Venez, rejoignez le Barreau. Avocat reste une formidable profession, variée et indépendante.  Romain Gamba/Maison Moderne

Venez, rejoignez le Barreau. Avocat reste une formidable profession, variée et indépendante.  Romain Gamba/Maison Moderne

Le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, Pit Reckinger, et le président de la Conférence du Jeune Barreau de Luxembourg, Tim Doll, présentent le métier passionnant et varié d’avocat.

Comment se porte le métier d’avocat, aujourd’hui?

(P.R.) —«Nous assistons à une croissance annuelle du nombre d’avocats de 5 à 6% depuis 10 ans au Luxembourg. Cette évolution est notamment due à la croissance du secteur financier et de la demande en droit des affaires. Pour illustrer ce point, il faut savoir que les huit plus grandes études du pays rassemblent à elles seules plus de 1.000 avocats, soit un tiers de l’effectif global. Et tous ces grands cabinets sont actifs en droit des affaires.»

(T. D.) – «Cette augmentation du nombre d’avocats, notamment en matière de contentieux, peut également s’expliquer par l’accroissement de la population au cours de ces dernières années au Luxembourg. Même si c’est, effectivement, le secteur de la finance qui occupe la majorité des avocats aujourd’hui.» 

Quelles sont les grandes évolutions du métier constatées ces dernières années?

P. R. – «Nous assistons à un phénomène d’accélération généralisée. La technologie a pris une place de plus en plus importante dans nos vies et les avocats sont, eux aussi, rapidement passés à l’ère du numérique. Par ailleurs, nous constatons que les clients sont devenus beaucoup plus exigeants en termes de temps de réponse.»

T. D. – «Nous avons également assisté à un accroissement très important des textes législatifs. La principale conséquence de cette prolifération des textes est qu’un avocat qui s’oriente aujourd’hui dans un domaine du conseil aura plus tendance à se spécialiser, tout simplement parce que dans l’environnement législatif et réglementaire actuel, il est très difficile de maîtriser plusieurs matières à la fois.

C’est un phénomène que l’on constate auprès de nos plus jeunes confrères et consœurs qui, par le choix de leur cursus universitaire, s’orientent déjà vers des domaines très particuliers. Ce n’est toutefois pas un prérequis. Il existe encore des avocats dont la formation se veut plus générale et qui, ensuite, par la pratique, se dirigent vers une matière de prédilection. Pour être tout à fait complète, cette tendance à la spécialisation est moins marquée pour les avocats qui pratiquent le contentieux et qui tendent à garder une approche un peu plus généraliste.»

La profession est considérée et ressentie comme difficile.
Pit Reckinger

Pit ReckingerBâtonnierOrdre des avocats du Barreau de Luxembourg

Quelles sont les principales conséquences de ces évolutions?

P. R. – «Un avocat doit être capable de s’adapter. Les clients sont devenus plus exigeants. Ils sont aussi mieux informés que par le passé. La législation devient plus pointue, et les textes de plus en plus nombreux. En conséquence, la profession est considérée et ressentie comme difficile. Nous exerçons une profession indépendante. Pour en vivre, il faut faire en sorte d’avoir des clients et, donc, de fournir un travail de qualité pour les satisfaire et connaître un certain succès dans ses affaires. La profession d’avocat est similaire à celle d’un entrepreneur.

Les avocats doivent, évidemment, développer une connaissance juridique pour apporter le meilleur conseil à leurs clients, mais ils doivent aussi aller chercher ces clients, gérer un cabinet, avoir des notions de comptabilité, de droit du travail – même si on ne le pratique pas –, de gestion des collaborateurs qui, faut-il le souligner, expriment des attentes différentes de celles du passé… Tous ces éléments réunis font qu’il s’agit parfois d’une profession qui demande beaucoup d’efforts et qui est stressante… du moins, par moment.»

T. D. – «À cela s’ajoute le fait qu’il s’agit d’une profession réglementée. Nous avons des contraintes à respecter, notamment en tant que professionnels soumis à la loi anti-blanchiment pour certaines matières, à la protection des données… Nous rencontrons les mêmes défis que la plupart des autres entreprises, tout en ayant la particularité de rester une profession autorégulée, ce qui est très important pour garantir le rôle de l’avocat au sein de la justice. Il s’agit d’un métier qui présente une multitude de facettes auxquelles on ne pense pas quand on étudie le droit à l’université.»

Comment le métier s’adapte-t-il aux nouvelles attentes des collaborateurs?

P. R. – «Comme dans tous les autres domaines, le concept de work-life balance est un sujet qui nous occupe, aujourd’hui, au sein de l’Ordre. Nous avons la chance d’exercer un métier très diversifié et nous devons permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même. Cela passe par la définition des rôles. Dans les études qui ont un plus grand nombre d’avocats, un collaborateur peut, par exemple, occuper un poste en interne, mener des recherches et apporter son aide (précieuse) pour construire des dossiers de qualité.

Dans la même étude, on trouvera également des avocats qui développent davantage leurs qualités d’entrepreneur, qui seront plus visibles, qui iront chercher des clients, donneront des conférences… Chaque personne peut apporter sa pierre à l’édifice. Nous constatons d’ailleurs que l’Ordre des avocats réunit aujourd’hui 49% de femmes pour 51% d’hommes. Cette égalité nous réjouit. En tant qu’indépendants, nous avons aussi cette possibilité d’organiser nos journées avec une «relative» liberté.

T. D. – «Il faut aussi ajouter que si le statut d’indépendant a longtemps été une préoccupation pour de jeunes avocats en début de carrière, on assiste aujourd’hui à une nette tendance vers le salariat, notamment au sein des plus grands cabinets.»

Quelles sont les attentes des plus jeunes avocats, aujourd’hui?

T. D. – «À côté des questions liées à la work-life balance et, plus généralement, aux conditions de travail, une attente principale des jeunes avocats qui rejoignent le Barreau a trait à la formation professionnelle. Le cursus universitaire classique, tout comme les cours complémentaires en droit luxembourgeois, est essentiellement théorique. Un jeune avocat est donc demandeur pour apprendre les aspects pratiques du métier. Comment gérer un dossier, une relation client, comment aborder telle ou telle situation sur le terrain… Au quotidien, un avocat doit développer un ensemble de compétences qui touchent davantage aux soft skills qu’à une pure connaissance du droit et de son application.»

P. R. – «À ce titre, il faut souligner le rôle important qu’occupe la Conférence du Jeune Barreau, émanation du Barreau de Luxembourg, qui rassemble tous les avocats qui ont moins de 11 ans d’ancienneté. Ses deux principales fonctions sont d’organiser des formations et des conférences pour les avocats sur une grande variété de sujets et, ensuite, de mettre en place de nombreux événements pour permettre à ces jeunes de se rencontrer dans un cadre moins formel et de créer du lien social.»

T. D. – «Nous essayons de donner la possibilité à chacun de s’initier au métier sous différentes facettes. Il est, bien sûr, très important de se former pour répondre aux enjeux actuels, mais il est tout aussi important de se créer un réseau. Tout au long de notre carrière, nous allons être amenés à traiter avec d’autres confrères. Dans certains cas, ils seront nos adversaires, mais cela ne doit pas empêcher de construire une approche confraternelle, dans le respect des règles du métier.»

Le secteur de la finance occupe la majorité des avocats aujourd’hui. 
Tim Doll 

Tim Doll président Conférence du Jeune Barreau de Luxembourg

Quel serait votre message pour les plus jeunes qui s’intéressent au métier d’avocat?

P. R. – «Venez, rejoignez le Barreau. Avocat reste une formidable profession, variée et indépendante. Pour les jeunes, aujourd’hui, le droit permet de toucher à de nombreux aspects qui auront de l’importance tout au long de leur vie professionnelle et privée: être en mesure d’analyser un problème, de l’expliquer (à un client ou à un juge), de défendre une position (en public)… Beaucoup de jeunes avocats qui terminent leur stage sont directement recrutés pour rejoindre le service juridique d’une entreprise ou d’un régulateur, etc. D’autres resteront acquis au Barreau. Les débouchés sont donc très nombreux.»

T. D. – «Pour donner une image, la profession d’avocat est comme un rond-point. On peut toujours choisir de se réorienter, à la fois en fonction de ses intérêts professionnels, mais également de ses capacités et de ses qualités personnelles. Pour qu’une étude puisse bien fonctionner, il faut de la diversité. On peut avoir un avocat qui est un très bon plaideur, mais qui aura besoin de l’appui d’un autre collègue plus doué pour les aspects techniques de recherche. Ce métier se pratique rarement seul et c’est ce qui en fait toute la richesse et la beauté. Nous avons de nombreux échanges avec des confrères, des collègues. Chacun peut trouver sa place en fonction de ses points forts.»

D’un point de vue plus personnel, que vous apporte ce métier?

P. R. – «C’est un métier très enrichissant d’un point de vue intellectuel. La première satisfaction vient du fait de pouvoir aider un client et d’arriver à résoudre un problème complexe. Nous sommes constamment confrontés à un adversaire qui nous met au défi. On ne peut donc jamais prendre une affaire à la légère parce que soit un juge, soit la partie adverse essayera de vous dire qu’il a mieux compris le dossier que vous. C’est un challenge intellectuel permanent, et c’est ce qui fait la beauté du métier.»

T. D. – «De manière plus générale, en prenant la défense des intérêts de nos clients, nous contribuons au bon fonctionnement de la justice, qui est un des fondamentaux de l’état de droit. Nous pouvons y prendre une part active, et c’est très valorisant.»

Les infos-clés à savoir sur le métier

Pour devenir avocat au Luxembourg, la première étape est d’obtenir un diplôme de droit (grade de master en droit émis par l’Université du Luxembourg ou un diplôme en droit délivré par une université étrangère répondant aux critères d’homologation). «Le cursus peut avoir lieu à l’Université du Luxembourg, mais aussi en Belgique ou en France par exemple», détaille le président de la Conférence du jeune Barreau de Luxembourg, Tim Doll.

Un tel diplôme permet d’accéder au cours complémentaire en droit luxembourgeois (CCDL), organisés annuellement entre les mois d’octobre et d’avril. Son objectif est de permettre une mise à niveau en droit luxembourgeois de tous les candidats. Lorsqu’il a réussi l’examen des CCDL, le candidat peut demander son inscription au Barreau en tant qu’avocat et prêter serment devant la Cour de cassation. Il est alors inscrit sur la liste 2 des avocats stagiaires.

«Pour cela, il doit toutefois répondre à des conditions d’honorabilité, trouver une adresse où il va établir son étude et présenter un patron de stage qui va s’occuper de lui durant les deux ans de stage», complète le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg.Durant cette période de stage, l’avocat doit encore suivre différentes formations complémentaires et passer des examens intermédiaires avant le grand examen final. En cas de réussite de cet examen de fin de stage judiciaire – que l’on appelle communément l’examen d’avoué –, le candidat est admis au Barreau en tant qu’avocat à la Cour (liste 1).

Pleinement qualifié, il peut alors plaider devant toutes les juridictions et effectuer tous les actes de procédure.

L’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg

L’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg met un point d’honneur à renforcer les liens de confiance entre les avocats, le public et les autorités publiques.

3.390 avocats, exerçant en personne physique, sont aujourd’hui répertoriés au Barreau de Luxembourg.

2.053 (60%) font partie de la liste 1 des avocats à la Cour pleinement qualifiés, 775 effectuent actuellement leur période de stage (liste 2) et 543 avocats exercent sous leur titre d’origine et sont inscrits à la fois auprès d’un autre Barreau au sein de l’Union européenne et à Luxembourg (liste 4).

Si l’on s’intéresse aux nationalités, 45% des avocats inscrits au Barreau de Luxembourg sont de nationalité française, 25% sont Luxembourgeois, 12% sont Belges et 4,6% proviennent d’Allemagne.

Cet article a été rédigé pour le supplément  de l’édition de  parue le 12 décembre 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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