Pour Mario Draghi, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question de la survie de l’Europe se pose. (Photo: Shutterstock).

Pour Mario Draghi, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question de la survie de l’Europe se pose. (Photo: Shutterstock).

Face à une situation qu’il juge existentielle pour l’Union européenne, Mario Draghi veut des réformes et des investissements massifs à hauteur de 5% du PIB par an pour relancer l’économie européenne.

On connaissait Mario Draghi – président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019 – pour sa formule «whatever it takes», synonyme du sauvetage de l’euro menacé par la crise de la dette. Sauvetage qui lui avait valu le surnom de «Super Mario». Ce principe de «whatever it takes», il le décline aujourd’hui au service de l’économie de l’Union européenne et de la relance de sa compétitivité dans un commandé par la Commission européenne au printemps dernier et officiellement remis à Ursula von der Leyen ce 9 septembre, après que les députés européens ont pris connaissance de ses grandes lignes mercredi 4 septembre.

L’épineuse question du financement

Pour «Super Mario», «l’Union européenne a besoin d’une politique industrielle beaucoup plus coordonnée, de décisions plus rapides et d’investissements massifs si elle veut suivre le rythme économique de ses rivaux, les États-Unis et la Chine». Ces besoins d’investissements, il les chiffres à hauteur de 5% du PIB de l’UE, soit environ 800 milliards par an. Un montant qui, il le reconnaît lui-même, ne pourra pas être mis sur la table uniquement par les États membres. Il faudra «mobiliser aussi bien des capitaux publics que des capitaux privés». Il appelle à ce titre à la création d’une «véritable Europe des capitaux».

La question du financement de la transition durable et numérique de l’Union est déjà sur la table, a rappelé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Pour elle, la Commission et le Conseil doivent travailler ensemble pour définir les priorités politiques, puis pour définir les modalités de financement. Et dans ce contexte, «toutes les options sont ouvertes». Des options qui vont de la hausse de la contribution des États au budget de l’UE à la recherche de nouvelles ressources, y compris l’émission d’un emprunt européen. Une question qui est pour beaucoup de pays, principalement l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe, une ligne rouge infranchissable.

Des réformes institutionnelles pour une UE plus efficace

Pour ce qui est des réformes, Mario Draghi pointe un «manque de coordination entre les États qui limite l’efficacité des initiatives prises pour faire face aux nouvelles réalités que sont la hausse durable du prix des énergies fossiles, la nécessité d’augmenter l’effort de défense, une démographie décroissante et une productivité qui n’augmente pas suffisamment vite pour compenser le manque de main-d’œuvre».

Dans son viseur, notamment, les différences de subventions entre les pays qui perturbent le marché unique, la fragmentation du marché européen qui handicape la compétitivité des entreprises européennes sur le marché mondial ainsi qu’un processus de prise de décision au sein de l’UE «complexe et lent». «Il faudra recentrer le travail de l’UE sur les questions les plus urgentes, assurer une coordination efficace des politiques autour d’objectifs communs et utiliser les procédures de gouvernance existantes d’une nouvelle manière qui permette aux États membres qui le souhaitent d’aller plus vite», estime-t-il.

Un exemple? La politique en matière de droits de douane qu’il voudrait voir plus pragmatique, spécifique et défensive «qu’elle ne l’est aujourd’hui». Une référence directe à la Chine.

170 propositions

Le rapport de Mario Draghi est divisé en deux parties. Dans la première, outre l’état des lieux de la compétitivité en Europe, on trouve cinq chapitres comme autant de champs d’action indispensables: «combler le fossé de l’innovation (y compris en matière de compétences)», «conjuguer décarbonisation et compétitivité»; «renforcer la sécurité et réduire les dépendances»; «financer les investissements» et «renforcer la gouvernance».

Des parties qui détaillent les défis auxquels fait face l’UE. Comme la difficulté de passer du stade de la recherche et développement en Europe à celui de la commercialisation. Une difficulté qui conduit «30% des licornes européennes à quitter le continent pour les États-Unis». Mario Draghi cite également la dépendance vis-à-vis de la Chine pour tout ce qui est des matières premières indispensables à la transition vers une économie durable et numérique.

Dans la seconde partie du rapport, on trouve 170 propositions de politiques structurelles et horizontales.

Durant la présentation publique de son rapport, Mario Draghi a mis en exergue la nécessité de la réforme du marché de l’énergie, marché «archaïque» dont le fonctionnement pénalise selon lui la transition énergétique. Il préconise que les avantages en termes de coûts de la décarbonation doivent être anticipés et transférés à tous les consommateurs. Et pour accélérer la décarbonation, il plaide pour «tirer parti de toutes les technologies et solutions disponibles – y compris le nucléaire – en adoptant une approche technologiquement neutre et en développant un système global efficace en termes de coûts».

Mario Draghi insiste également sur la nécessité de sécuriser les voies d’approvisionnement des matières premières stratégiques. En recourant notamment au recyclage, au développent d’un second marché pour ces ressources et à la diversification des sources d’approvisionnement.