Première montre de la collection Duke, la bien nommée First Edition a été produite à huit exemplaires. Ce garde-temps adopte une boîte octogonale de 44 mm pour 14 mm d’épaisseur, utilise un nouveau matériau fait de fibre de carbone et de poudre de titane et adopte un cadran en saphir. Le tout au service d’un tourbillon visible qui semble flotter en toute transparence dans une harmonie visuelle remarquable. (Photo: Manufacture grand-ducale)

Première montre de la collection Duke, la bien nommée First Edition a été produite à huit exemplaires. Ce garde-temps adopte une boîte octogonale de 44 mm pour 14 mm d’épaisseur, utilise un nouveau matériau fait de fibre de carbone et de poudre de titane et adopte un cadran en saphir. Le tout au service d’un tourbillon visible qui semble flotter en toute transparence dans une harmonie visuelle remarquable. (Photo: Manufacture grand-ducale)

Une marque de haute horlogerie luxembourgeoise avec une manufacture au pays et une filiale en Suisse… Possible? Oui. La marque se nomme «Duke», les montres sont produites par la manufacture luxembourgeoise Manufacture grand-ducale et sa filiale suisse MGD Swiss (pour Manufacture grand-ducale Swiss) à La Chaux-de-Fonds. Son identité? Le tourbillon.

Il aura fallu six ans à Alessio Muller pour monter son entreprise. Six années durant lesquelles ce Luxembourgeois s’est formé en autodidacte à quasiment tous les métiers de l’horlogerie: les métiers d’art, la terminaison, la R&D ou encore l’usinage. Six années marquées par des rencontres. Dont une déterminante, avec Vianney Halter, un maître horloger parmi les plus réputés en activité dans le monde.

Six ans, c’est aussi l’âge auquel Alessio Muller se découvre une passion pour les belles montres et leur mécanique. Très jeune, il accompagne aux quatre coins du monde son père, Denis Muller, dont le métier est d’organiser, principalement pour le compte du Quai d’Orsay des événements pour représenter les savoir-faire français dans le domaine du luxe. Si la haute couture et les métiers d’art étaient au centre de ces événements multimarques – Dior, Gaultier, Givenchy, Lacroix, Mugler et autres se côtoyaient sur les podiums souvent dressés dans les palais de familles royales –, l’horlogerie était également présente, les grandes marques côtoyant les horlogers indépendants comme Vianney Halter ou Antoine Preziuso. «Dès l’âge de 6 ans, je courais derrière ces horlogers lors des events et je leur demandais de m’expliquer comment fonctionnaient ces montres. C’est à partir de ce moment que j’ai décidé de créer ma marque.»

À 18 ans, il fait le tour des horlogers indépendants en Suisse pour leur expliquer son projet. Et il a trouvé un écho favorable auprès de quelques horlogers indépendants. Dont Vianney Halter qui, séduit par le projet, propose de l’aider. Pour «financer son projet horloger», Alessio Muller crée en 2017, en plus de sa manufacture, une autre entreprise qui n’a aucun rapport avec les montres qui s’appelle Cosmerre et qui travaille dans la cosmétique dans le Benelux.

Brevet luxembourgeois dans le monde de l’horlogerie

«Depuis six ans, j’investis et j’apprends l’horlogerie à ma manière, c’est-à-dire en ayant ma propre manufacture et en allant une ou deux fois par semaine chez Vianney dans son atelier. Nous avons travaillé en très étroite collaboration pendant quatre ans. Il m’a transmis énormément de choses.»

À partir de là, Alessio Muller développe un mouvement breveté: un tourbillon deux aiguilles automatique, le calibre 9600. Calibre qui équipe le premier garde-temps de la marque baptisé «First Edition». Dans ce garde-temps, le tourbillon est à 6 heures et est visible via une ouverture de 100 degrés. Une disposition très inhabituelle qui fait que le tourbillon – «la pièce centrale de la montre» – donne l’impression de flotter dans le boîtier. Ce tourbillon – baptisé «Clarity Tourbillon» – est invisible grâce à deux ponts en saphir. Un effet d’invisibilité renforcé par le fait que la masse n’apparaît pas dans cette ouverture.

Dès l’âge de six ans, je courais derrière ces horlogers lors des events et je leur deman­dais de m’expliquer comment marchaient ces montres. C’est à partir de ce moment que j’ai décidé de créer ma marque.

Alessio Muller  

Comment? En développant une nouvelle masse en saphir translucide donc invisible dont la partie centrale, que l’on appelle «vis mystérieuse», cache le roulement. La masse en saphir est plus large que l’ouverture du cadran. À l’extrémité de la masse, sur 180°, un anneau en tungstène optimise le mouvement circulaire. Cette partie de la masse est dissimulée à l’intérieur de la boîte. Grâce à ce subterfuge, le rotor devient ainsi invisible dans l’ouverture du tourbillon, tout en offrant une autonomie de 72 heures de réserve de marche.

«C’est pour cela que vous pouvez voir au travers sans rien voir bouger.» Le système a été évidemment breveté. Un brevet luxembourgeois dans le monde de l’horlogerie, ce n’est pas rien… «Le développement de cette masse a retardé la sortie de la montre d’un an, mais je tenais vraiment à avoir cette ouverture de tourbillon complètement libre.»

Hommage à la forteresse de Luxembourg

Pour l’habillage de la Duke First Edition, Alessio Muller a fait le choix volontairement clivant d’un boîtier tonneau, avec tout ce que cela implique pour un mouvement. «Je suis parti sur une boîte octogonale inspirée par la forteresse de la ville de Luxembourg tout en cherchant à lui donner un aspect plus contemporain. Au final, cela donne un ensemble très géométrique avec des angles et des points très vifs.» La boîte octogonale affiche la dimension respectable de 44 mm pour 14 mm d’épaisseur. Pour éviter un poids trop important, la montre n’est pas en acier. Elle a été réalisée dans un alliage en titane et fibre de carbone. «Un mélange que nous avons développé nous-mêmes et qui apporte la touche contemporaine. Et la légèreté.»

«Bien plus légère, noire, mais lumineuse grâce à la poudre de titane, voire précieuse avec la poudre d’or (pour la série By Vianney Halter, ndlr), la fibre de carbone est bien le matériau parfait pour créer des montres à la fois modernes, légères, ergonomiques, solides et conçues pour la vie de tous les jours», complète le créateur. Toutes les parties non visibles du boîtier ont fait l’objet de finitions à la main, y compris à l’intérieur. Un verre saphir, traité antireflet à l’intérieur comme à l’extérieur, coiffe le boîtier, tout comme le fond pour admirer le mécanisme. Une couronne en titane avec de belles finitions d’anglage complète l’ensemble. Toutes les vis et la couronne sont produites à la main, de façon artisanale, sur un tour 102. «La légèreté de l’ensemble épouse parfaitement le poignet, offrant une sensation exceptionnelle de confort.»

Autre spécificité de la marque: le cadran. Le cadran, c’est la partie visible de la face avant d’une montre, son «visage» et souvent la signature d’une marque. On en trouve dans différentes matières, plus ou moins précieuses: émail, onyx, métal… La tendance actuelle est de se servir de météorites pour fabriquer des modèles uniques. Pour Duke, tous les cadrans sont réalisés en saphir, avec la signature de la marque en leur centre, grâce à des appliques en or massif blanc, dont chaque lettre est délicatement posée l’une après l’autre.

Le garde-temps est livré avec deux bracelets – «un service qui rappelle les codes du sur-mesure de la haute couture». Le premier est en caoutchouc noir structuré, le second est réalisé en cuir, sur demande, de la couleur souhaitée par le client, y compris pour les coutures.

Sortie en février 2023, la Duke First Edition a été produite à huit exemplaires. Sept sont déjà vendus. «Malgré un design atypique clivant.» Si le design peut rebuter certains clients attirés par le mouvement et son tourbillon flottant, pas de problème. Un exemplaire unique avec un boîtier différent a été produit sur mesure pour un client japonais. «Il est venu au Luxembourg, on s’est mis autour de la table pendant deux jours et on a dessiné une nouvelle boîte pour lui. Du sur-mesure.»

Nouvelles complications

Après ce premier succès, Duke sort une nouvelle pièce, la Duke By Vianney Halter qui, comme son nom l’indique, est une collaboration avec l’horloger. Aux trois identités de la marque – la boîte octogonale avec fibre de carbone, l’ouverture de 100° de tourbillon et la masse mystérieuse – s’ajoutent deux nouvelles complications très recherchées par les amateurs d’horlogerie: une heure sautante et une minute rétrograde. Tout cela animé par le calibre 9601 pour lequel a été développée une fibre de carbone mélangée à de l’or «que nous fabriquons nous-mêmes». Le garde-temps est en or rose avec un cadran fumé. «La minute rétrograde est configurée de manière à ce que rien ne passe jamais devant l’ouverture du tourbillon.» Ce garde-temps sera également produit en série limitée de huit exemplaires.

Produire en série limitée est une stratégie assumée qui se conjugue avec la possibilité de produire des modèles sur mesure. Par exemple, pour une personnalité politique de premier plan du monde arabe, porter une montre en or était inconcevable. Une pièce unique en titane a donc été produite pour lui.

Deuxième production de la Manufacture Grand-ducal, la Vianney Halter tout en gardant les codes esthétique de sa devancière – boite octogonale et tourbillon flottant – pousse la complexité mécanique plus loin en adoptant une heure sautante et une minute rétrograde, deux des complications les plus appréciées par les amateurs de garde-temps d’exception. (Photo: Manufacture grand-ducale)

Deuxième production de la Manufacture Grand-ducal, la Vianney Halter tout en gardant les codes esthétique de sa devancière – boite octogonale et tourbillon flottant – pousse la complexité mécanique plus loin en adoptant une heure sautante et une minute rétrograde, deux des complications les plus appréciées par les amateurs de garde-temps d’exception. (Photo: Manufacture grand-ducale)

La stratégie de la rareté

Cette production sur mesure est elle-même limitée. Le calibre 9600 n’a été monté que huit fois, neuf si l’on compte le prototype. Le calibre 9601 a été monté 10 fois (au prototype et aux huit pièces de série s’ajoute une pièce unique). Il n’y aura pas de onzième exemplaire. «Rien ne nous n’empêche de reproduire les calibres. C’est justement là où nous voulons nous différencier des grandes marques où, souvent, une série limitée se résume à des retouches cosmétiques autour du cadran ou du mouvement. C’est une stratégie qui n’a jamais été appliquée jusqu’ici et à laquelle nous tenons. Et si nous pouvons le faire, c’est parce que nous sommes quasiment autonomes. Nous pouvons quasiment tout produire en interne.»

De fait, tout ce qui est habillage horloger – boîte, cadran, aiguilles, appliques – est fait à 100 % au Luxembourg. De même que l’assemblage et la finition des mouvements – l’anglage, le satinage, le cerclage et le poli miroir. Avoir une manufacture en Suisse permet d’avoir également un pied au milieu du centre horloger. Sa mission est de fournir des pièces à différentes marques ainsi que des prestations de services en matière de terminaisons de bijoux et d’habillages horlogers ainsi que de composants de mouvements horlogers.

Pour développer la manufacture suisse, Alessio Muller s’est associé à Bekim Fifaj. Celui-ci a travaillé sept ans chez Patek Philippe comme maître polisseur, puis quatre ans chez Swatch Group où il était directeur finition pour toutes les marques. «À la base, c’est lui qui m’a formé au polissage. On s’est tellement bien entendu qu’on a créé cette entreprise ensemble. Et c’est lui qui s’occupe du polissage de mes pièces.»

Un objet pour les collectionneurs

Duke vise une clientèle de collectionneurs rencontrés en one-to-one. «C’est ma manière de travailler. Je rencontre les gens en face à face pour leur expliquer le projet et la marque.» Un côté «confidentiel» dont raffole cette clientèle. Une clientèle à quelques centaines de personnes dans le monde. Une clientèle qui a les moyens: la First Edition est affichée à 98.000 euros et la Duke by Vianney Halter est à 148.000 euros. Hors taxes évidemment.

Un troisième modèle est déjà à l’étude. Basé sur le calibre «traditionnel» tourbillon deux aiguilles, le mécanisme incorporera une complication réserve de marche et sera moins épais. L’objectif d’Alessio Muller est de continuer à surprendre les amateurs de la marque. «L’objectif est d’explorer l’horlogerie sous toutes ses facettes, tant sur le plan du design que sur le plan technique, tout en restant fidèle à une cohérence technique et esthétique, notamment en restant fidèle au tourbillon et à la masse mystérieuse qui caractérisent Duke.»

Le coin du spécialiste

   

   

Tourbillon

Fascinant à observer, le tourbillon a une fonction bien précise: réduire l’effet de la gravité sur le mouvement afin d’augmenter la précision du mécanisme. Il a été inventé au 18e siècle par Abraham-Louis Breguet. On le nomme également «cage tournante». C’est pour beaucoup la complication reine de l’horlogerie.

Heure sautante

Dans une montre traditionnelle, les heures, comme les minutes, sont indiquées par des aiguilles. Avec l’heure sautante, l’heure est affichée dans un guichet découpé dans le cadran grâce à un disque rotatif sur lequel sont imprimés les chiffres des heures. Ce disque est entraîné par la roue des minutes et saute toutes les 60 minutes d’heure en heure.

Minute rétrograde

Un affichage est dit rétrograde lorsque l’indicateur n’effectue pas un tour complet de cadran, mais revient à son point de départ pour entamer une nouvelle course après avoir parcouru l’entier de son segment de mesure. Généralement, il s’agit d’un arc de cercle survolé par une aiguille. 

Réserve de marche

La réserve de marche correspond à la durée de fonctionnement d’un mouvement horloger lorsque son ressort de barillet est remonté au maximum. Les possesseurs d’une montre phases de lune ou calendrier complet sont particulièrement sensibles au fait que leur montre ne doive pas s’arrêter… D’où l’intérêt d’afficher la mesure du temps restant sur le cadran, voire au dos de la montre.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam du mois de décembre 2023, parue le 20 novembre. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

 

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