En décembre 2023, Maison Moderne fêtera son trentième anniversaire. Et vous, que faisiez-vous en décembre 1993?
Mélanie De Lima. – «Difficile de m’en souvenir… j’avais 4 ans à peine! De parents portugais, mes deux sœurs et moi avons grandi dans le respect et la richesse des diversités culturelles, ce qui a favorisé notre ouverture d’esprit. Des valeurs que je retrouve largement ici, au Luxembourg.
Quel article, quelle couverture de magazine ou quel événement Maison Moderne vous a marqué et pourquoi?
«Je me souviens parfaitement du ‘Maison Moderne Show’ de 2015. A l’époque, je venais d’arriver au Luxembourg, après mon expérience professionnelle dans le secteur de la communication en France. J’avais alors été impressionnée par la puissance de l’éco-système de Maison Moderne et la complémentarité des différents médias. L’évènement mettait en question le marketing comme élément stratégique intégré aux politiques d’entreprises. La position de Maison Moderne, en tant que maison d’édition, adoptant une approche critique sur son propre business et menant une réflexion centrée sur ses clients-annonceurs en interrogeant leurs besoins, m’avait agréablement surpris.
Vous êtes plutôt digital ou print dans votre consommation média?
«La marketing manager vous dira les deux évidemment! Ils se complètent bien, selon les besoins, les messages, les cibles... Mais l’amoureuse des livres que je suis doit admettre une préférence pour le papier. L’instantanéité et la flexibilité du digital sont formidables et nécessaires dans mon métier et pour notre société où le rythme est effréné, mais le papier a cette magie de nous imposer à marquer une pause. On ne fait pas défiler des pages comme on scrolle sur un écran. Quand je lis un magazine ou un livre, le temps se suspend pour quelques minutes ou quelques heures et je me concentre davantage sur les mots, leurs nuances, leurs subtilités.
À quoi ressemble votre bureau, et qu'est-ce que cela raconte sur vous?
«Je suis intégrée dans un open space, avec une partie des équipes commerciales dédiées aux transactions des biens immobiliers professionnels. C’est un lieu dynamique et vivant. Moi qui ne venais pas du secteur immobilier, cet environnement de travail m’a aidé à m’imprégner du langage et des codes propres à ce milieu. Entre ma tasse de café, des piles de magazines que je me promets de consulter “quand j’aurai le temps” et mes nombreux carnets de notes, mon bureau en lui-même est plutôt “impersonnel”.

Le bureau de Mélanie De Lima. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)
Il ne reflète pas vraiment ma personnalité énergique ou mon affection pour la décoration et les couleurs. Mais j’aime justement le voir comme un espace différent, consacré au travail, qui tranche avec ma vie privée et me plonge dans un autre univers.
Quels sont vos habitudes et rituels matinales dans le travail?
«Un café et c’est parti! Le matin, il faut que ça aille vite. J’aime être lancée dans la dynamique d’une nouvelle journée. Sur le trajet qui me conduit au bureau, dans la voiture déjà, je pense à ma ‘to do list’. Il faut dire que j’ai le temps d’y réfléchir, le trajet est devenu particulièrement long quand on se rend à Luxembourg ville depuis la frontière.
Et le soir… quel est le projet qui vous empêche de dormir?
«A la croisée de nombreux enjeux, notamment économiques, environnementaux et sociétaux, l’immobilier est en constante évolution. Il exige de se renouveler sans cesse, d’être en veille permanente pour trouver de nouvelles approches. Le marketing doit refléter ces préoccupations actuelles et accompagner les défis futurs. Dans la conjoncture actuelle, particulièrement tendue, où le marché se voit bouleversé notamment par l’inflation, une hausse des taux d’intérêts et une pénurie des matériaux, se montrer créatif est vital pour être résilient. Cette situation ne m’empêche heureusement pas de dormir, mais je dois avouer qu’elle occupe une grande partie de mes pensées.
Quelle est la bonne pratique que vous avez appris récemment et que vous désirez partager avec nos lecteurs, vos confrères?
«Ce n’est pas une pratique en soi, plutôt un trait de personnalité, mais je me suis toujours autorisée à être curieuse. Interroger, chercher, observer sont autant de moyens pour moi de mieux comprendre l’environnement dans lequel j’évolue, d’appréhender les opportunités potentielles, de vivre de nouvelles expériences, tout en gagnant en connaissances et en compétences et, in fine de prendre les meilleures décisions possibles. C’est cette curiosité, cette soif d’apprendre, qui génère la créativité et fait naître de nouvelles idées.
Un CEO sensible à la communication et au marketing est capital. Quelle note donnez-vous à votre CEO sur sa vision du rôle stratégique de votre département?
«Depuis la restructuration d’INOWAI en 2020, le groupe a connu des évolutions significatives, ce qui a amené de nouvelles impulsions et réflexions autour de la stratégie d’entreprise et, plus largement, un regard différent sur le secteur immobilier.
La stratégie marketing a suivi - pour ne pas dire porté - ce renouveau, et s’est donc vue renouvelée elle-aussi. Cela a été possible grâce à la confiance, la collaboration et l’ouverture d’esprit des membres de la direction. Avec un CEO, , convaincu que la révolution du secteur passera par sa digitalisation et sa capacité à appréhender des enjeux ESG, le dialogue est facile. Il reconnaît le rôle essentiel du marketing dans la stratégie d’entreprise.
Partagez-nous trois campagnes coup de cœur!
«Je dois avouer que j’aime bien certaines campagnes de Burger King (pas toutes). Je ne suis pas une fan de fast-food, mais je trouve leurs actions souvent drôles et percutantes. Avec un ton décalé et provocateur, ils exploitent intelligemment le cross-media (réseaux sociaux, street marketing, etc.) avec un axe digital fort, qui leur permet à la fois proximité et réactivité. Mais c’est surtout leur engagement qui me plaît. Je pense par exemple à une campagne dans laquelle les serveurs “maltraitaient” les burgers avant de les servir aux clients pour dénoncer le harcèlement, ou encore leurs publicités incitant leurs communautés à commander des plats chez les concurrents pour soutenir le secteur de la restauration durant les confinements imposés par la crise sanitaire.
Au Luxembourg, j’ai été touchée par la dernière campagne du Ministère de la Santé, ‘Boobies’, qui sensibilisait les femmes à la prévention et au dépistage du cancer du sein. Alors qu'une femme sur huit est touchée par un cancer du sein, la campagne prévoyait une distribution à grande échelle de boîtes de chocolats en forme de sein, contenant 8 pralines, sept "bonnes" et une "surprise". J'ai trouvé l'idée à la fois percutante, efficace et ludique pour aborder un sujet encore trop peu mis en lumière.
Au sein d’INOWAI, nous avons lancé en 2016 le magazine de l’immobilier NOW. C’est un support qui se veut la vitrine du secteur au Luxembourg. Nous y prenons la température au travers de rapports de marché, nous interrogeons les tendances avec des interviews de personnalités publiques et politiques, nous y présentons des projets emblématiques qui transforment le paysage urbain du pays. Entre développement territorial, économie, architecture, environnement ou encore nouvelles technologies, le magazine NOW est un concentré de ce qui se joue au Luxembourg aujourd’hui et pour le futur. À travers ce magazine, INOWAI contribue activement à la valorisation du patrimoine national et participe à répondre aux problématiques sociales, environnementales et économiques du pays.
Vous devenez rédac’ chef. Qui mettez-vous en couverture du prochain Paperjam ou Delano?
«Quelle responsabilité! Et quel choix difficile! Je trouve que les couvertures de magazine mettent régulièrement en avant des personnalités déjà connues et reconnues de la Place financière et/ou politique. Je me tournerais donc vers des figures plus discrètes, qui œuvrent dans “l’ombre”.
Je suis récemment tombée sur un article dédié au docteur Bernard Thill, qu’un média a nommé “le médecin luxembourgeois des pauvres”. Il est le président de l’association Médecins du Monde qui s’emploie non seulement à lutter contre la pauvreté, mais aussi à donner accès aux soins de santé aux citoyens les plus pauvres du pays. L’organisation déploie des équipes de bénévoles dans les rues et propose des consultations médicales gratuites. Alors que la pandémie de Covid-19 a révélé les conditions de travail difficiles des professionnels de santé et a plongé certaines familles dans une grande précarité, j’ai trouvé son dévouement et le travail des bénévoles formidables. C’est ce type d’action, de profil qui m’inspire.»