La Semaine européenne de la microfinance s’intéresse cette année aux enjeux climatiques. C’est le défi de l’époque pour le secteur?
Christoph Pausch. – «Effectivement. Et ce qui est particulier au niveau de l’organisation de cette conférence, c’est que ce sont les membres qui proposent les thèmes. Cela permet ainsi de vraiment voir quels sont les sujets chauds du secteur. Et cette année, le changement climatique vient en effet tout en haut de l’agenda.
C’est un sujet important dans nos pays, mais la situation et les risques sont bien pires dans les pays en développement. Les populations sont exposées à des catastrophes naturelles de manière quasiment permanente. Or, elles sont moins bien préparées que nous pour y faire face. C’est donc un cercle vicieux. Les dégâts y sont souvent très importants, ce qui fait qu’elles disposent ensuite de moins de moyens financiers pour leur développement.
Le changement climatique vient en effet tout en haut de l’agenda.
De quelle manière la microfinance peut-elle apporter sa pierre à l’édifice face à ces enjeux?
«La microfinance a un rôle énorme à jouer et une responsabilité à assurer. Nous pouvons accorder des prêts afin de se préparer à éviter le pire. La micro-assurance a aussi son rôle à jouer. Elle permet d’émettre des micro-polices d’assurance pour augmenter la résilience aux chocs. Et, en cas de catastrophe, elle peut assurer des services de transfert et d’envoi de fonds, une pratique qui reste très coûteuse quand on passe par des acteurs internationaux. Enfin, elle peut aider à la planification financière à long terme – via l’épargne, notamment – pour mieux absorber les chocs.
Par rapport à l’activité de la microfinance en général, l’activité liée au climat représente déjà une part importante de l’activité?
«Elle devient en tout cas de plus en plus importante, comme dans tous les autres secteurs d’activité. Tout le monde a compris que c’était un sujet incontournable.
De manière globale, les projets que doivent financer les institutions de microfinance sont-ils en train d’évoluer? Les besoins changent-ils?
«Les choses ont en effet évolué depuis 2006, par exemple lorsque Muhammad Yunus avait reçu le prix Nobel de la paix. Le monde a évolué, celui de la finance inclusive aussi. Il ne s’agit plus seulement d’octroyer un prêt à quelqu’un pour pouvoir ouvrir un commerce. La microfinance doit aider à soutenir des chocs climatiques, comme nous l’avons dit, mais aussi à assurer l’éducation, la santé ou le logement.
Elle est devenue plus sophistiquée, sans que les premiers types de prêts aient disparu pour autant. Le microcrédit garde sa place, mais fait partie d’un monde plus vaste, les parties prenantes sont plus nombreuses. C’est en fait notre compréhension des besoins qui a changé. Les produits que nous pouvons proposer sont plus nombreux, mieux ciblés et plus sophistiqués.
Les petits prestataires sont souvent assez mal préparés aux questions de sécurisation des données.
L’année dernière, vous aviez abordé l’apport des technologies, cette fois vous voulez lancer un avertissement par rapport à la cybersécurité. Quelles sont les menaces?
«Dans les pays où les institutions de microfinance travaillent, la numérisation offre bien sûr des perspectives énormes, elle évite de nombreux déplacements compliqués, mais les petits prestataires sont souvent assez mal préparés aux questions de sécurisation des données.
Les cadres réglementaires sont rarement à la hauteur, la supervision fait défaut… Ces questions sont importantes. Elles réclament de l’expertise technique et des ressources financières. L’une et l’autre ne sont pas toujours faciles à trouver. Nous voulons donc présenter différentes initiatives qui offrent des solutions aux opérateurs.»