Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Degroof Petercam Luxembourg)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Degroof Petercam Luxembourg)

Les chiffres de production industrielle de la locomotive de la zone euro ne cessent de décevoir. Le niveau de production industrielle en Allemagne se situe 15% en dessous du pic de 2017. Cet article tente d’expliquer les raisons pour lesquelles les perspectives de reprise du secteur industriel allemand sont mitigées.

L’industrie étant un poids lourd dans l’économie de la première puissance européenne, celle-ci freine l’économie allemande, qui stagne depuis cinq ans. L’industrie représente toujours près d’un cinquième de l’économie allemande, soit le double de ce que ce secteur pèse dans les économies françaises et américaines. Aujourd’hui, l’industrie allemande souffre de trois maux qui sont malheureusement structurels et qui remettent en question le modèle commercial de l’industrie allemande.

Le premier concerne la crise énergétique qui n’est pas résolue et qui a fortement affaibli la compétitivité de l’industrie européenne. Le prix du gaz en Europe reste aujourd’hui plus de quatre fois supérieur au gaz américain. En effet, afin de substituer le gaz russe, nous avons dû importer du gaz liquéfié d’autres régions, ce qui coûte plus cher, car il faut tenir compte, entre autres, du coût lié aux opérations de liquéfaction et de regazéification, et le transport maritime. 

Deuxièmement, l’industrie allemande a tissé au fil du temps des liens étroits avec les pays européens de l’Est tels que la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, tirant profit d’une main-d’œuvre bon marché, ce qui conférait un avantage compétitif non négligeable aux entreprises exportatrices allemandes. Au cours des 10 dernières années, le salaire mensuel moyen dans le secteur manufacturier en Pologne et en République tchèque a doublé, réduisant ainsi l’écart avec l’Allemagne.  

Écrire une nouvelle histoire

Enfin, le troisième problème structurel est lié à la Chine. Même si les États-Unis restent le premier marché international pour les sociétés allemandes (hors Europe), quelque 7% des produits exportés par l’Allemagne trouvent leur destination en Chine. Les voitures sont le premier produit vendu par les sociétés exportatrices allemandes vers la Chine, représentant 20% des exportations totales vers la Chine. Les exportations allemandes vers la Chine ont été multipliées par 10 depuis 2001, mais sont aujourd’hui au même niveau que 2018. L’Allemagne ne peut plus compter sur ce marché important comme moteur de croissance pour ses exportations. De fait, la Chine entre directement en compétition avec les produits allemands et l’Union européenne devient de plus en plus critique vis-à-vis des pratiques commerciales des entreprises chinoises, nuisant aux liens commerciaux entre les deux blocs.

L’industrie allemande florissante des années 2000 est désormais une histoire du passé. Les trois éléments-clés qui ont fait le succès de l’économie allemande sont en train de devenir des vents contraires: gaz russe bon marché, recours à des contractants de l’Europe de l’Est à bas coût et expansion vers la Chine. L’Allemagne va devoir trouver d’autres moteurs de croissance économique pour retrouver le chemin de la prospérité. Certaines pistes ont déjà été énoncées (technologies vertes, semi-conducteurs, software), mais les défis sont de taille étant donné les investissements nécessaires – aussi bien financiers qu’humains – pour développer ces industries et la compétitivité internationale féroce dans ces domaines.