aujourd’hui atteint ses limites et qu’il y a de gros besoins de changement dans les domaines envi­ronnementaux et sociétaux.

Que faites-vous concrètement en la matière?

«Nous avons beaucoup travaillé et investi sur ces concepts depuis une dizaine d’années et nous avons obtenu le label B Corp il y a trois ans. C’est quelque chose qui est ancré dans notre ADN. Nous avons par exemple développé le concept d’économie CLIC (pour circular, lean, inclusive and clean). Nous avons aussi développé une méthodologie avec l’université d’Oxford qui permet de mesurer la trajectoire de décarbonation nécessaire à une entreprise pour être alignée sur les accords de Paris. Et nous cherchons à adapter les investissements de nos clients en conséquence.»

Cet article a été rédigé pour  parue le 23 février 2022.

Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

Votre entreprise est membre du Paperjam Club? Vous pouvez demander un abonnement à votre nom. Dites-le-nous via