(À nos lecteurs: la rédaction de Paperjam a pris ses quartiers à Dudelange, ces jeudi et vendredi, à la rencontre d’acteurs politiques, sociaux et économiques de cette commune de 22.000 habitants. Cet article s’inscrit dans cette démarche «concentrée». Bonne lecture. Le rédacteur en chef)
Pouvez-vous nous expliquer la direction artistique que vous développez pour les deux galeries communales que sont Nei Liicht et Dominique Lang?
«Comme les espaces sont relativement petits, je reste sur cette ligne d’expositions monographiques. Nei Liicht est un espace intime, puisque c’est une ancienne maison familiale, avec ses pièces de taille modeste qui communiquent les unes avec les autres. La galerie Dominique Lang a un tout autre esprit, puisque nous sommes dans l’ancienne salle d’attente d’une gare. La salle du bas est haute sous plafond, assez généreuse dans son volume, mais l’étage est beaucoup plus bas de plafond, avec beaucoup de recoins, donc plus difficile à appréhender pour l’exposition, mais c’est un espace qui offre aussi des possibilités pour l’expérimentation.
Ces deux bâtiments proposent finalement des espaces complémentaires. J’aime y montrer des artistes qui me touchent, qui ont une histoire à raconter, qui défendent une idée. Cela peut être un artiste émergent ou un artiste plus confirmé. En général, nous essayons de faire en sorte que l’exposition à Dudelange joue un rôle de tremplin pour l’artiste, puisse lui permettre de montrer son travail dans un contexte qui pourrait l’emmener par la suite vers un plus grand centre d’art ou musée. Je porte aussi attention aux artistes dudelangeois, comme cela a été le cas ces dernières années avec les expositions des œuvres de Jean-Pierre Adam, Dominique Lang et actuellement Marc Henri Reckinger. Et je suis en train de travailler à l’organisation de l’exposition de l’œuvre d’Armand Strainchamps.

Vue de la maison qui abrite la galerie Nei Liicht (Photo: Nader Ghavami)
Ces espaces ont aussi la particularité d’être à mi-chemin entre un centre d’art et une galerie commerciale. Expliquez-nous.
«Effectivement, nous sommes un centre d’art dans le sens où nous programmons des expositions, organisons les montages, accompagnons l’artiste dans le processus, rédigeons des textes de présentation pour le public, parfois éditons un catalogue, mais les artistes ont aussi la possibilité de vendre les œuvres exposées. Toutefois, il faut savoir que nous ne fonctionnons pas comme une galerie d’art classique, puisque la Ville de Dudelange ne prend pas de pourcentage sur les ventes effectuées comme cela est pratiqué dans le marché de l’art. De plus, la Ville de Dudelange offre un honoraire à l’artiste qui expose et achète systématiquement une œuvre pour sa collection dont les œuvres sont exposées dans les bureaux de la commune.
Vous vous occupez aussi de la danse, de la littérature et du théâtre au centre culturel Opderschmelz. Comment orientez-vous les activités liées à ces disciplines?
«Pour le théâtre, j’essaie de laisser une place importante au théâtre féminin et féministe. Les représentations peuvent être en luxembourgeois, en français et en allemand, parfois aussi en anglais. Nous avons également quelques propositions pour le jeune public. Nous ne réalisons que des coproductions et travaillons en réseau avec les autres centres d’art du pays.
Pour la danse, nous accueillons plutôt des œuvres expérimentales, des productions parfois plus marginales, qu’on ne retrouve pas dans les grandes salles.
Pour la littérature, nous organisons des lectures classiques, mais aussi des événements intitulés ‘Be offline’, qui invitent à tour de rôle un auteur luxembourgeois et un auteur étranger à réaliser à la fois une lecture et partager un moment avec le public, où il ou elle parle plus de soi et de son travail. C’est une rencontre qui est aussi accompagnée par un DJ set et qui offre donc un moment festif et convivial. Tous les ans, nous avons aussi une grande rencontre qui est le Kanner- a Jugendbicherdag, dont la prochaine édition est le 25 janvier.
Pourquoi la culture a-t-elle une place si importante à Dudelange?
«Historiquement, l’identité de Dudelange est liée à l’activité sidérurgique. Quand cette industrie s’est démantelée, la Ville a choisi de se redévelopper autour de la culture et du sport. Elle s’est donné les moyens de le faire, puisqu’environ 10% du budget communal annuel est dédié à la culture. Cet engagement conséquent permet aux Dudelangeois d’avoir accès aux spectacles à des prix très modestes, avec même la gratuité d’accès au centre culturel Opderschmelz pour les bénéficiaires du Kulturpass. La musique a aussi une place importante, avec la Fête de la musique, qui est toujours un moment très fort, le festival Usina ou encore les festivals Like a Jazz Machine et Zeltik au centre culturel.
Vous êtes également présidente du Centre national de la culture industrielle (CNCI). Pouvez-vous nous présenter cette structure et ses actions?
«C’est un projet qui existe depuis 2004, qui a été écrit par une équipe autour d’Antoinette Lorang et qui avait pour objectif de créer un musée de la culture industrielle. Quand nous avons repris cette initiative en 2019, nous avons révisé le projet – car l’idée d’ouvrir un nouveau musée n’avait pas de sens – et l’avons réorienté pour le positionner plutôt sur la constitution d’un réseau d’acteurs qui travaillent sur la préservation et valorisation de cette culture industrielle. Ce réseau rassemble 17 acteurs de tailles variables, allant du Musée des mines, par exemple, au Fonds Belval, en passant par de petites associations de bénévoles comme l’Amicale des hauts fourneaux. Nous travaillons main dans la main pour organiser des événements et des actions. Ce réseau rassemble des acteurs présents dans le sud du pays, mais aussi sur le reste du territoire national et au-delà des frontières, principalement en France et en Belgique pour le moment. Nous portons aussi l’attention de cette thématique auprès des autorités publiques, comme le ministère de la Culture et les communes.
Nous travaillons également sur le patrimoine bâti dans des friches industrielles qui méritent d’être conservées. Nous écrivons alors des propositions de réaffectation, identifions quels bâtiments mériteraient d’être préservés… Ce dernier travail est généralement fait en collaboration avec l’Inap. Actuellement, nous travaillons sur la Halle des soufflantes à Belval, la friche de Dommeldange et la Metzeschmelz.
Un autre volet de notre activité est la préservation des archives. Nous avons affaire à du matériel très hétéroclite, car il ne s’agit pas que de documents papier par exemple, mais d’objets divers et variés. Aussi, il faut trouver une méthode d’archivage qui assure la pérennité de ce matériel, qui est souvent conservé encore au sein des familles et donc susceptible de disparaître en fonction de l’intérêt et de la sensibilité des différentes personnes qui les possèdent.
Le dernier volet que le CNCI développe est la pédagogie et la sensibilisation à cette culture industrielle, à travers des workshops, une summer school… Pour cela, nous recevons des subsides du ministère de la Culture, car cette démarche fait partie du Kulturentwécklungsplang 2018-2028 et figurait dans l’accord de coalition du précédent gouvernement. Nous bénéficions donc d’un soutien politique.»