Sur la route, «des dizaines de milliers d’automobilistes payent aujourd’hui le fait d’avoir loupé le projet de l’A32». Et sur le rail, «le réseau n’a quasiment pas bougé depuis 40 ou 50 ans». Les élus étaient nombreux ce mercredi à Montigny-lès-Metz pour l’ouverture de la «Maison du Projet», et certains portaient un regard critique sur la politique menée par le passé. Le préfet de la Moselle, Laurent Touvet, n’était pas tout à fait d’accord… Quoi qu’il en soit, le constat est là: face à un flux de travailleurs frontaliers qui ne cesse de croître, avec 120.000 travailleurs français qui passent chaque jour la frontière et une hausse des voyageurs de 21% à bord des trains Metz-Luxembourg, le développement des infrastructures, plus lent, fait fonctionner le service à flux tendu. Le nombre de places assises en heure de pointe est toujours de 9.000.

La fréquentation dans les trains de la ligne Nancy-Metz-Luxembourg a considérablement augmenté en cinq ans. (Visuel: Region Grand Est)
Depuis 2018, dans le cadre des protocoles d’accord franco-luxembourgeois, 460 millions d’euros ont été investis, avec un financement à 50/50 entre les deux pays. «Pour nous, il y a vraiment urgence à avancer sur des projets concrets. La collaboration entre nos deux pays est essentielle pour améliorer le déplacement des frontaliers français, qui sont très importants pour notre économie. Un emploi sur quatre au Luxembourg est occupé par un frontalier français», a rappelé la ministre de la Mobilité, (DP), qui a fait le déplacement en France pour visiter le centre de maintenance de Montigny-lès-Metz, dont les travaux sont lancés.
Projet historique pour la métropole messine, il est aussi l’un des éléments clés des ambitions des pouvoirs publics pour améliorer la mobilité transfrontalière. Il aura vocation à assurer la maintenance des rames de la région et devrait être opérationnel fin 2026 – début 2027. Annoncé au départ pour 2024, le projet a pris du retard «en raison du caractère historique du site», précise le président du Conseil régional du Grand Est.
D’autres projets avancent un peu plus vite et sont devenus réalité, comme les récents P+R à Rodange, Belval, Longwy, Roussy-le-Village et Metzange. À Thionville, le futur parking silo de la gare, baptisé Joseph-Bech, ouvrira au printemps et sera inauguré en juin. Les quais des gares de Hettange-Grande, Uckange et Hagondange ont déjà été rallongés pour accueillir des trains plus longs (qui, eux, ne sont pas encore en circulation).
D’autres projets ne sont pas encore précisément inscrits dans le calendrier mais font l’objet d’études, comme la création d’un sas de fret à la frontière, l’élargissement de l’A31 entre Thionville et Luxembourg, la mise en place d’un car à haut niveau de service entre Esch et Audun-le-Tiche, la création d’un tram rapide entre la capitale et Esch, celle d’un P+R à Dudelange et la suppression de passages à niveau sur les lignes ferroviaires.
Voici un calendrier détaillé des projets dédiés à améliorer la mobilité transfrontalière.
2025
Parce que les frontaliers ne viennent pas tous de la métropole messine ou de Thionville, la stratégie des deux pays veut aussi prendre en compte les autres lignes et offrir de nouvelles possibilités de mobilité vers le Luxembourg. La liaison Longwy-Luxembourg a ainsi été renforcée depuis le mois de décembre, avec deux allers-retours supplémentaires chaque jour et deux allers-retours auparavant limités à Rodange qui sont désormais prolongés vers Luxembourg-Ville. Une augmentation qui a permis d’étendre à 17 allers-retours par semaine l’offre sur cette ligne.
Le tracé de la ligne de bus RGTR 551 entre Thionville et Foetz via Audun et Belval a été optimisé, avec un cadencement renforcé en heures de pointe.
Au printemps, la Région déploiera une dizaine de «vélos fluo» dans plusieurs gares (Hettange, Thionville, Hagondange, Metz, Pagny-sur-Moselle, Pont-à-Mousson, Nancy, Toul, Longwy) avec une tarification à la journée ou à la demi-journée. Un nouveau service qui s’inscrit dans la logique du futur Service express régional métropolitain (Serm), qui ne doit pas être compris comme un mode de transport à part entière mais comme une offre multimodale à l’échelle du territoire.
«Aujourd’hui, des solutions de financement sont encore attendues. La trajectoire Serm est retenue pour la liaison Metz-Luxembourg», a confirmé Franck Leroy. Mais il reste encore à «définir les ambitions du Serm et un modèle de gouvernance». Le ministre des Transports en France devrait apporter des éléments de réponse au printemps.
À la fin de l’année, l’enquête publique relative au projet de l’A31 bis doit être lancée.
«Il y a un an, le ministre des Transports (français, ndlr) a arrêté le plan d’aménagement du tracé F4, qui prévoit un tunnel sous Florange, et a confirmé la décision de mettre en concession l’autoroute depuis le triangle de Richemont jusqu’à la frontière luxembourgeoise. En 2024, nous avons aussi mené des concertations pour mettre en compatibilité les documents d’urbanisme des sept communes dont le plan local d’urbanisme ne prévoyait pas de routes. L’objectif, après l’enquête publique, sera d’obtenir une déclaration d’utilité publique fin 2026, permettant ensuite le choix du concessionnaire puis la passation des marchés par le concessionnaire auprès des entreprises de travaux publics. L’autoroute viendra compléter tout ce qui est fait sur la voie ferrée, qui ne suffit pas, à elle seule, à permettre le transit quotidien de tous les frontaliers et aussi tout le transit international.», a détaillé le préfet de Moselle, Laurent Touvet.

La ministre Yuriko Backes a échangé avec le président de la Région Grand Est, Franck Leroy (au centre) et le préfet de Moselle, Laurent Touvet. (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)
«Dans cette vision multimodale, des réflexions sont en cours sur la mise en place de lignes routières express transfrontalières et de voies Transport à haut niveau de service (THNS) dans le nord lorrain. Nous sommes activement convaincus que les lignes dédiées au covoiturage et aux cars express donnent des résultats plus que probants. Les exemples dans le monde entier le montrent», a ajouté Franck Leroy.
Côté Luxembourg, sur la route, le chantier d’élargissement de l’A3 se poursuit.
«Il s’agit d’un chantier stratégique pour l’avenir de la mobilité de notre région transfrontalière. L’élargissement de l’A3 entre la Croix de Gasperich et la frontière française vise vraiment à privilégier le transport en commun et le covoiturage», a rappelé la ministre luxembourgeoise de la Mobilité, Yuriko Backes.
Entre la Croix de Gasperich et l’aire de Berchem, les derniers travaux concernant l’installation des portiques de signalisation sont prévus pour la fin de cette année. «Nous allons pouvoir ouvrir le premier tronçon stratégique très prochainement. Nous donnerons plus de détails bientôt», a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne l’élargissement et la réhabilitation du viaduc de Livange, il est prévu que les travaux soient achevés avant les congés collectifs de cette année.
Les travaux liés à la construction du bassin de rétention à Bettembourg ainsi qu’à la construction de la passerelle pour cyclistes et piétons débuteront respectivement en septembre et en mai de cette année.
Quant à l’élargissement de l’A3 au niveau de l’échangeur de Livange, le démarrage des travaux est prévu pour septembre de cette année.
2026
Dans les trains, d’ici la fin 2026, la Région Grand Est prévoit une augmentation de capacités à 13.500 places assises contre 9.000 aujourd’hui. Pour cela, elle devra augmenter le nombre de rames. Fin 2026, les premières rames normandes acquises par la région devraient ainsi pouvoir circuler, avec une capacité totale de 1.000 places assises par train. Des trains qui pourront circuler en composition triple, ce qui doit permettre d’atteindre l’objectif fixé par la région et d’offrir, à l’issue de cette première phase, 50 % de places en plus.
Mais avant cela, il sera nécessaire, d’une part, d’achever la construction du nouveau centre de maintenance de Montigny-lès-Metz et de le raccorder au réseau. Un projet à 105 millions d’euros cofinancés par les deux États. Mais aussi de poursuivre les travaux d’allongement des quais.

Les travaux du centre de maintenance de Montigny-les-Metz devraient s’achever fin 2026. (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)
Il sera aussi nécessaire de rénover les rames existantes, qui sont aujourd’hui au nombre de 41. «C’est plus qu’une maintenance ordinaire, c’est véritablement une remise en état et une modernisation, y compris dans les éléments de confort pour les usagers. L’objectif est de redonner un potentiel d’exploitation pour 15-20 ans à ce matériel roulant», a indiqué Franck Leroy.Une opération de rénovation et de maintenance déjà entamée, et chiffrée au total à 178 millions d’euros.
2027
«La nouvelle ligne Luxembourg-Bettembourg était prévue pour 2028 et nous avancerons la mise en service à mi-2027», s’est félicitée Yuriko Backes. Une évolution qui impliquera aussi une modernisation et une adaptation de la gare de Bettembourg (prévue pour 2029), qui fera l’objet d’un projet de loi pour le financement déposé courant 2025. «Elle sera refaite, avec de nouveaux quais comportant des marquises, de nouveaux souterrains avec des ascenseurs, de nouvelles passerelles également avec ascenseurs dont une est déjà en service, un nouveau plan de voies pour régler les difficultés causées par le croisement des trains, ainsi qu’une nouvelle gare routière avec plus de capacités pour les bus et des protections contre les intempéries. La nouvelle gare de Bettembourg va devenir le deuxième pôle d’échange ferroviaire le plus important du Luxembourg, à terme, auquel sera incorporée l’accessibilité des cyclistes», prévoit la ministre.
Sur la route, côté français, la Région, qui a repris la gestion de l’A31 depuis le 1er janvier, compte mettre en place une éco-contribution pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. «Entre Luxembourg, aussi bien côté Longwy que côté Thionville, vers Nancy, l’objectif est d’engager un plan de modernisation important. Nous avons pour objectif de passer de deux fois deux voies à deux fois trois voies, avec un financement qui reposera sur l’éco-redevance. Elle consistera à taxer le trafic des transits pour pouvoir disposer d’une infrastructure plus capacitaire et plus sécurisée, sans alourdir la charge du contribuable», prévoit le président de Région.

La Région compte instaurer une redevance pour les poids lourds afin de financer de nouveaux projets sur les axes dont elle assure désormais la gestion. (Visuel: Région Grand-Est)
2030
En 2030, la capacité des trains en heure de pointe devrait encore augmenter pour atteindre 22.500 places assises.
Une échéance trop longue pour les frontaliers? Sans doute. «Mais nous ne pouvons pas stopper la circulation des trains, cela rallonge forcément la durée des travaux, c’est un facteur concret qui l’explique. Nous avons des contraintes techniques, en termes de sécurité et de signalisation.
L’objectif à 2030, c’est d’avoir, entre Thionville et Luxembourg, un train toutes les 7 minutes ou 7 minutes 30, sachant qu’entre ces trains TER, passeront les TGV et les trains de fret», a détaillé Franck Leroy.
L’année 2030 doit aussi marquer la fin des travaux titanesques de mise à 2x3 voies de l’A3 côté luxembourgeois, entre la Croix de Gasperich et la frontière.
Côté français, l’année 2030 devrait aussi marquer le début des travaux de l’A31 bis, pour au moins cinq ans.
Les autres projets à l’étude
La Région et le ministère luxembourgeois planchent sur la création de pôles d’échanges multimodaux, qui s’inscrivent dans la logique du Service express régional métropolitain (Serm).
Des projets sont en cours d’analyse à Hettange-Grande, où le stationnement actuel sera étendu, avec la création d’un parking silo. Le parking sud pourrait être réaménagé en hub multimodal.
À Uckange, un projet de développement des capacités de stationnement est aussi en cours.
À Hagondange, 100 places de stationnement pourraient être créées, en complément d’un pôle d’échange multimodal rue de Boussange.