À la tête de la nouvelle Agence britannique pour la recherche avancée et l'invention, Matt Clifford voit ses 50 propositions, parfois très disruptives, être endossées par le gouvernement britannique. (Photo: Matt Clifford)

À la tête de la nouvelle Agence britannique pour la recherche avancée et l'invention, Matt Clifford voit ses 50 propositions, parfois très disruptives, être endossées par le gouvernement britannique. (Photo: Matt Clifford)

Construction accélérée de data centers, recours à des technologies nucléaires, mobilisation d’acteurs privés: le Royaume-Uni a présenté lundi un plan en 50 mesures – celles de Matt Clifford – pour prendre une place de choix dans la compétition mondiale à l’intelligence artificielle. Dans une note de stratégie, le fondateur et CEO d’OpenAI, Sam Altman, invite le gouvernement Trump à en faire autant. L’énergie, question centrale.

Ce lundi soir, la commune de Bissen a donné son feu vert au PAP avec Google à sept voix pour, deux abstentions et un contre… mais cela ne signifie pas que le géant tient enfin son permis de construire. Pendant ce temps-là, les autres continuent d’avancer et d’oser affirmer comment ils entendent prendre un rôle de premier plan dans les spectaculaires développements de l’intelligence artificielle. Tout le monde a compris que la question de l’énergie serait centrale et n’a plus aucun tabou à promouvoir de nouvelles technologies énergétiques sans vraiment poser la question ni des risques ni de l’avenir des déchets… Le débat n’est pas manichéen, entre le bien et le mal, mais devrait examiner l’ensemble du dossier – l’énergie, les risques, les progrès que ces technologies, l’IA comprise, offrent à la société et ensuite, il s’agit de placer le curseur au bon niveau de risque qu’un pays accepte de prendre à un moment donné. Quitte à laisser passer une locomotive parce que la population n’est pas prête à aller plus loin.

Ce lundi, le chef du gouvernement britannique, Keir Starmer, a endossé les 50 propositions de l’entrepreneur Matt Clifford pour lancer une grande stratégie autour de l’intelligence artificielle. Trois grandes entreprises technologiques – Vantage Data Centres, Nscale et Kyndryl – se sont engagées à investir 14 milliards de livres pour construire l’ infrastructure d’IA dont le pays a besoin et créer 13.250 emplois. Ce montant s’ajoute aux 25 milliards de livres sterling d’investissement dans l’IA annoncés lors du Sommet international de l’investissement. 12 de ces 14 milliards seront apportés par Vantage Data Centres, qui n’a quasiment pas d’autres activités dans sa holding luxembourgeoise que de faire remonter les bénéfices de ses filiales européennes vers Londres.

Le plan prévoit de mobiliser les zones industrielles abandonnées pour en faire des zones de développement de l’IA en concentrant les infrastructures électriques et les infrastructures autour de l’IA, que ce soit les centres de données ou les supercalculateurs, dont la puissance sera multipliée par 20 au bénéfice de l’industrie et de la recherche. Ces zones bénéficieront de simplification administrative pour pouvoir construire plus rapidement.

Troisième axe, le plan d'action encourage l'investissement dans les technologies énergétiques de nouvelle génération, notamment les sources durables comme la fission, la fusion et d'autres technologies «prometteuses», avec une double idée: s’engager à réduire les aspects négatifs et centraliser cette question dans une nouvelle organisation qui regroupe experts de l’énergie et experts de l’intelligence artificielle.

Ce plan est inspiré par Matt Clifford, cofondateur et président d’Entrepreneur First (EF), le premier investisseur mondial en talents, et président de la nouvelle Agence britannique pour la recherche avancée et l’invention (), agence dotée de 800 millions de livres sterling pour le financement de la R&D de pointe. Et c’est aussi du privé qu’est venue, ce lundi aussi, une note de stratégie à destination du futur président américain, Donald Trump: Sam Altman, serial entrepreneur et fondateur d’OpenAI (ChatGPT).

Dans OpenAI’s economic blueprint for AI America, M. Altman formule les mêmes recommandations sur l’énergie: des dépenses fédérales considérablement accrues en matière de transmission d'électricité et de données et une approbation simplifiée pour les nouvelles lignes sont nécessaires; la création d'une autoroute nationale de l’infrastructure de l’IA pour relier ces réseaux électriques et de communication régionaux dans l’intérêt de la compétitivité et de la sécurité économiques nationales; étant donné que les marchés privés ne suffiront peut-être pas à eux seuls à payer l’énorme quantité d’infrastructures d’IA nécessaires, le gouvernement américain peut fournir des engagements d’achat de production et des rehaussements de crédit pour encourager les investissements dans les infrastructures; et le recours à de nouvelles sources d’énergie pour alimenter les centres de données de l’IA, sources qui seraient considérées comme des atouts nationaux stratégiques.

Comme le Britannique, l’Américain – qualifié de soutien de Donald Trump pour lui avoir donné un million de dollars pendant la campagne ce qu’il a aussi fait avec sa concurrente – insiste aussi sur la guerre des talents. Comme lui, il insiste sur la collaboration avec l’industrie ou encore sur la construction d’une IA propre.

Mais rien sur l’énergie «propre». Une rupture dans les discours des dernières années. L’IA d’abord. Forte. Et puissante. C’est peut-être de ce point de vue-là que le plan du gouvernement luxembourgeois, attendu pour mars, sera le plus intéressant. Comment répondra-t-il à la question de la spectaculaire augmentation de la consommation énergétique dans un pays importateur net d’électricité? Dans un pays où les grands entrepreneurs se plaignent déjà du coût de l’énergie, que ce soit Michel Wurth relayant un article du Monde sur les différences entre les continents ou Paul Schockmel qui appelait, au Fedil Industry Day, à aligner les comportements européens sur ceux de ses concurrents en laissant tout le monde se débrouiller à l’OMC.