, grippe, Covid… Cet hiver infectieux fait grimper la demande de certains médicaments. Et l’offre a du mal à suivre. «C’est un problème récurrent et continu», témoigne Marc Bray, pharmacien à l’officine du Globe à Luxembourg. Depuis quelques mois, cependant, «des produits plus courants manquent. Mais nous arrivons toujours à nous débrouiller pour trouver des alternatives.»
Toujours des alternatives
Danielle Becker-Bauer, vice-présidente du Syndicat des pharmaciens luxembourgeois (SPL), confirme. Cela concerne «les sirops pour enfants, le Dafalgan… mais nous avons toujours des génériques, d’autres marques. Il n’y a pas de raison de paniquer.» En l’absence de solutions buvables, la pharmacienne à l’officine du Trèfle à Bettembourg propose par exemple des suppositoires. «Mais nous perdons du temps. Il faut surveiller les stocks de nos grossistes, commander en amont.» Elle stocke aujourd’hui deux à trois fois plus qu’habituellement les «médicaments de première nécessité, antibiotiques ou antidouleurs».
Jacques Schneider, responsable des achats au Comptoir pharmaceutique luxembourgeois (CPL), aussi. Le grossiste achète le triple de ses besoins normaux pour des produits «hivernaux». Lors de l’épidémie de bronchiolite, il a vendu en un mois ce qu’il vend habituellement en six. Les commandes se font au moins de manière hebdomadaire, même si l’entreprise dispose de «quatre à six semaines» de stock en moyenne.
Les indisponibilités en hausse de 22%
Le ministère de la Santé a ainsi reçu une cinquantaine de notifications d’indisponibilités temporaires de médicaments par mois en 2022, 22% de plus qu’en 2021. Cela peut concerner «tout type de médicaments et des durées variables. En général, des alternatives sont disponibles. Les pénuries signalées le plus fréquemment concernent les médicaments agissant sur le système nerveux, cardiovasculaire, les anti-infectieux généraux et ceux agissant sur le tube digestif et le métabolisme.»
Nous perdons du temps. Il faut surveiller les stocks de nos grossistes, commander en amont.
Il admet que l’augmentation des cas de Covid en Chine «fait craindre une augmentation de pénurie de médicaments, due à un ralentissement des chaînes de production et à une hausse de la demande» nationale. Car si les produits commercialisés au Luxembourg proviennent à 85% de Belgique (les 15% restants se répartissent entre la France et l’Allemagne), les principes actifs sont fabriqués en majorité par «des pays tiers, dont la Chine», note Jacques Schneider.
«Il existe d’autres sources importantes», relativise le ministère de la Santé, qui cite l’Inde, les États-Unis et l’Europe. La situation est «suivie par les autorités européennes en collaboration avec les autorités compétentes nationales pour anticiper toute pénurie et en mitiger les conséquences.»
Pas de ruptures de paracétamol
S’ajoutent d’autres causes, pour Jacques Schneider. Parfois, ce sont les flacons, fabriqués en Ukraine, qui manquent. Certains fournisseurs ont aussi diminué leur production. «Dans le temps, il y avait d’énormes quantités. Maintenant, ils demandent aux grossistes des prévisions sur plusieurs années.» D’où des décalages lors d’épidémies surprises.
Si , le CPL ne remarque pas de ruptures de ce côté. «Nous avons encore des milliers de stocks», lit Jacques Schneider sur son ordinateur. Du côté des pharmacies non plus. La vente était déjà limitée nationalement, sans ordonnance, à 1.000 mg par client depuis des années, selon la vice-présidente du SPL.
La difficile relocalisation
Du côté des hôpitaux, les difficultés d’approvisionnement «ne font qu’empirer depuis cinq ans», relate Anne-Marie Minaïdis, pharmacienne gérante au Centre hospitalier Emile Mayrisch (Chem). La plupart des commandes se font directement auprès des fournisseurs belges. Là aussi, «la plupart du temps, on trouve des alternatives». Sinon, «les gouvernements et firmes mettent en place des quotas, en se basant sur ce qu’on utilisait avant».
Elle prend l’exemple d’un antithrombotique en rupture mondiale, aussi utilisé pour d’autres indications, si bien que la demande a dépassé l’offre. Les établissements doivent donc prioriser son usage pour ses propriétés de base et «reprendre d’anciennes méthodes» pour les autres cas.
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Après les , serait-ce là un nouveau signe de la nécessité de relocaliser la production? «Il faut commencer à comprendre qu’on doit payer un prix cohérent pour que tout ne se retrouve pas en Asie», estime Anne-Marie Minaïdis. Une position que partage le SPL. Le problème: «Les grandes sociétés fabriquent où cela coûte moins cher», regrette sa vice-présidente.
La France avait annoncé en 2020 sa volonté de ramener la production de paracétamol. Deux ans plus tard, l’usine Seqens se prépare toujours à commercialiser 100.000 tonnes par an, selon plusieurs médias. En Allemagne, le ministre de la Santé souhaite permettre aux caisses d’assurance-maladie d’acheter 50% plus cher certains médicaments, pour attirer des fabricants sur son marché.