Le ministre de l’Economie Franz Fayot (au centre) a annoncé une deuxième saison du Digital Tech Fund, entouré de Kevin Muller (à gauche), partner et CEO de Passbolt ; Semin Ibisevic, CTO de Next Gate Tech et d’Alain Rodermann (à droite), managing partner, Expon Capital  (Photo: MECO)

Le ministre de l’Economie Franz Fayot (au centre) a annoncé une deuxième saison du Digital Tech Fund, entouré de Kevin Muller (à gauche), partner et CEO de Passbolt ; Semin Ibisevic, CTO de Next Gate Tech et d’Alain Rodermann (à droite), managing partner, Expon Capital  (Photo: MECO)

Au dernier étage de la Tour de la Défense, dans les locaux de Paris&Co, l’incubateur de start-up de Paris et de la métropole parisienne, le ministre de l’Économie, Franz Fayot, a annoncé ce jeudi 15 juin une deuxième saison du Digital Tech Fund, à 14 millions d’euros (20 millions lors de sa clôture).

1.242 opportunités d’investissement – dont 437 luxembourgeoises – en six ans, 91 discussions avancées, 33 négociations et 13 investissements du Digital Tech Fund (DTF) pour 20 millions d’euros qui ont permis aux start-up de lever 120 millions d’euros au total. En coulisses, les oubliés de la fête ont les dents qui grincent, mais la sélection est sévère. Forcément sévère. Comment pourrait-il en être autrement autour de l’initiative du ministre de l’Économie (LSAP), accompagné dans l’aventure par des acteurs tous liés d’une manière ou d’une autre à l’État?

L’échec prématuré d’une seule de ces sociétés innovantes pourrait mettre en péril tout l’édifice et exposerait le politique aux foudres de l’opposition comme la débâcle Planetary Resources a mis dans l’embarras. Au pays où la loi sur la deuxième chance n’est toujours pas finalisée – 20 ans après avoir été déposée à la Chambre des députés – et où les banques sont devenues de plus , l’échec est tatoué à vie sur le front du renégat qui ne réussirait pas…

13 start-up sur 13 toujours actives

Le managing partner d’Expon Capital, Alain Rodermann, qui a obtenu le mandat dès le premier Digital Tech Fund, peut sourire. Alors que la statistique dit que l’on perd 50% de capital dans les tours d’amorçage, sa sélection a permis au DTF de compter encore ses treize sociétés à bord. Six pour le premier compartiment de 10,33 millions (Salonkee, Passbolt, Nektria, iTravel, Wizata et Nexten.io) de 2016 à 2019 et sept pour le deuxième lui aussi à 10,33 millions (Accelex, GoNuggets, Next Gate Tech, CoinHouse, Cascade et Hydrosat), de 2020 à 2023.

Est-ce pour autant un succès? Il faudrait s’entendre sur des critères «objectifs»… impossibles à mettre en place. Mais les start-up poursuivent leur développement, parfois très rapide, comme et son logiciel de réservation pour coiffeurs et salons de beauté, comme Next Gate Tech la fintech ou comme Passbolt et sa solution de gestion des mots de passe en entreprise. Le fonds doit permettre de créer de la valeur, de la substance et de l’emploi au Luxembourg. Comme le capital risque ne programme pas forcément sa sortie à un horizon fixe, il faut s’en tenir à sa seule limite officielle: dix ans. Le fonds sera liquidé en 2026.

Disparition d’Arendt&Medernach et de l’Université du Luxembourg

Comme l’écosystème grossit et murit, le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), ne pouvait décemment pas laisser tomber l’initiative. Pour sa saison 2, il a donc joué le même rôle de locomotive – 3 millions de l’État et 1,5 million de la SNCI, 10,5 millions de BIL, Post Capital, Proximus et SES – et d’autres partenaires privés gonfleront l’enveloppe jusqu’à 20 millions d’euros. Personne n’aura remarqué que deux partenaires de la saison 1 ont disparu: le cabinet d’avocats Arendt&Medernach et l’Université du Luxembourg.

Difficile de savoir si cette dernière, en plein déploiement d’une stratégie de transfert de technologie n’avait plus envie ou si elle a en travers de la gorge qu’aucune de ses spin-off n’ait trouvé d’intérêt auprès des Alain Rodermann, ou Marc Gendebien. Au lancement de l’initiative, les projets de l’Université étaient-ils vraiment trop immatures pour avoir une chance? Vraiment plus immatures que ceux qui ont été retenus?

Ce dont personne ne se souvient non plus, c’est que le Digital Tech Fund avait en 2016 «aussi comme objectif de faciliter le transfert de nouvelles technologies issues de la recherche publique, en particulier du Centre interdisciplinaire pour la sécurité, la fiabilité et la confiance (SnT) de l’Université du Luxembourg avec laquelle un partenariat pour soutenir la création de spin‐off est en cours de finalisation.»

«Mais les projets portés par des chercheurs de l’Université nous intéressent», assure Alain Rodermann.

La Chambre de commerce réaffirme son attachement

À la place des deux sortants, la Chambre de commerce se rallie à l’initiative. Le CEO de la House of Startup, Philippe Linster, représentant parti plein d’étoiles dans les yeux après sa première journée à Vivatech, a saisi l’opportunité pour dire l’attachement de l’institution aux start-up, lui qui en héberge 175 sur 550. «Ce n’est pas le fruit d’une seule organisation mais d’une collaboration entre tous les acteurs», a-t-il expliqué.

Les investisseurs auront-ils entendu la volonté du ministre de mettre des accents sur certaines thématiques, comme l’espace, la santé ou les technologies vertes? Diplomatiquement, oui. Mais, ils sont les uniques décideurs une fois qu’ils ont pris le mandat. Un format classique. Il faudra attendre trois ans pour savoir à quoi ressemblent leurs 8 à 12 paris sur l’avenir, des paris sur des start-up qui ont moins de sept ans et au moins un prototype. Parce que c’est aussi de cela dont on parle, modeler l’avenir de notre société au rythme du progrès technologique et humain…