«Les mesures en place sont déjà un coup de pouce pour les entreprises, mais elles doivent être beaucoup plus fortes encore», explique Lucie Martin, économiste à la Chambre de commerce. (Photo: Shutterstock)

«Les mesures en place sont déjà un coup de pouce pour les entreprises, mais elles doivent être beaucoup plus fortes encore», explique Lucie Martin, économiste à la Chambre de commerce. (Photo: Shutterstock)

Donner un réel coup de pouce aux entreprises dans leur transition écologique. C’est ce que recommande la Chambre de commerce, en créant par exemple un formulaire digital unique pour réduire les démarches, ou en mettant en place des incitatifs «positifs».

Le 9 février dernier, la Chambre de commerce présentait, en vue de nourrir le débat électoral en cette année de double scrutin électoral, Parmi celles-ci, dans un chapitre réservé aux transitions écologique et énergétique, se trouve notamment le sujet «offrir davantage d’incitations et d’accompagnement aux entreprises afin de leur donner un réel coup de pouce».

Cela voudrait-il dire que le coup de pouce n’est actuellement pas assez poussé? «Les mesures en place sont déjà un coup de pouce pour les entreprises, mais elles doivent être beaucoup plus fortes encore», répond Lucie Martin, économiste à la Chambre de commerce et auteur de ce livret. «La décarbonisation et la transition écologique en général sont très coûteuses pour l’entreprise, cela ne sera pas le premier choix qu’elle fera si elle ne va pas bien, si sa rentabilité va pas bien ou si sa compétitivité est à mal.»

Pour la Chambre de commerce, ce coup de pouce peut revêtir différentes formes: aides directes, prêts, subventions… «Je pense qu’il faut avoir différents types de mesures à offrir aux entreprises suivant ce qu’elles privilégieront et suivant leur secteur et leur taille. Un mix entre mesures directes, subventions, ou bonification d’impôts, crédits d’impôt, peut-être des aides où l’on va garantir certains prêts qui existent déjà partiellement, mais qui pourraient être renforcées, comme celle pour la rénovation énergétique. Il ne faut pas tout miser sur les subventions non plus», ajoute Christel Chatelain, directrice des affaires économiques à la Chambre de commerce.

Les investissements d’aujourd’hui dans cette transition écologique vont faire la compétitivité des entreprises demain.
Christel Chatelain

Christel Chatelaindirectrice des affaires économiquesChambre de commerce

«Il faut trouver un juste équilibre car ces aides financières coûtent de l’argent à l’État et il est certes important de subventionner, d’aider, mais cela doit se faire de manière ponctuelle, parce que sinon on a un effet d’aubaine et des entreprises qui auraient de toute façon fait ces changements, en profitent pour avoir une petite subvention. Et d’un point de vue des finances publiques, on ne peut pas non plus aider tout le monde, tout le temps sur tous les sujets.

«Les entreprises sont actuellement dans une situation qui n’est pas la plus favorable, après les différentes polycrises. Mais les investissements d’aujourd’hui dans cette transition écologique vont faire la compétitivité des entreprises demain. Donc nous avons en quelque sorte un cercle vicieux, parce que celles qui n’ont déjà plus les moyens d’investir n’iront pas mieux demain et auront une longueur de retard. Et à côté de ces aides financières il y a aussi un réel besoin d’accompagnement et de discussion.»


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La Chambre de commerce propose en effet dans son livret de développer un formulaire digital unique donnant accès à une liste exhaustive des aides et des formations auxquelles peuvent prétendre les entreprises et permettant une seule démarche pour plusieurs aides différentes. «L’idée est que l’entreprise communique une seule fois ses données et caractéristiques, et elle pourrait ainsi sélectionner les aides ou formations qui l’intéressent et remplir une demande d’obtention et/ou d’inscription unique pour toutes, tout en pouvant bénéficier d’un accompagnement ‘pas à pas’ par la suite», précise Lucie Martin. «À chaque fois qu’on discute avec les entreprises, surtout les PME, elles se sentent perdues. Elles ne savent pas sur quels sites aller, quel numéro appeler, s’il y a des liens entre différentes aides et accompagnements, etc.»

Pour l’institution, le gouvernement emprunte encore trop souvent la voie de la simple obligation à se conformer aux réglementations, ou propose d’atteindre les objectifs climatiques notamment en punissant le recours aux énergies fossiles, sans, en contrepartie, les accompagner d’incitatifs «positifs» et de plans d’action détaillés et réalistes. «Si on prend la taxe carbone, qui est un bon exemple d’une taxe environnementale, son objectif premier est de taxer le carbone émis pour essayer de décourager l’entreprise a en émettre et finalement l’inciter à en émettre moins. Sauf que certaines entreprises, dans l’état actuel, doivent faire des investissements assez conséquents pour pouvoir réussir à réduire leur consommation et leurs émissions», note Lucie Martin.

Une taxe carbone progressive

L’idée serait donc de créer un mécanisme d’une taxe carbone progressive, qui soit remboursée à l’entreprise selon les cas de figure. Par exemple, si une entreprise doit changer son four qui fonctionne au gaz pour un four à l’électricité, parce qu’une meilleure technologie est disponible, «on pourrait proportionnellement aux réductions d’émissions qu’elle pourrait faire, exonérer une partie de la taxe CO2 qu’elle paierait au final», précise-t-elle.

«Et beaucoup de technologies aujourd’hui vont certes consommer moins, mais ne sont pas forcément plus efficientes. Le four au gaz dans l’industrie par exemple, cela fait des générations qu’on l’utilise, son rendement a été optimisé depuis longtemps et il fonctionne très bien. Sur un four électrique, on a beaucoup moins de recul, certes il émet moins de CO2, mais il va mettre par exemple plus de temps à chauffer donc il va consommer plus d’électricité et c’est plus cher pour l’entreprise, donc elle n’aura rien gagné en efficacité énergétique. Ainsi, en plus de l’investissement à faire, l’énergie à payer pour le faire fonctionner lui coûte plus cher, et si en plus elle n’a pas d’incitatif derrière elle va être découragée à changer de technologie finalement.»

Beaucoup de technologies aujourd’hui vont certes consommer moins, mais ne sont pas forcément plus efficientes.
Lucie Martin

Lucie MartinéconomisteChambre de commerce

La Chambre de commerce propose également de renforcer, prolonger, voire réintroduire certaines aides et créer de nouveaux instruments en lien avec les transitions écologique et énergétique, comme les subventions pour véhicules propres et installation de bornes de charge qui devront être maintenues au-delà de mars 2024 et les subventions pour véhicules plug-in hybrides qui doivent être réintroduites. «Ce qui est plutôt préoccupant, c’est que l’objectif que s’est fixé le Luxembourg d’atteindre 49% de véhicules électriques ou de véhicules plug-in hybrides d’ici 2030, dans le parc automobile du pays, risque d’être compliqué à atteindre au vu du rythme auquel sont vendus les véhicules électriques.»

Autre idée soulevée: soutenir la transition écologique en introduisant une super-déduction fiscale pour les investissements «verts» et digitaux des entreprises, tout en poursuivant les efforts de simplification administrative. «Les entreprises pourraient ainsi déduire, en plus de la dépense éligible en question, un montant supplémentaire variant en fonction de leur taille, avec un taux de déduction additionnel plus important pour les start-ups et les petites et très petites entreprises. Elle serait déductible de la base imposable de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal, et combinée avec une exonération d’impôt sur la fortune des actifs en lien avec les domaines précités», ajoute la Chambre de commerce.