L’année dernière, une nouvelle marque de gin a fait son apparition au Luxembourg.  (Photo: Eva Krins/Maison Moderne)

L’année dernière, une nouvelle marque de gin a fait son apparition au Luxembourg.  (Photo: Eva Krins/Maison Moderne)

Un Tanqueray? Un Bombay Sapphire? Ou un Roku Gin? Non, merci. Mon gin, je le veux luxembourgeois. Et pour cause, plusieurs producteurs de gin ont investi le marché. Certains sont même présents au Concours mondial de Bruxelles, qui récompense vins et spiritueux et se déroule actuellement en Chine. 

Arrivée l’an dernier sur le marché, Entre Nous Gin est une production locale de gin. La fondatrice de l’entreprise, Inès Fortemps de Loneux, nous raconte son périple. La jeune femme d’origine belge découvre le monde du gin lors d’une année passée en Espagne. En arrivant au Luxembourg pour son travail dans un cabinet d’audit, elle enchaîne les visites de distilleries et l’idée germe dans son esprit. Elle décide de se lancer en février 2022 mais, administration et autorisations obligent, l’entreprise n’ouvre officiellement qu’en 2023.

Une distillerie étant un établissement classé, Inès doit remplir de longs formulaires pour obtenir les autorisations nécessaires. «Des procédures longues, mais pas complexes, les contacts avec les administrations étaient directs et clairs», nous explique-t-elle. L’alambic a ainsi pu être commandé et la production a commencé. Un alambic qui la rend unique. «Beaucoup de marques délèguent leur production et ne se chargent pas de la distillation en elle-même.» Inès produit donc chez elle entre 200 et 225 litres de gin à chaque distillation. De quoi remplir un peu plus de 400 bouteilles. 

Ce qui me plaît dans le gin, c’est qu’il est facile à préparer et qu’il contient une infinité de possibilités. 
Inès Fortemps de Loneux

Inès Fortemps de LoneuxfondatriceDistillerie Fortemps de Loneux 

Des aides pour créer son entreprise? Financièrement, non. En revanche, au niveau de la formation, Inès a pu apprendre comment bien créer son business plan. La jeune Belge s’inscrit à la House of Entrepreneurship pour avoir un accompagnement. Elle ne consacre aujourd’hui que 20% de son temps à la création de gin, mais aimerait pouvoir, en fonction des ventes, se dédier à cette activité à mi-temps. 

Du gin en édition limitée au gin en version récurrente 

Inès a toujours mis l’accent sur l’utilisation d’au moins un ingrédient qu’elle récolte elle-même dans ses recettes de gin. Qu’il provienne du Luxembourg, de Belgique ou de France – où elle possède des terres familiales. Récemment, elle a fait pousser de la lavande dans son jardin, pour pouvoir en inclure dans sa nouvelle recette de gin. «Ce qui me plaît dans le gin, c’est qu’il est facile à préparer et qu’il contient une infinité de possibilités.» C’est pourquoi la jeune créatrice a débuté par des gins saisonniers en édition limitée – Summer, Winter et Spring – dans lesquels se mêlaient tantôt des zestes d’orange et de la cardamome, tantôt du piment ou encore du basilic.

Mais le besoin d’un gin récurrent s’est fait ressentir afin de le proposer à des restaurateurs et des bars qui souhaitent de la constance dans les produits qu’ils offrent. La trentenaire explique avoir sécurisé un partenariat avec Munhowen, où sont proposés ses gins. Inès s’attelle donc à proposer une recette à la lavande, au romarin et au thym. Mais elle ne lâche pas l’affaire «j’aimerais continuer de proposer une édition limitée de gin par an, pour les clients qui sont vraiment à la recherche de recettes uniques loin des London Dry gin, avec des bouteilles numérotées à la main».

Les gens ne veulent plus simplement acheter un produit en magasin. Ils veulent des expériences locales et originales.
Inès Fortemps de Loneux

Inès Fortemps de LoneuxfondatriceDistillerie Fortemps de Loneux 

Une recette que la communauté d’amateurs de gin et de la marque a pu suivre et aiguiller. La fondatrice a lancé un système participatif grâce auquel elle a pu récolter des avis extérieurs. Une grosse centaine de personnes a donc pu se prononcer sur les ingrédients finaux de la recette, l’étiquetage. «Les gens sont très demandeurs de ce genre d’expériences, ils ne veulent plus simplement acheter un produit en magasin. Ils veulent des expériences locales et originales. J’aimerais développer cela et proposer dans le futur des événements dans ma distillerie.» Son objectif pour l’année prochaine? Atteindre un chiffre d’affaires entre 20.000 et 25.000 euros. Son gin récurrent est déjà disponible, mais il est loin d’être le seul sur le marché. 

En 2024, il y avait 14 producteurs de gin au Luxembourg, parmi lesquels Mansfeld, Opyos, Gëlle Fra ou encore Tamar. Les données de 2024 s’arrêtent au mois d’août, avec quasi 6.000 litres de gin produits. Si la production croît de manière uniforme, elle pourrait atteindre 9.000 litres à la fin de l’année. En deçà de l’année précédente, elle-même bien en dessous du niveau de 2021, où plus de 20.000 litres de gin avaient été distillés. Les conséquences d’un marché saturé?

Le sales manager du Concours mondial de Bruxelles (CMB), Bruno Sanfilippo, nous en dit un peu plus sur la popularité du gin au Luxembourg. «Il y a eu un vrai engouement autour du gin il y a dix ans, alors que des alcools comme le cognac ou la grappa sont en régression auprès des plus jeunes. Aujourd’hui, le marché se stabilise et toutes les marques présentes au Luxembourg ne pourront pas forcément survivre.» Et il est difficile d’établir des données consolidées sur la production de gin. «Beaucoup de gin luxembourgeois est en fait produit à l’étranger, d’autres sont produits dans des distilleries qui font plus que simplement du gin, chez Difrulux par exemple.»  

Cette année, une quinzaine de gins luxembourgeois sont présents au CMB, qui a lieu en Chine. Le gin Exx y avait été récompensé d’une médaille d’or il y a deux ans. 

Des prix, oui, mais cela permet-il d’exporter à l’étranger? «C’est compliqué, car il y a un manque de marketing dans les pays frontaliers. Le développement des produits se fait presque uniquement dans le pays.» 

Le Gin Club Luxembourg organise plusieurs soirées par an.  (Photo: Matic Zorman/archives)

Le Gin Club Luxembourg organise plusieurs soirées par an.  (Photo: Matic Zorman/archives)

Contacté, le président du Gin Club Luxembourg, , constate que le gin est toujours très tendance et de nouveaux producteurs arrivent aujourd’hui encore sur le marché. Le club compte une cinquantaine de membres et se veut discret – «nous ne faisons pas beaucoup de pub». Il organise des apéros, des visites de producteurs et quelques soirées chaque année avec de présentations de gin.