Alors que pendant de nombreuses années le pavillon luxembourgeois à la Biennale de Venise se tenait à la Ca’ del Duca, l’équipe du Casino Luxembourg – qui s’occupe de la coordination de l’exposition en alternance avec le Mudam – va intervenir pour la première fois dans l’Arsenal, un lieu un peu plus contraignant, mais qui offre une belle visibilité et un flux de visiteurs plus important, comme a pu le constater le Luca, qui y a organisé il y a quelques mois l’exposition pour la Biennale d’architecture.
Une collaboration au long cours
C’est l’artiste luxembourgeois d’origine portugaise Marco Godinho qui représentera le Luxembourg pour cette 58e exposition internationale d’art, un artiste que le Casino Luxembourg et, en particulier, , directeur du Casino Luxembourg, suivent depuis longtemps.
«Nous avons déjà eu l’occasion de travailler avec Marco Godinho à plusieurs reprises, pour des expositions au Casino, bien sûr, mais aussi à Aschaffenbourg en Allemagne, à la Fonderie Darling à Montréal ou encore à Taipei en Corée, par exemple.» Ce projet s’inscrit donc dans un travail au long cours et témoigne d’une marque de confiance entre le commissaire et l’artiste, même si le projet de ce dernier a été choisi à l’unanimité par un jury composé d’Emma Lavigne (directrice du Centre Pompidou Metz), Danielle Igniti (directrice du CCR opderschmelz, galerie d’art de la Ville de Dudelange), (directrice du Mudam Luxembourg), Frank-Thorsten Moll (directeur de l’Ikob Eupen) et Kevin Muhlen.
Du nord vers le sud
Cette exposition sera l’occasion pour Marco Godinho de poursuivre des recherches entamées depuis quelques années, et d’en initier de nouvelles. Intéressé par les questions de temps, de géographie, de déplacement, de réflexion liées aux migrations, à l’identité, au langage, Marco Godinho voit dans cette exposition à Venise une opportunité de travailler le thème de la fascination de l’Homme pour la mer et de mettre en exergue le déplacement du nord vers le sud, de Luxembourg vers Venise, «une odyssée à rebours des migrations récentes, un retour au berceau de notre société», comme l’explique l’artiste.
L’alphabet de la mer
Depuis 2013, Marco Godinho réalise un corpus d’œuvres qui a donné le titre à l’exposition «Written by Water». «La mer n’étant pas présente au Luxembourg, j’ai abordé la relation à cet élément de manière chimérique, imaginaire, libérée poétiquement. Je me suis demandé comment la mer pourrait s’exprimer si elle pouvait écrire. Quel serait son alphabet? Un alphabet qui ferait appel à d’autres sens, comme lire par le toucher», explique l’artiste. Aussi, suivant un certain rituel, il plonge des cahiers de notes dans la mer pour qu’elle les écrive, consigne ses récits invisibles. Les collectionnant précieusement, l’artiste en possède désormais toute une bibliothèque qu’il présentera pour la première fois à la Biennale.
Une nouvelle odyssée
L’exposition sera aussi l’occasion de réaliser plusieurs collaborations, dont une avec son frère Fabio, qui est acteur. Il a demandé à ce dernier de lire silencieusement l’Odyssée d’Homère sur différents rivages de la Méditerranée et de faire don de chaque page à un passant ou simplement au vent. De cette performance, il a réalisé un film qui sera projeté également à Venise.
Un autre type de collaboration a été initié avec des personnes aveugles qui témoignent de leur relation à la mer dans une installation sonore.
«Cette exposition est conçue comme une immersion, un rituel et un environnement. Je me suis intéressé à des questions liées au miroitement, à la réflexion, mais aussi à l’idée d’aller vers le sud, d’aller vers la profondeur, à l’idée d’entrer dans la mémoire. C’est une exposition où il sera impossible de tout voir, car les éléments seront présentés par intermittence. C’est un choix délibéré, parce que la mémoire est aussi liée au manque, à l’effacement, tout comme l’est la migration. C’est dans cette même réflexion que j’ai développé un travail autour du fruit de l’oubli, le fruit du jujube, inspiré du récit d’Homère qui arrive sur l’île des Lotophages.»
Toutes ces œuvres seront mises en espace à travers une installation immersive, «comme si une grande vague était entrée dans l’Arsenal et avait soulevé le sol», précise Marco Godinho. Une histoire «liquide» qui n’est pas encore totalement écrite.
Exposition ouverte au public à partir du 11 mai jusqu’au 24 novembre. Vernissage le 9 mai à 14h30