Le sourire en banane et un air espiègle d’éternel trublion: impossible de louper Lucien Elsen lorsqu’on croise sa route festive devant la Mesa Verde, depuis bientôt 30 ans… (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le sourire en banane et un air espiègle d’éternel trublion: impossible de louper Lucien Elsen lorsqu’on croise sa route festive devant la Mesa Verde, depuis bientôt 30 ans… (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Les jeunes en ont vaguement entendu parler, les moins jeunes ne jurent que par ses soirées endiablées: Lucien Elsen célèbre en cette rentrée 30 années de bons et loyaux plaisirs dans son incontournable Mesa Verde. Sans jamais oublier de célébrer la fête en général, ouverte, solidaire et fédératrice.

Si ce n’est pour les ridules malicieuses qui se sont dessinées avec les années au coin de ses paupières, Lucien Elsen pourrait donner l’impression qu’il n’a pas vieilli d’une année depuis l’ouverture de son restaurant , le 13 novembre 1990… Affichant toujours un large sourire et un air espiègle si caractéristiques du personnage, il célèbre donc en cette rentrée le 30e anniversaire de ce lieu emblématique de plusieurs générations de gourmands et d’oiseaux de nuit. 

Une cuisine saine et les premiers pas de la «house» 

Qu’est-ce qui explique une telle longévité? «Un savant cocktail de décors évolutifs et de cuisine principalement végétarienne qui a su rassemble un public adepte avant l’heure – on nous traitait d’ailleurs de lapins –, de bonne musique et de chouettes personnes», résume Lucien. Le pari du végétarisme était pourtant osé à la sortie des années 80, alors que la viande pour tous et la «processed food» étaient maîtresses… 

Ces 30 dernières années, «je les ressens parfois comme une seule longue année faite de temps forts», précise-t-il. Pas de nostalgie excessive, mais des pensées émues sur ce qu’était la nuit luxembourgeoise avant 1995, année de la culture. «Tout était à faire, et à tous les niveaux, il y avait une innocence géniale. Tout le monde s’entraidait, et on faisait des grandes fêtes communes, notamment sur le plateau du Saint-Esprit, à l’époque.»

C’est dans ce contexte que la Mesa Verde accueille alors les premières soirées dédiées à la musique house, avec des DJ encore bébés comme Maxwell George, Marino et Chook, puis que Lucien ouvre le club Subterrania à la place de ce qui est aujourd’hui De Gudde Wëllen et organise les premières scènes extérieures lors de la Fête national En 1996, c’est le Carnaval des cultures et les prémices de la Fête de la musique; en 1999, la «Millenium Party» rassemble des centaines de fêtards au Knuedler et à la «Mesa» pendant trois jours en même temps que le sortie du livre de cuisine «Simply Sense The Spirit»…

Il s’est passé des folles soirées au premier étage de la Mesa Verde!  (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Il s’est passé des folles soirées au premier étage de la Mesa Verde!  (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Joyeux Noël!

Mais bien avant tout cela, dès 1991, c’est la soirée de Noël qui fait parler de la Mesa Verde. On y croise tout ce que Luxembourg fait de patrons branchés, de belles-de-nuit, d’artistes éphémères… Presque 30 ans plus tard, les publics ont évolué, mais l’atmosphère d’insouciance sulfureuse règne toujours le 25 décembre au soir, tout comme pour le réveillon de fin d’année. 

Ma fille de 20 ans vient à la soirée et ramène ses amis à présent, les amis d’alors appellent pour prévenir de la venue de leurs enfants. Le mélange des générations continue de plus belle, et c’est pour moi très important, une véritable clé pour la réussite d’un événement de la sorte, avec l’ouverture d’esprit et le sex-appeal…

Lucien Elsen

Le secret des soirées de fin d’année organisées par Lucien Elsen tient probablement et également au fait de son goût pour l’échange et la proximité: depuis trois décennies, il parcourt bien volontiers avant chacune les établissements de la ville pour distribuer ses laissez-passer tant convoités, lui permettant de cibler par la même occasion «près des trois quarts des invités».

«Ce n’est que le commencement!»

À quelques semaines des 30 bougies à souffler, l’envie est clairement toujours là chez Lucien, lui qui s’inquiète pour chaque soirée, même après autant d’éditions: «Est-ce que les gens vont venir? Est-ce que les bonnes têtes seront là? Est-ce qu’ils vont aimer la musique…? Encore aujourd’hui, j’ai le même stress qu’en 91!»

Mais il est aussi conscient que la dynamique a changé, au Luxembourg, comme ailleurs, et l’exprime comme lui seul sait le faire: «Quand on a commencé, chacun coulait avec son petit ruisseau, entouré des gens qu’il aimait bien… Des fois, les ruisseaux se croisaient, et c’était top, il y avait beaucoup de connivences et de collaborations. Aujourd’hui, on est dans une gigantesque ‘pool’, et il faut tout le temps faire attention à ne pas se faire manger par un ‘big shark’! Je ne suis pas sûr que c’est comme ça qu’on dure…»

En attendant, sur la terrasse dont la Mesa Verde profite rue du Saint-Esprit, il a habillé le grand arbre central de lampions vietnamiens et de messages écrits et récoltés pendant le confinement, exprimant simplement le ressenti personnel de ces écrivains anonymes pendant cette période.

Prendre un verre sous l’arbre décoré de la terrasse de la Mesa Verde est un incontournable de l’été… (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Prendre un verre sous l’arbre décoré de la terrasse de la Mesa Verde est un incontournable de l’été… (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

«Dans le cadre d’un projet avec le Service culturel de la Ville de Luxembourg et l’association Within de Vanessa Buffone, l’ensemble de ces messages devraient donner naissance à un livre, comme un mémorial des humeurs et des impressions des gens. C’est un projet qui m’enthousiasme, comme tout le reste! Tu vois, 30 ans, c’est pas du tout la fin, c’est juste le commencement!»

Voilà, Lucien! Pas mieux…