Si le Luxembourg ne figurait pas dans la tournée européenne du fondateur d’OpenAI Sam Altman, le Premier ministre et ses conseillers étaient allés à la rencontre du cofondateur, Greg Brockman, mi-mars à San Francisco. (Photo: SIP)

Si le Luxembourg ne figurait pas dans la tournée européenne du fondateur d’OpenAI Sam Altman, le Premier ministre et ses conseillers étaient allés à la rencontre du cofondateur, Greg Brockman, mi-mars à San Francisco. (Photo: SIP)

Sam Altman, le fondateur d’OpenAI, à l’origine du phénomène ChatGPT, a terminé sa tournée pour trouver un point de chute, dans un pays d’Europe, à sa société d’intelligence artificielle. Sans passer par le Luxembourg. Mais tout n’est pas forcément perdu.

Silence radio. Interrogés pour savoir si le Luxembourg avait manifesté un intérêt à accueillir le futur quartier général européen de l’Américaine OpenAI – une obligation liée aux directives européennes – ni le ministère d’État, ni celui de l’Économie n’ont pour l’instant répondu.

Ni le chef du gouvernement, (DP), ni son ministre de l’Économie, (LSAP), habituellement très pressés de communiquer sur leurs rencontres avec des stars de la tech, que ce soit aux États-Unis ou au Forum économique mondial, par exemple, n’ont rien publié qui indique la moindre démarche en ce sens.

Mais le chef du gouvernement est allé, en compagnie du cofondateur et président de l’entreprise, Greg Brockman, visiter les bureaux d’OpenAI à San Francisco le 15 mars, lors de sa tournée sur la côte Ouest des États-Unis, où il a aussi rencontré le CEO d’Apple Tim Cooke, le CEO de Google et Alphabet Sundar Pichai, le cofondateur de Google Sergey Brin, ou encore le CEO de Qualcomm Cristiano Amon.

«Nous avons discuté de la sécurité intégrée de l’IA et de la capacité d’analyse et de raisonnement de GPT4. La technologie est là aujourd’hui. Je veux l’aborder avec ouverture, pas avec peur», racontait le Premier ministre sur son compte Linkedin en mars.

L’Espagne et sa sandbox

Dans l’ordre d’apparition de sa tournée européenne, Sam Altman est allé en Espagne, pays qui a lancé la première sandbox européenne liée à l’intelligence artificielle, l’an dernier.

Puis, le lendemain, en Pologne, pays que les médias annoncent comme étant celui qui aurait la préférence de l’entrepreneur.

Sam Altmann a ensuite lui-même indiqué être passé par Londres et Paris.

Le 25 mai, l’Américain s’est rendu chez le chancelier allemand, Olaf Scholz.

Et sa tournée européenne s’est terminée, le 1er juin, à Bruxelles, où il a sobrement posé avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Ce jour-là, le Premier ministre, Xavier Bettel, était… en Moldavie au deuxième sommet de la Communauté politique européenne, où l’on a certes beaucoup parlé de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais où il a aussi poursuivi des discussions avec le ministre d’État de Monaco, Pierre Dartout, notamment autour d’«un potentiel renforcement des relations bilatérales dans le domaine spatial». De retour au Luxembourg, il a participé au lancement du brevet unitaire européen avant d’aller participer au Conseil Télécom à Bruxelles.

Avant de partir, de son côté, Sam Altmann avait tout de même «rassuré» les Européens, en indiquant qu’il n’avait aucune intention de quitter l’Europe, autrement dit de ne pas se soumettre aux règlements en cours de déploiement autour de l’intelligence artificielle, et même que cela serait probablement un atout pour l’Europe.

Interrogée, par jeu, la version 4.0 de ChatGPT, en mode browser (pour que ses résultats ne se limitent pas à des informations jusqu’à fin 2021), répond n’avoir trouvé aucune trace d’un intérêt luxembourgeois.

La réponse de ChatGPT. (Screenshot: ChatGPT)

La réponse de ChatGPT. (Screenshot: ChatGPT)

Une recherche menée en parallèle avec des moteurs de recherche classiques ne donne pas de meilleur résultat. Mais ce résultat n’est pas si négatif.

Il rappelle en effet que le fondateur d’OpenAI a déclaré, depuis la Pologne, selon un article de Bloomberg: «Nous voulons ouvrir un bureau de recherche et d’ingénierie en Europe, pas un bureau règlementaire.»

Pourquoi ce serait intéressant pour le Luxembourg?

– parce qu’avec le buzz autour de ChatGPT, ce serait un argument de «nation branding» au moins du même niveau que le positionnement unique au monde dans le domaine spatial, le cannabis en vente libre ou la gratuité des transports publics;

– parce que cela s’insère dans la volonté du pays, réaffirmée par exemple dans de compter dans les domaines de la cybersécurité, du HPC et de l’intelligence artificielle;

– parce que cela s’inscrit dans un mouvement qui a mis du temps à voir le jour: les 246 pages du programme de l’actuelle coalition évoquaient tellement peu l’IA comme un secteur-clé du futur que le Premier ministre et son ministre de l’Économie d’alors, (LSAP), avaient publié le 24 mai 2019 deux documents, le même jour – histoire que personne ne puisse revendiquer une pole position… – pour le premier et pour le second;

– parce que 102 start-up locales (environ un cinquième de l’écosystème) revendiquent utiliser de l’intelligence artificielle, selon le Startup Directory de Luxinnovation;

– parce que, comme pour l’arrivée de Google à Bissen, quand un géant s’installe au Luxembourg, il attire les regards vers les raisons qui le poussent à choisir ce pays, au-delà des argumentaires bien rodés de la diplomatie luxembourgeoise, qu’elle soit politique ou d’affaires. Les regards de sociétés du même niveau ou de l’écosystème lié à ce géant.

Où sont installés les géants de la technologie? Une carte réalisée à partir du régulateur des données dont elles sont dépendantes en Europe. (Source: Irish Council for civil liberties)

Où sont installés les géants de la technologie? Une carte réalisée à partir du régulateur des données dont elles sont dépendantes en Europe. (Source: Irish Council for civil liberties)

Sans même évoquer les géants de la tech qui ont depuis longtemps travaillé sur leur division d’intelligence artificielle, parmi les 50 entreprises d’IA qui réalisent les plus gros chiffres d’affaires au monde – hors Chine – elles ne sont que trois à avoir déjà une antenne en Europe: la New-Yorkaise AlphaSense a ouvert ; la Californienne Anduril Industries avait ouvert , tout comme la prometteuse entreprise de San Francisco Anthropil, qui s’est contentée d’ il y a dix jours.

Un marché en plein boom

Le marché de l’IA générative (comme ChatGPT) devrait croître de 42% par an au cours des dix prochaines années, selon les calculs de Bloomberg Intelligence, et prendre une part croissante des dépenses en technologies. Soit 1.300 milliards de dollars en 2032.

Mais à 67 milliards de dollars en 2023, elle représente 17% du marché mondial de l’intelligence artificielle, dont les applications sont diverses et variées.

Et pendant ce temps-là, les Chinois ne chôment pas…