«Cette affaire m’aura permis d’en tirer au moins une sacrée leçon: celle qui veut qu’un prestataire de services doit rester un prestataire de services pour éviter tout conflit d’intérêts potentiel.» Dix jours après que sa société, Greenfinch Capital Management, ait été placée en faillite sur assignation de Grant Thornton pour une facture impayée de 300.000 euros, Kindy Fritsch est d’autant plus amer, explique-t-il, qu’une ordonnance du 7 mai gèle toute possibilité de déplacer des fonds vers GCM pour régler cette facture, sans compter que «les demandes en justice [de Grant Thornton, ndlr.] se composent de plus de 200 pages chacune. GCM ne dispose que de quelques jours pour y répondre point par point.» Ordonnance dont Reporter s’était déjà fait l’écho, comme nos confrères s’étaient aussi déjà fait l’écho des dissensions entre actionnaires depuis deux ans et de la nécessité, dans un autre projet immobilier, de passer par la justice pour que certaines factures soient réglées.
«J’ai consacré 23 ans de ma vie à entreprendre, créer de la valeur pour les personnes qui m’ont fait confiance, contribuer à l’économie nationale à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros générés au travers des investissements, partenariats et collaborations conclus avec tous les métiers directement ou indirectement liés à mes activités, créer de l’emploi, pris des milliers de décisions tout en mesurant les risques qu’elles comportent et en anticipant au maximum l’évolution du marché, à tort ou à raison», écrit le petit-fils du fondateur de Cactus dans un document de cinq pages, publié sur les réseaux sociaux, comme pour mieux s’adresser directement à ceux qui se font les gorges chaudes de sa faillite, après l’avoir adressé au Land.
«Bien qu’il m’en coûte matériellement, physiquement et moralement de reconnaître que le fruit de mon travail de ces dix dernières années (et plus encore) est détruit, fort heureusement mes savoir-faire et compétences n’ont pas été atteints par ces attaques incessantes, et au contraire s’en voient grandis et renforcés. D’autres investisseurs présents et à venir comptent sur moi pour leur en faire bénéficier», peut-on aussi lire.
Une découverte qui change tout
M. Fristch y raconte comme, en 2017, la volonté d’internaliser certaines fonctions de support ont mis en évidence «les frais exorbitants qui sont facturés par Grant Thornton pour son rôle au sein du fonds. Sur une période de trois ans, le montant total des honoraires facturés avoisine les trois millions d’euros. Un appel d’offres est lancé par GCM, qui lui permet de constater que les frais annuels pour ce type de prestation tournent autour de 300.000 euros.» La belle alliance née en 2012 entre M. Fritsch et Romain Bontemps et son cabinet, qui sera racheté en 2014 par Grant Thornton, autour de projets immobiliers, vire au déchirement entre lui et huit associés du cabinet.
«Que dire de l’utilisation des importantes ressources du groupe Grant Thornton pour assouvir un appétit personnel insatiable – le montant réclamé aujourd’hui s’élève à 168 millions d’euros, soit 21.000% de rendement de leur mise de départ effectuée en 2018?», se demande M. Fitsch.
Contacté, le cabinet n’est pas revenu vers nous au moment de publier.
Surtout, M. Fritsch s’interroge. «Je déplore que ce soit un jeu d’enfants d’écarter l’associé-gérant commandité d’une SCA sur le seul fondement de faits erronés, voire mensongers, présentés par un investisseur, injustement mécontent et à l’appétit personnel insatiable, et ce, dans un secteur aussi hautement contrôlé que celui des fonds d’investissement (par l’administration centrale, la banque dépositaire, l’auditeur externe, l’AIFM, les évaluateurs externes, et en dernière instance, par la CSSF). Je m’interroge à cet égard sur l’absence criante de tous ces acteurs sur ‘le banc des accusés’, où je semble avoir personnellement une place de choix. Cette absence me parait lourde de sens. Quel investisseur, sûr de son bon droit, ne mettrait pas en cause la responsabilité de ces protagonistes censés veiller à la préservation de ses intérêts? La même question se pose avec autant de pertinence à propos des personnes ayant pris part aux transactions présentées comme étant illicites (avocats, notaires, banques, etc.). Serait-ce dû à une crainte de se mettre à dos des adversaires de taille?»
Comme le rappellent nos confrères du Land ce jour, «les fonds gérés par GCM doivent se retrouver une société de gestion agréée par la Commission de surveillance du secteur financier». Difficile d’avoir une idée exacte de l’ampleur potentielle des dégâts puisque les structures administrées par GCM ne rendent pas toutes leurs rapports annuels. Et quand bien même on peut y trouver un certain nombre de terrains dans différents endroits du Luxembourg, un autre aspect est à prendre en compte: le groupe est actif sur «toute la chaîne de valeur immobilière – de l’acquisition du terrain à son développement, en passant par la location et les actifs stabilisés et générateurs de revenus», dit-il. Un terrain nu n’a pas la même valeur qu’un bien construit qu’on mettrait en location, c’est assez simple à comprendre.
Trois milliards d’euros d’actifs
Sur son site internet aujourd’hui «débranché», M. Fritsch expliquait que GCM gérait «des actifs dont la valeur totale atteindra plus de trois milliards d’euros», actifs immobiliers détenus à la fois par Greenfinch et LIC Urban Development, dont la stratégie dédiée se concentre sur les fonciers à aménager; LIC Property Development, dont la stratégie dédiée se concentre sur les actifs de développement; LIC Income-Producing Property, dont la stratégie dédiée se concentre sur des actifs développés, stabilisés et générateurs de revenus.»
Selon ce site, «Kindy Fritsch a construit plus de 150.000 m² d’immeubles de bureaux au Luxembourg et dispose d’un pipeline de projets qui portera ce nombre à 400.000 m² dans les années à venir. En parallèle, il a fondé d’autres sociétés dans les domaines de la gestion d’actifs, du développement et de la gestion de projets ainsi que de la gestion immobilière et des installations.»
Le site Kindy Capital renvoie vers une SA qui n’existe dans aucun registre du commerce, à Monaco, en France ou au Luxembourg. Le projet est désormais gelé jusqu’à nouvel ordre, nous fait-il savoir, en raison des ennuis liés à l’immobilier, mais il s’agissait d’investir «dans des sociétés innovantes ayant un caractère international et des perspectives de croissance attractives. J’ai dans ce cadre déjà identifié et sécurisé au moyen de ‘letters of interests’ avec plusieurs sociétés intéressantes.»