Yuriko Backes, ministre des Finances depuis janvier 2022. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Yuriko Backes, ministre des Finances depuis janvier 2022. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Le ministère des Finances se trouve au centre du dispositif qui œuvre au développement de la Place. Vers lui remontent les demandes du terrain, et de lui partent les impulsions pour son développement et sa promotion. Comment le ministère gère-t-il ces flux? Il l’explique pour les lecteurs de Paperjam.

Dans ses relations avec les acteurs de la Place, le ministère des Finances établit un dialogue au travers d’échanges réguliers, non ­seulement avec les différents organes représentatifs du secteur financier, mais aussi avec des institutions financières individuelles. Il s’agit généralement de banques, de compagnies d’assurances et de fintech. «Ce dialogue ouvert avec les profes­sionnels du secteur financier a toujours été une force du Luxembourg», indiquent les conseillers du ministère des Finances.

Si le dialogue entre le gouvernement et le secteur financier a le mérite d’exister, il n’en reste pas moins rare d’entendre des représentants de la Place exprimer une crainte selon laquelle ils ont perdu l’oreille des politiques. Une critique réfutée par le ministère des Finances, qui se défend: «Il existe des échanges réguliers à tous les niveaux entre le ministère et le secteur, de sorte que cette affirmation ne reflète pas les faits, et certainement pas en ce qui concerne le ­ministère des Finances.» La ministre des Finances, (DP), attacherait même une importance toute particulière au dialogue avec l’industrie. «Depuis son entrée en fonction, elle a d’ailleurs accumulé les rencontres avec les associations professionnelles ainsi que les décideurs des insti­tutions financières de la Place, afin d’avoir une vue complète sur les défis auxquels ils font face, les opportunités de développement et leurs activités.»

Le Luxembourg, en tant que centre financier, dépend fortement des actifs, des acteurs et des clients étrangers. Au cours de ses ­rencontres bilatérales avec les acteurs du secteur financier, la ministre des Finances ne peut donc exclure cette dimension internationale. C’est pourquoi elle a rencontré les décideurs des institutions financières étrangères présentes sur la Place, au niveau de leur maison mère, lors de ses récents déplacements à Stockholm, à Madrid et à Londres. «Cela joue un rôle important dans notre activité de développement et de promotion de la Place», note le ministère des Finances.

Entre réglementations et développements

Pour sa part, la ministre des Finances se montre catégorique sur la nécessité des rencontres directes avec les représentants sectoriels et les institutions financières. «Le maintien d’un dialogue et d’un échange de vues réguliers avec le secteur financier, tant au niveau des entreprises individuelles qu’au niveau des associations professionnelles, est très important pour moi», déclare-t-elle. Avant d’ajouter: «Je veux entendre directement de la part du secteur quels sont ses défis et comment nous pouvons les relever, mais aussi où se trouvent les nouvelles opportunités et comment nous pouvons les ­saisir ensemble.» Un dialogue qu’elle explique avoir mis en place dès le début de sa prise de fonction, tant à Luxembourg qu’au cours de ses voyages à l’étranger.

Dans sa mission de créer un environnement propice à l’essor du centre financier luxembourgeois, le ministère des Finances met en lumière deux dimensions: d’une part, le cadre réglementaire et législatif et, d’autre part, la promotion et le développement de la Place. Sur le plan réglementaire, le ministère indique «s’efforcer à être un first mover dans la mise en œuvre de la législation européenne afin de permettre au centre financier de saisir de nouvelles opportunités». Ce qui se traduit, au niveau national, par «une adaptation et une amélioration constante de la législation», en soutien tant à l’émergence de nouvelles activités qu’à l’innovation du secteur financier. En guise d’illustration, le ministère des Finances cite les récentes et prochaines modifications de la législation visant à augmenter la sécurité juridique quant à l’utilisation techno­logique du registre distribué – la blockchain – ou encore la modernisation de la loi sur la ­titrisation, ou l’introduction d’un régime de sociétés en commandite spécialisée.

Sur le volet de promotion de la Place, le ministère des Finances explique profiter de ses échanges avec l’industrie «pour identifier de nouvelles opportunités et mettre en place des initiatives phares» en vue d’alimenter le développement du secteur financier. Cela se déroule essentiellement par le biais de partenariats publics-privés, tels que la Lhoft (Luxembourg House of Financial Technology) ou l’International Climate Finance Accelerator.

Le «business development» de la Place

C’est en revanche via Luxembourg for Finance que le ministère des Finances conduit ses activités de business development de la Place. «Présidé par la ministre des Finances, Luxembourg for Finance est un groupement d’intérêt économique mis en place conjointement par l’État et Profil, qui regroupe les principales associations de la Place, ainsi que la Chambre de commerce, la Bourse ou encore Clearstream», précisent les conseillers du ministère des Finances. À la différence des considérations sectorielles couvertes par les associations professionnelles telles l’ABBL, l’Aca ou l’Alfi, «la mission principale de Luxembourg for Finance est le développement de notre place financière dans son ensemble». L’agence de développement de la place financière a, en effet, notamment pour mandat de rencontrer les institutions financières pour les encourager à s’implanter au Luxembourg. Dans le cas d’acteurs déjà ­présents au Luxembourg, il s’agit de les accompagner dans le développement et l’expansion de leurs activités dans le pays.

En plus de la responsabilité du business development de la Place, Luxembourg for Finance se charge de la communication, y compris des relations avec la presse internationale, ainsi que de l’événementiel avec, par exemple, l’orga­nisation de séminaires thématiques sur des sujets-clés. Du côté du gouvernement, le ministère des Finances met en avant «sa collaboration étroite» avec Luxembourg for Finance. Ce qui inclut, par exemple, la définition de sa stratégie de business development, la mise en place d’initiatives à l’instar de la Lhoft ou encore l’orga­nisation de missions financières de Yuriko Backes à l’étranger. 

Afin de coordonner la vision du gouvernement, le ministère des Finances a nommé un directeur du développement et de la promotion de la place financière. Depuis fin janvier 2019, c’est Tom Théobald qui est en charge de cette fonction, ancien directeur adjoint de Luxembourg for Finance à partir de 2014 et ancien ­conseiller à l’ABBL pour la communication et les relations presse à partir de 2008. Depuis sa nomination au poste de directeur au ministère des Finances, Tom Théobald est resté en étroite ­collaboration avec Luxembourg for Finance, étant membre de son comité exécutif. De plus, la ministre des Finances peut compter sur le concours du Haut Comité de la place financière qui agit tel un think tank pour la ­conseiller dans ses choix stratégiques.

Le maintien d’un dialogue et d’un échange de vues réguliers avec le secteur financier est très important pour moi.
Yuriko Backes

Yuriko Backesministre des Finances

Des défis et des opportunités

Dans son optique de développement et de promotion de la Place, le ministère des Finances adopte une approche à la fois thématique et géographique: «Avec Luxembourg for Finance, nous définissons les priorités thématiques, telles que la finance durable, la digitalisation de la place financière ou encore les fonds alternatifs, ainsi que nos marchés cibles». Hormis quelques marchés de prospection, l’activité de promotion de la place financière se focalise avant tout sur des marchés bien établis avec une présence significative d’acteurs au Luxembourg. C’est par exemple le cas des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Japon, de l’Italie, de la Suisse et, depuis quelques années, de la Chine. Des marchés à fort potentiel et d’une certaine maturité sont également concernés, comme la Corée ou encore l’Inde. Si l’objectif consiste à développer de nouveaux créneaux, il vise aussi à renforcer des activités existantes du secteur financier, en l’occurrence le secteur bancaire, avec en tête d’affiche les segments du corporate banking et de la banque privée, l’industrie des fonds, les activités de marchés de capitaux et le ­secteur de l’assurance. «Le fait qu’environ 95 entreprises du secteur financier ont choisi de délocaliser des activités au Luxembourg, voire de renforcer leurs activités existantes dans le cadre du Brexit, souligne l’attractivité du pays et son rôle en tant que centre de compétences pour différentes activités-clés», note le ministère. À cet égard, il rappelle que le Luxembourg se place au rang de troisième place financière en ce qui concerne les activités internationales, selon le dernier New Financial Global Financial Centres Index. Ainsi, «notre écosystème international, notre stabilité économique, notre politique et sociale, notre triple A, notre boîte à outils de fonds et véhicules d’investissement, ainsi que nos régulateurs, dont l’expertise est reconnue à travers le monde, constituent autant d’avantages sur lesquels le Luxembourg pourra s’appuyer pour le développement futur de sa Place».

Au-delà de la situation attractive du pays, le ministère des Finances prend conscience des défis pour l’avenir de la Place, qui va de pair avec l’internationalisation et la mondialisation des marchés financiers: «Nous constatons une tendance inquiétante au protectionnisme et à la démondialisation. Plus que jamais, il est important que le Luxembourg continue à défendre un cadre réglementaire européen qui prenne en considération les réalités des services financiers transfrontaliers ainsi qu’un marché unique européen qui reste ouvert au reste du monde.» Une internationalisation qui pousse également à «une concurrence accrue» pour l’accès aux talents, faisant l’objet d’échanges réguliers entre le ministère et les acteurs locaux. «Luxembourg for Finance vient d’ailleurs de lancer une nouvelle campagne à l’international, intitulée Working and Living in Luxembourg.» Mais s’il y a des défis, il y a aussi des opportunités de nouveaux positionnements, à ­l’instar de la digitalisation du secteur financer ou de l’accès, ainsi que de la gestion des données sur la durabilité. Des thèmes déjà fortement présents dans les activités du secteur financier du pays.

Le charme discret du triple A

Vendre le Luxembourg à l’étranger, c’est une question d’image de marque. Et quoi de mieux pour contrebalancer le risque de réputation qui, depuis l’inscription du pays sur la liste des paradis fiscaux de l’OCDE en 2013, continue à coller à l’image du pays comme le sparadrap du capitaine Haddock?

Le triple A, c’est un peu la carte de visite du pays. Accordé avec constance année après année, crise après crise, par les grandes agences de notation telles que DBRS Morningstar, Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch, c’est l’image de marque du pays. C’est la belle histoire que l’on adore en Asie, tout particulièrement en Chine, où les autorités et les professionnels locaux adorent la stabilité.

Le triple A, c’est tout à la fois le symbole de la stabilité politique et fiscale du pays, de la rapidité de la prise de décision. Ce «label de qualité» survivra-t-il à la visite du Gafi début novembre? Une interrogation largement partagée.

En attendant, le triple A permet au pays d’emprunter aux meilleurs taux. C’est même sa fonction première, en tant que notation, d’indiquer aux investisseurs les risques d’un investissement. Plus les risques sont faibles, plus les conditions seront favorables. Le taux moyen de la dette pondérée de l’État est de 0,82%.

Cet article a été rédigé pour  parue le 21 septembre 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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